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04/12/2014 | FRANCE | N°13BX01378

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 04 décembre 2014, 13BX01378


Vu la requête enregistrée le 22 mai 2013, présentée pour la société à responsabilité limitée Chambonnaud Verminière, dont le siège social est situé à La Jugie, à Saint-Adjutory (16310), par MeA... ;

La SARL Chambonnaud Verminière demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100853 du 4 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et intérêts de retard qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 janvier 20

08 ;

2°) de la décharger des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée, et p...

Vu la requête enregistrée le 22 mai 2013, présentée pour la société à responsabilité limitée Chambonnaud Verminière, dont le siège social est situé à La Jugie, à Saint-Adjutory (16310), par MeA... ;

La SARL Chambonnaud Verminière demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100853 du 4 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et intérêts de retard qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 janvier 2008 ;

2°) de la décharger des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée, et pénalités y afférentes, qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 janvier 2008 ;

3°) d'annuler la décision du directeur départemental des finances publiques de la Charente du 14 mars 2011 rejetant sa réclamation contentieuse ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que le taux réduit prévu au 3° de l'article 278 bis du code général des impôts lui est applicable dès lors qu'aucun processus de transformation n'est utilisé lors de l'élevage des larves ;

- que les larves prennent une coloration particulière en se nourrissant d'une viande préalablement colorée, et qu'aucune manutention, intervention humaine ou mécanique n'est effectuée sur la larve ; que c'est la nourriture qui subit la transformation ; que l'élevage des larves est identique pour le surplus, et que les larves ont la même destination, qu'elles soient colorées ou non ;

- que la doctrine administrative référencée 3 C-2122-3 donne une liste d'opérations de manutention et de manipulation directes du produit entraînant sa modification profonde ; que cette action sur les aliments n'a pas pour effet de modifier sa nature et sa structure ; que l'absence de modification de la nature et de la structure du produit est prise en compte dans le BOI-TVA-LIQ-30-10-20-20130307, paragraphe 210 ; qu'une transformation implique donc une modification de la structure et/ou de la structure du produit, le terme de coloration évoqué par la doctrine impliquant une manipulation directe du produit ; que la coloration qu'elle opère ne remplit pas ces conditions et ne peut donc pas être regardée comme une transformation au sens de la doctrine ;

- que le règlement CE 852-2004, en son article 2, s'oppose à ce qu'une coloration, n'entraînant aucune modification de ses qualités substantielles, soit regardée comme une transformation du produit ; que cette coloration n'entraîne qu'un changement de perception du produit par l'utilisateur ;

- qu'aucun texte ne qualifie une coloration de transformation justifiant d'écarter l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée ;

- que le tribunal administratif n'a pas justifié son appréciation, en ne définissant pas une transformation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 novembre 2013, présenté pour le ministre de l'économie et des finances qui conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir :

- que l'opération de coloration des larves a pour finalité d'accroître leur pouvoir d'attraction sur les poissons ;

- que le 3° de l'article 278 bis du code général des impôts précise que la taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit pour les opérations portant sur les produits d'origine agricole, de la pêche, de la pisciculture et de l'aviculture n'ayant subi aucune modification ; que le 4° de l'article 278 bis du code général des impôts précise que la taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit pour les opérations portant sur les aliments simples ou composés utilisés pour la nourriture du bétail, des animaux de basse-cour, des poissons d'élevage destinés à la consommation humaine et des abeilles, ainsi que les produits entrant dans la composition de ces aliments et énumérés à l'article 31 de l'annexe IV au code général des impôts, et que leurs composants qui ne sont pas des aliments par nature sont soumis au taux normal ;

- que les aliments par nature restent soumis au taux réduit quand ils contiennent certaines substances ou compositions dont la liste et les conditions d'utilisation sont fixées par arrêté du 13 février 1992 modifié ;

- que les appâts et amorces pour la pêche sont soumis au taux réduit ; que le taux normal s'applique aux appâts constituant des aliments préparés destinés exclusivement à des poissons autres que les poissons d'élevage destinés à la consommation humaine ; que le taux normal s'applique aux produits pour animaux qui ne peuvent pas être regardés comme des aliments par nature destinés à leur nutrition courante ;

- que la doctrine 3C 2122 à jour au 30 mars 2001 précise les opérations de transformation susceptibles de faire perdre aux produits d'origine agricole, de la pêche, de la pisciculture et de l'aviculture le bénéfice du taux réduit ; que le bénéfice du taux réduit est subordonné à des conditions de destination, à savoir que les aliments par nature et " supplémentés " soient utilisés pour la nourriture du bétail, des animaux de basse-cour, des poissons d'élevage destinés à la consommation humaine et des abeilles, et que les produits énumérés à l'article 31 de l'annexe IV au code général des impôts entrent dans la compositions des aliments destinés aux animaux ;

- que la commission départementale des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires a considéré le 2 décembre 2009 que la coloration constituait une opération de transformation susceptible de faire perdre le bénéfice du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée ;

- que les colorants chimiques ne sont pas des aliments par nature au sens de la réglementation fiscale et ne répondent pas aux critères du 3° de l'article 278 bis du code général des impôts ; qu'il y a bien transformation des larves ;

- que le règlement CE 852-2004 n'est pas opposable en matière fiscale, de même que les avis d'experts ;

- que la doctrine administrative ne comporte pas une interprétation différente de la loi dont il a été fait application et que la société ne peut pas s'en prévaloir ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 29 novembre 2013, présenté pour la SARL Chambonnaud Verminière qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens ;

Elle soutient en outre que la qualité intrinsèque des appâts n'est pas modifiée ; qu'elle ne se prévaut pas des cas d'application du taux réduit prévus au 4° de l'article 278 bis du code général des impôts, qui est étranger au litige ; que les 3° et 4° de l'article 278 bis ne se complètent pas mais constituent deux cas différents ; qu'elle peut se prévaloir du 3° de l'article 278 bis même si elle ne relève pas de son 4° ; que la réglementation communautaire peut être retenue pour apprécier la notion de transformation ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 octobre 2014, présenté pour le ministre des finances et des comptes publics qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 novembre 2014 :

- le rapport de M. Olivier Mauny, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

1. Considérant que la SARL Chambonnaud Verminière exerce une activité d'élevage et de commercialisation d'appâts vivants pour la pêche de loisir et, en particulier de larves d'insectes et de vers de terre ; qu'au terme d'une vérification de comptabilité réalisée en 2008, l'administration a remis en cause l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée aux ventes de larves qui ont été colorées par la société au cours de leur processus d'élevage, et a rappelé les droits procédant de l'application du taux normal à ces ventes, assortis de pénalités de retard ; que par jugement n° 1100853 du 4 avril 2013, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande de la société tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et pénalités y afférentes qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 janvier 2008 ; que la SARL Chambonnaud Verminière relève appel de ce jugement ;

Sur les conclusions en décharge :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 278 bis du code général des impôts dans sa version alors en vigueur : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,50 p. 100 en ce qui concerne les opérations d'achat, d'importation, d'acquisitions intracommunautaires, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon portant sur les produits suivants : (...)3° Produits d'origine agricole, de la pêche, de la pisciculture et de l'aviculture n'ayant subi aucune transformation ; (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les larves d'insectes qu'élève la SARL Chambonnaud Verminière font l'objet d'une coloration artificielle résultant de l'ingestion d'une viande préalablement colorée ; qu'une telle coloration, qui ne résulte pas d'une intervention significative et directe sur les larves, ne modifie ni leur substance ni leur destination et conserve à ces larves la même fonction d'appât pour leurs acheteurs ; que, dès lors, les larves ne peuvent être regardées comme ayant subi une transformation du seul fait de leur coloration ; que la SARL Chambonnaud Verminière est donc fondée à soutenir que le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée prévu au 3° de l'article 278 bis précité est applicable aux ventes de larves colorées ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL Chambonnaud Verminière est fondée à demander la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 janvier 2008 ;

Sur les conclusions relatives à l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SARL Chambonnaud Verminière non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er: Le jugement du tribunal administratif de Poitiers n° 1100853 du 4 avril 2013 est annulé.

Article 2 : La société à responsabilité limitée Chambonnaud Verminière est déchargée des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 janvier 2008, majorés des intérêts de retard.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à la société à responsabilité limitée Chambonnaud Verminière au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrête sera notifié à la société à responsabilité limitée Chambonnaud Verminière et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 6 novembre 2014 à laquelle siégeaient :

M. Michèle Richer, président,

M. Antoine Bec, président-assesseur,

M. Olivier Mauny, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 décembre 2014.

Le rapporteur,

Olivier MAUNYLe président,

Michèle RICHERLe greffier,

Florence DELIGEY

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 13BX01378


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 13BX01378
Date de la décision : 04/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Analyses

19-06-02-09-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES. TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILÉES. TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE. CALCUL DE LA TAXE. TAUX. - TVA - TAUX RÉDUIT APPLICABLE AUX PRODUITS D'ORIGINE AGRICOLE, DE LA PÊCHE ET DE LA PISCICULTURE N'AYANT SUBI AUCUNE TRANSFORMATION (3° DE L'ARTICLE 278 BIS DU CGI).

19-06-02-09-01 Des larves d'insectes qui sont nourries avec une viande colorée pour les rendre plus attirantes pour les poissons ne peuvent être regardées comme ayant subi une transformation du seul fait de leur coloration. Leur vente est dès lors soumise au taux réduit de TVA en application de l'article 278 bis du code général des impôts.


Références :

Le pourvoi en cassation formé devant le Conseil d'État sous le n°387528 n'a pas été admis.


Composition du Tribunal
Président : Mme RICHER
Rapporteur ?: M. Olivier MAUNY
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SOCIÉTÉ D'AVOCATS ARNAUD FORESTAS ROBIN-ROQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/08/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2014-12-04;13bx01378 ?
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