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18/11/2014 | FRANCE | N°14BX00996

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 18 novembre 2014, 14BX00996


Vu la requête enregistrée le 28 mars 2014 présentée pour M. D...A...demeurant à..., par Me B... ;

M. A...demande à la cour :

1°) de surseoir à statuer dans l'attente de l'avis de la Cour de justice de l'Union européenne relatif au droit d'être entendu ;

2°) à défaut, d'annuler le jugement n° 1303382 du 11 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 mai 2013 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter l

e territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d...

Vu la requête enregistrée le 28 mars 2014 présentée pour M. D...A...demeurant à..., par Me B... ;

M. A...demande à la cour :

1°) de surseoir à statuer dans l'attente de l'avis de la Cour de justice de l'Union européenne relatif au droit d'être entendu ;

2°) à défaut, d'annuler le jugement n° 1303382 du 11 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 mai 2013 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'annuler l'arrêté du 23 mai 2013 ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, l'autorisant à travailler et renouvelable jusqu'à l'intervention de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) à défaut, d'enjoindre au préfet de la Gironde de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 813 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la directive européenne n° 2005/85 CE du 1er décembre 2005 du Conseil européen relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

L'affaire ayant été dispensée de conclusions du rapporteur public en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 octobre 2014 :

- le rapport de M. Didier Péano, président ;

1. Considérant que M.A..., né le 27 août 1977, de nationalité ivoirienne, est entré en France le 13 novembre 2009 sous couvert d'un visa de court séjour ; qu'il a déposé une demande d'asile qui a été rejetée le 25 avril 2012 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et le 17 avril 2013 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ; que, par arrêté du 23 mai 2013, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ; que M. A...relève appel du jugement du 11 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que M. A...a invoqué devant le tribunal administratif le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu ; que le tribunal administratif a omis de statuer sur ce moyen, qui n'était pas inopérant ; que, par suite, le jugement est, pour ce motif, entaché d'irrégularité et doit être annulé en tant qu'il a statué sur la demande de M. A...tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de statuer par la voie de l'évocation sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire et de statuer par la voie de l'effet dévolutif sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions lui refusant un titre de séjour et fixant le pays de renvoi ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ; que la décision de refus de séjour vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquels le préfet s'est fondé ; qu'il relève notamment que la demande d'asile de M. A...a été rejetée par l'OFPRA le 25 avril 2012 et la CNDA le 17 avril 2013 et qu'il ne peut se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-13 et L. 314-11 8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il est entré récemment en France, qu'il est célibataire et sans charge de famille et ne justifie pas être isolé dans son pays d'origine, ni avoir rompu tout lien avec celui-ci ; que dès lors, la décision, qui fait état d'éléments propres à la situation de M.A..., est suffisamment motivée au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 alors même qu'elle ne mentionnerait pas l'existence de sa relation avec une ressortissante française ;

5. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment de la motivation de l'arrêté attaqué, que le préfet se serait abstenu de se livrer à l'examen particulier de la situation personnelle de M.A... ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

6. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision portant refus de séjour n'est pas entachée d'illégalité ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale doit être écarté ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article R. 311-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " En cas de refus de délivrance de tout titre de séjour, l'étranger est tenu de quitter le territoire français " ; que M.A..., qui avait la possibilité, pendant l'instruction de sa demande, de faire connaître, de manière utile et effective, les éléments justifiant son admission au séjour, ne pouvait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande de titre de séjour, il pourrait faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; que selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne [C-383/13 PPU du 10 septembre 2013] une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision ; que la seule allégation que M. A...aurait tissé des relations avec une ressortissante française ne saurait être regardée comme constituant des éléments nouveaux qui auraient conduit le préfet à prendre une décision différente ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'en prenant à son encontre une mesure d'éloignement sans le mettre en mesure de présenter ses observations, le préfet aurait porté atteinte au principe général du droit de l'Union européenne garantissant à toute personne le droit d'être entendue préalablement à l'adoption d'une mesure individuelle l'affectant défavorablement et également méconnu les dispositions de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant que M. A...soutient qu'il n'a pas reçu une information portant sur le fait qu'il pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement à l'issue de sa procédure de demande d'asile, conformément à l'article 10 paragraphe 1 de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres, selon lequel : " 1. En ce qui concerne les procédures prévues au chapitre III, les Etats membres veillent à ce que tous les demandeurs d'asile bénéficient des garanties suivantes : a) ils sont informés, dans une langue dont il est raisonnable de supposer qu'ils la comprennent, de la procédure à suivre et de leurs droits et obligations en cours de la procédure ainsi que des conséquences que pourrait avoir le non-respect de leurs obligations ou le refus de coopérer avec les autorités. Ils sont informés du calendrier, ainsi que des moyens dont ils disposent pour remplir leur obligation de présenter les éléments visés à l'article 4 de la directive 2004/83/CE. Ces informations leur sont communiquées à temps pour leur permettre d'exercer les droits garantis par la présente directive et de se conformer aux obligations décrites à l'article 11 " ; qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'indication des pièces à fournir par l'étranger qui sollicite son admission au séjour au titre de l'asile en application du présent article est portée à sa connaissance par les services de la préfecture. Ces derniers remettent alors à l'étranger un document d'information sur ses droits et sur les obligations qu'il doit respecter eu égard aux conditions d'accueil des demandeurs d'asile, ainsi que sur les organisations qui assurent une assistance juridique spécifique et celles susceptibles de l'aider ou de l'informer sur les conditions d'accueil dont il peut bénéficier, y compris les soins médicaux. Cette information se fait dans une langue dont il est raisonnable de penser que le demandeur d'asile la comprend " ;

9. Considérant que la circonstance qu'un étranger qui sollicite son admission au séjour au titre de l'asile n'aurait pas reçu l'ensemble des informations prévues par le a) du paragraphe 1 de l'article 10 de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 ainsi que par l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans une langue dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend ne peut être utilement invoquée à l'appui de conclusions mettant en cause la légalité de la décision par laquelle le préfet statue, en fin de procédure, après intervention de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, le cas échéant, après celle de la Cour nationale du droit d'asile, sur son droit au séjour en France au titre de l'asile ou à un autre titre ; que, par suite, le moyen ainsi invoqué est inopérant, à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

10. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ne sont pas entachées d'illégalité ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi serait dépourvue de base légale doit être écarté ;

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que pour l'application des stipulations et des dispositions précitées, il appartient à l'autorité administrative de s'assurer que la décision fixant le pays de renvoi d'un étranger ne l'expose pas à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique, non plus qu'à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que si elle est en droit de prendre en considération, à cet effet, les décisions prises, le cas échéant, par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile saisis par l'étranger d'une demande de titre de réfugié politique, l'examen par ces dernières instances, au regard des conditions mises à la reconnaissance du statut de réfugié par la convention de Genève du 21 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967, des faits allégués par le demandeur d'un tel statut et des craintes qu'il énonce, ne lie pas l'autorité administrative et est sans influence sur l'obligation qui est sienne de vérifier, au vu du dossier dont elle dispose, que les mesures qu'elle prend ne méconnaissent pas les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

12. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 1, la demande d'asile de M. A...a été rejetée le 25 avril 2012 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et le 17 avril 2013 par la Cour nationale du droit d'asile ; que pour établir la réalité des risques qu'il encourt en cas de retour en Côte-d'Ivoire, M. A...fait valoir qu'il est issu de l'ethnie guéré, qu'il a subi des violences importantes, qu'il appartient à une famille particulièrement engagée en politique " au sein du FPI (parti de Laurent Gbagbo) l'exposant aux violences des militants de M.C... " et qu'il a refusé de " participer au front de libération du grand ouest (milice constituée pour la vengeance des massacres de Douéké, au cours desquels les guéré ont été massivement exterminés en 2005...) " ; que toutefois les documents nouveaux qu'il produit devant la cour concernant sa mère à savoir les deux cartes de membres du FPI des années 2000 et 2002, des convocations aux réunions du FPI datant de 1992, 1996 et 1998 et un poster de l'ancien conseil municipal de la commune de Adjamé, sur lequel elle figurerait ne sont pas de nature à établir la réalité des menaces auxquelles il serait actuellement personnellement et directement exposé en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur la question préjudicielle posée par le tribunal administratif de Melun, que M. A...n'est pas fondé, d'une part, à demander l'annulation de l'arrêté du 23 mai 2013 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et, d'autre part, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué en tant qu'il porte refus de séjour et fixe le pays de renvoi ;

Sur le surplus des conclusions :

14. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté attaqué, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que dès lors, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A...ne sauraient être accueillies ;

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de quelque somme que ce soit au profit de l'avocat de M. A...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement n° 1303382 du tribunal administratif de Bordeaux en date du 11 décembre 2013 est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'elle est dirigée contre la décision portant obligation de quitter le territoire français et le surplus de sa requête présentée devant la cour sont rejetés.

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N° 14BX00996


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX00996
Date de la décision : 18/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PEANO
Rapporteur ?: M. Didier PEANO
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : HUGON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2014-11-18;14bx00996 ?
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