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11/12/2014 | FRANCE | N°14BX01753

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 11 décembre 2014, 14BX01753


Vu la requête, enregistrée le 12 juin 2014, présentée pour Mme A...B..., demeurant..., par Me C... ;

Mme B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1305174 du 20 mai 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 16 octobre 2013 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet d

e la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour d...

Vu la requête, enregistrée le 12 juin 2014, présentée pour Mme A...B..., demeurant..., par Me C... ;

Mme B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1305174 du 20 mai 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 16 octobre 2013 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à lui verser au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, modifié;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

L'affaire ayant été dispensée de conclusions sur proposition du rapporteur public en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 novembre 2014 :

- le rapport de Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller ;

- et les observations de Me Nakache Haarfi, avocat de Mme B...;

1. Considérant que MmeB..., ressortissante marocaine, née le 1er janvier 1978, déclare être entrée en France le 1er juillet 2002 ; que le 9 juillet 2013, elle a sollicité son admission exceptionnelle au séjour ; qu'elle relève appel du jugement n° 1305174 du 20 mai 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 16 octobre 2013 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi ;

Sur la légalité de l'arrêté :

2. Considérant en premier lieu, que M. Thierry Bonnier, secrétaire général de la préfecture de la Haute-Garonne, a reçu délégation de signature, par un arrêté du 13 mai 2013 régulièrement publié au recueil spécial n° 61 des actes administratifs de la préfecture de mai 2013, à l'effet de signer au nom du préfet tous actes, arrêtés, décisions et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département de la Haute-Garonne, à l'exception des arrêtés de conflit ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de l'incompétence de l'autorité signataire de cet arrêté ;

3. Considérant en deuxième lieu, que l'arrêté attaqué vise les articles 3 et 9 de l'accord franco-marocain et les articles L. 313-14 et L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquels il se fonde, ainsi que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il indique la date à laquelle Mme B...a déclaré être entrée en France, précise qu'elle a sollicité son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salariée suite à la publication de la circulaire du 28 novembre 2012 et indique que la durée du séjour en France de l'intéressée n'est pas établie ; que cet arrêté, contrairement à ce que soutient la requérante, fait état des attaches familiales dont elle dispose en France et dans son pays d'origine ; qu'à ce titre, il détaille les titres de séjour dont bénéficient les membres de sa fratrie et indique que ses parents résident toujours au Maroc ; qu'il précise sa situation personnelle et familiale, souligne le fait qu'elle n'a jamais cherché à régulariser sa situation depuis 2002 et relève qu'elle ne saurait se prévaloir d'une bonne intégration en France dans la mesure où elle ne maîtrise pas la langue française ; qu'enfin, il indique que la promesse d'embauche dont elle se prévaut ne saurait lui ouvrir droit à la délivrance d'un titre de séjour " salarié " ; que cette motivation, révélatrice de ce que le préfet a procédé à un examen de la situation personnelle de MmeB..., n'est pas entachée d'insuffisance ;

4. Considérant en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 susvisé : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum et qui ne relèvent pas de l'article 1er du présent accord, reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention salarié éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. (...) " ; qu'aux termes de l'article 9 de ce même accord : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) " ;

5. Considérant que si Mme B...s'est prévalue, à l'appui de sa demande de titre de séjour, d'une promesse d'embauche du 26 février 2013 puis d'un contrat de travail à durée indéterminée et à temps complet depuis le 13 mai 2013, ce contrat n'a pas été visé par les services du ministère de l'emploi comme l'exigent les stipulations précitées ; que, dans ces conditions, et nonobstant le fait que son employeur, qui est également son beau-frère, n'aurait pu trouver, malgré des démarches auprès de Pôle emploi, de personnes qualifiées pour ce poste, le préfet de la Haute-Garonne, en refusant de lui délivrer le titre qu'elle avait sollicité, n'a pas méconnu les stipulations précitées ;

6. Considérant en quatrième lieu, que l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;

7. Considérant que Mme B...n'établit pas qu'elle séjournerait habituellement en France depuis 2002 ; que la seule circonstance qu'elle bénéficierait d'un contrat de travail à durée indéterminée ne constitue pas un motif exceptionnel justifiant la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées ; qu'elle ne saurait davantage se prévaloir de son intégration en France, notamment au plan professionnel, dès lors qu'il est constant qu'elle ne maîtrise pas la langue française ; qu'enfin, si elle soutient que ses frères et soeurs vivent en France, elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales au Maroc où résident toujours ses parents ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que Mme B...ne justifiait pas de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires permettant son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

8. Considérant en cinquième lieu, que Mme B...soutient qu'elle remplit les conditions énoncées par la circulaire du 28 novembre 2012 dans la mesure où elle travaille à temps plein depuis plus de quatre ans dans une activité professionnelle constitutive d'un métier dit en tension et qu'elle devrait, en conséquence, se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L.313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

9. Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur, adressée aux préfets et publiée, conformément aux prescriptions du décret du 8 décembre 2008 susvisé, sur le site internet circulaire.legifrance.gouv.fr : " La présente circulaire (...) précise les critères d'admission au séjour sur la base desquels vous pourrez fonder vos décisions. Elle est destinée à vous éclairer dans l'application de la loi et dans l'exercice du pouvoir d'appréciation qui vous est reconnu par la législation " ; qu'au sein du paragraphe 2 de cette circulaire intitulé " Les critères d'admission exceptionnelle au séjour ", le point 2.2.1, qui concerne l'admission au séjour au titre du travail, indique : " Vous pourrez apprécier favorablement les demandes d'admission exceptionnelle au séjour au titre du travail, dès lors que l'étranger justifie : -d'un contrat de travail ou d'une promesse d'embauche et de l'engagement de versement de la taxe versée au profit de l'Office français de l'immigration et de l'intégration - d'une ancienneté de travail de 8 mois, consécutifs ou non, sur les 24 derniers mois ou de 30 mois, consécutifs ou non, sur les 5 dernières années - d'une ancienneté de séjour significative, qui ne pourra qu'exceptionnellement être inférieure à cinq années de présence effective en France. Néanmoins, vous pourrez prendre en compte une ancienneté de séjour de trois ans en France dès lors que l'intéressé pourra attester d'une activité professionnelle de vingt-quatre mois dont huit, consécutifs ou non, dans les douze derniers mois. " ; que la circulaire précise : " vous considérerez que les bulletins de salaire représentent une preuve certaine de l'activité salariée " et conclut, en cas de production des preuves : " dans ces conditions, après visa du formulaire CERFA par le service de la main d'oeuvre étrangère, l'un des titres de séjour mentionnés à l'article L.313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sera délivré. " ;

10. Considérant que, par ces énonciations, le ministre de l'intérieur a, sans limiter le pouvoir d'appréciation des préfets dans l'application des dispositions législatives ni le pouvoir discrétionnaire de régulariser la situation d'un étranger qui leur appartient, indépendamment de ces dispositions, et sans édicter aucune condition nouvelle de caractère réglementaire, défini des orientations générales applicables à la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " aux ressortissants étrangers en situation irrégulière qui demandent une régularisation en faisant valoir l'ancienneté de leur travail sur le territoire ; que les énonciations citées au point 2.2.1 de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 constituent des lignes directrices, fixées en vue de permettre l'homogénéisation des pratiques dans le respect du principe d'égalité, et dont les intéressés peuvent dès lors utilement se prévaloir ;

11. Considérant qu'en l'espèce, Mme B...n'a pas produit de contrat de travail de nature à démontrer qu'elle aurait effectivement exercé une activité professionnelle au cours de son séjour en France, dont l'ancienneté ne ressort pas davantage des pièces du dossier ; que si la seule attestation qu'elle produit, rédigée le 21 novembre 2013, par son ancien employeur à Meknès, pourrait attester de ses compétences dans le domaine de la pâtisserie orientale, elle n'est pas de nature à démontrer que la requérante a effectivement occupé un emploi sur le territoire national ; qu'ainsi, et à défaut pour Mme B...d'établir qu'elle remplissait effectivement les conditions énoncées par les dispositions précitées de la circulaire du 28 novembre 2012, cette dernière n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que le préfet de la Haute-Garonne aurait méconnu les lignes directrices énoncées par ce document ;

12. Considérant en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'en vertu de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : ( ...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ; que, pour l'application des dispositions et des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ;

13. Considérant qu'afin d'établir l'ancienneté de son séjour en France, Mme B...produit deux certificats médicaux par lesquels son médecin généraliste déclare lui prodiguer des soins de manière régulière depuis le 24 novembre 2006 ; que cependant, le second certificat établi le 22 mai 2013 révèle qu'elle a effectué deux consultations par an chez ce praticien et ne saurait dès lors suffire à établir la continuité de son séjour en France ; que les attestations peu circonstanciées de personnes ayant déclaré la connaître depuis " plusieurs années " ainsi que les deux factures émises à son nom et datées de 2004 et 2005 ne sont pas davantage de nature à établir qu'elle résiderait de manière habituelle en France depuis 2002 ; que la requérante, qui est célibataire et sans enfant, n'est pas dépourvue d'attaches familiales au Maroc où résident ses parents ; qu'enfin, si elle soutient être parfaitement intégrée en France, il est constant qu'elle ne maîtrise pas la langue française ; que, dans ces conditions, l'arrêté contesté n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale normale eu égard aux buts en vue desquels il a été pris et ne méconnaît donc pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Garonne aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme B...;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions prises à son encontre par le préfet de la Haute-Garonne le 16 octobre 2013 ; que, par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

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No 14BX01753


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14BX01753
Date de la décision : 11/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Sabrina LADOIRE
Rapporteur public ?: Mme MEGE
Avocat(s) : NAKACHE-HAARFI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2014-12-11;14bx01753 ?
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