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04/11/2014 | FRANCE | N°14BX00885

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 04 novembre 2014, 14BX00885


Vu la requête enregistrée le 19 mars 2014 présentée par le préfet de la Gironde ;

Le préfet de la Gironde demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1304593 du 26 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, a annulé l'arrêté du 14 octobre 2013 par lequel il a refusé de délivrer à Mme A...B...un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours avec interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a fixé le pays de renvoi et, d'autre part,

lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de Mme B...dans le délai d'...

Vu la requête enregistrée le 19 mars 2014 présentée par le préfet de la Gironde ;

Le préfet de la Gironde demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1304593 du 26 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, a annulé l'arrêté du 14 octobre 2013 par lequel il a refusé de délivrer à Mme A...B...un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours avec interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a fixé le pays de renvoi et, d'autre part, lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de Mme B...dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 700 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

2°) de mettre à la charge de Mme B...la somme de 700 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 octobre 2014:

- le rapport de M. Jean-Pierre Valeins, président assesseur ;

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;

1. Considérant que MmeB..., née le 30 novembre 1985, de nationalité camerounaise, est entrée en France le 15 décembre 2009, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de tourisme valable 15 jours délivré par les autorités consulaires danoises et prorogé jusqu'au 23 janvier 2010 par les autorités danoises ; que sa demande de titre de séjour du 27 mars 2012, fondée sur le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a été classée sans suite par le médecin de l'agence régionale de santé le 19 septembre 2012, Mme B...n'ayant pas fourni suffisamment d'éléments médicaux ; que, suite à l'ouverture d'une enquête pour suspicion de mariage de complaisance et au vu des procès-verbaux d'audition des deux protagonistes, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a pris à son encontre un arrêté du 21 novembre 2012 lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français, confirmé par ordonnance du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Pau du 29 janvier 2013 ; que, par arrêté du 14 octobre 2013, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans et a fixé le pays de renvoi ; que le préfet de la Gironde relève appel du jugement du 26 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté et lui a enjoint de réexaminer la situation de MmeB... ;

Sur le bien fondé du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 pris pour l'application de l'article R. 313-22 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ;- si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; - la durée prévisible du traitement. Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. (...) " ;

3. Considérant que pour annuler la décision portant refus de séjour, les premiers juges ont estimé qu'elle avait été prise selon une procédure irrégulière dès lors que le préfet de la Gironde ne pouvait être regardé comme justifiant avoir recueilli l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ; que, toutefois, le préfet de la Gironde a produit le 6 février 2014, devant le tribunal administratif, l'avis en date du 17 septembre 2013 signé de MmeC..., médecin de l'agence régionale de santé, qui précise que l'état de santé de Mme B...nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il existe un traitement approprié dans son pays d'origine et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine ; que, dans ces conditions, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux s'est fondé sur le motif précité pour annuler la décision par laquelle le préfet de la Gironde a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme B...et a annulé par voie de conséquence de cette annulation les autres décisions contenues dans l'arrêté du 14 octobre 2013 ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B...devant le tribunal administratif de Bordeaux ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté :

5. Considérant que si Mme B...souffre d'un état dépressif, il ressort de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du 17 septembre 2013 que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il existe un traitement approprié dans son pays d'origine et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine ; que le certificat médical produit par la requérante ne permet pas de remettre en cause cette appréciation, en ce qui concerne les conséquences d'un défaut de prise en charge médicale et l'existence d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que, par suite, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté du 14 octobre 2013 serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur son état de santé et méconnaîtrait le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que, pour l'application des dispositions et des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ;

7. Considérant que Mme B...soutient qu'elle a construit sa vie privée en France depuis 2009 ; que, toutefois, elle a fait l'objet d'une décision d'obligation de quitter le territoire français le 21 novembre 2012, confirmée par le tribunal administratif de Pau, qu'elle n'a pas exécutée et s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français ; qu'elle est célibataire et sans charge de famille en France ; qu'elle a des attaches familiales dans son pays d'origine, où résident sa mère et ses trois enfants mineurs et où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans ; que, dans ces conditions, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de Mme B...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a donc pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de la Gironde est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé son arrêté en date du 14 octobre 2013 ;

9. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par MmeB..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme B...la somme de 700 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement du 26 février 2014 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Bordeaux et ses conclusions devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions du préfet de la Gironde au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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No 14BX00885


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX00885
Date de la décision : 04/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PEANO
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre VALEINS
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : HACHET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2014-11-04;14bx00885 ?
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