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22/12/2014 | FRANCE | N°14BX00170

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 22 décembre 2014, 14BX00170


Vu la requête enregistrée le 17 janvier 2014, présentée pour la commune de Salies-de-Béarn (Pyrénées-Atlantiques), représentée par son maire en exercice, par Me C... ;

La commune de Salies-de-Béarn demande à la cour d'annuler le jugement n° 1201730 du 3 décembre 2013 du tribunal administratif de Pau qui a, d'une part, déclaré la commune intégralement responsable du préjudice subi par M. A... B...à raison de la destruction du " Panorama de Gibraltar " et, d'autre part, avant de se prononcer sur l'évaluation de ce préjudice, ordonné une expertise ;

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Vu la requête enregistrée le 17 janvier 2014, présentée pour la commune de Salies-de-Béarn (Pyrénées-Atlantiques), représentée par son maire en exercice, par Me C... ;

La commune de Salies-de-Béarn demande à la cour d'annuler le jugement n° 1201730 du 3 décembre 2013 du tribunal administratif de Pau qui a, d'une part, déclaré la commune intégralement responsable du préjudice subi par M. A... B...à raison de la destruction du " Panorama de Gibraltar " et, d'autre part, avant de se prononcer sur l'évaluation de ce préjudice, ordonné une expertise ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 ;

Vu le code de la propriété intellectuelle ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 novembre 2014 :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public ;

1. Considérant que M. A...B..., peintre panoramiste installé à Salies-de-Béarn, a exposé plusieurs de ses oeuvres dans des locaux mis gracieusement à sa disposition par la commune, notamment, de 2000 à 2003, un " Panorama de Salies-de-Béarn ", puis, de 2004 à 2010, un " Panorama de Gibraltar " ; que ce dernière oeuvre, d'une dimension de 12,50 m de circonférence sur 2,50 m de haut, et destinée à être vue sur 360 ° à partir d'un point central, était peinte à l'huile directement sur des panneaux de contreplaqué marine fixés sur des armatures en métal et assemblés entre eux par de nombreux vis ; que cependant, la commune ayant souhaité récupérer les locaux, a fait procéder par ses services, en janvier 2010, au démontage de cette oeuvre, qui a été détruite du fait de cette opération ; que M.B..., se prévalant de sa notoriété en tant que peintre panoramiste et du temps passé à réaliser ce panorama, a demandé devant le tribunal administratif la réparation du préjudice que lui a causé la perte de son oeuvre ; que la commune de Salies-de-Béarn fait appel du jugement du tribunal administratif de Pau du 3 décembre 2013 qui a, d'une part, déclaré la commune intégralement responsable du préjudice subi par M. B...et, d'autre part, estimant qu'une atteinte avait été portée au droit moral de l'auteur sur son oeuvre, ordonné une expertise afin de déterminer le préjudice subi par M. B... ; que, par la voie de l'appel incident, M. B...et son curateur, l'association départementale de gestion de services d'intérêt familial (ASFA), demandent, à titre principal, que la commune soit condamnée au paiement d'une somme de 170 000 euros en réparation du préjudice subi, et, à titre subsidiaire, que soit ordonnée une nouvelle expertise ;

2. Considérant que si la responsabilité, qui peut incomber à l'Etat ou aux autres personnes morales de droit public en raison des dommages imputés à leurs services publics administratifs, est soumise à un régime de droit public et relève en conséquence de la juridiction administrative, il en va autrement si la loi, par une disposition expresse, a dérogé à ces principes ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle : " L'auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre. Ce droit est attaché à sa personne. Il est personnel, inaliénable et imprescriptible (...) " ; que le premier alinéa de l'article L. 331-1 du même code dispose : " Les actions civiles et les demandes relatives à la propriété littéraire et artistique (...) sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, par dérogation aux principes gouvernant la responsabilité des personnes publiques, la recherche d'une responsabilité fondée sur la méconnaissance par ces dernières de droits en matière de propriété littéraire et artistique relève, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que si c'est à bon droit que le tribunal administratif de Pau a regardé la demande présentée par M. B...et l'ASFA comme une action en responsabilité fondée sur l'atteinte aux droits que l'artiste détient sur son oeuvre en vertu des dispositions précitées du code de la propriété intellectuelle, c'est en revanche à tort que, par le jugement attaqué, il s'est reconnu compétent pour statuer sur cette demande, a déclaré la commune de Salies-de-Béarn entièrement responsable du préjudice subi par M. B...et a ordonné une expertise avant de se prononcer sur l'évaluation de ce préjudice ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler le jugement, d'évoquer et de rejeter la demande de M. B...et de l'ASFA comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

Sur les frais d'expertise :

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre les frais d'expertise, taxés à la somme de 7 152,48 euros par une ordonnance du président du tribunal administratif de Pau du 18 septembre 2014 pour moitié à la charge de M. B...et de l'ASFA, et pour l'autre moitié à la charge de la commune de Salies-de-Béarn ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions, et de mettre à la charge de la commune de Salies-de-Béarn la somme que M. B...et l'ASFA demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 3 décembre 2013 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...et l'association départementale de gestion de services d'intérêt familial (ASFA) devant le tribunal administratif de Bordeaux est rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 3 : Les frais d'expertise, taxés à la somme de 7 152,48 euros toutes taxes comprises sont mis pour moitié à la charge de M. B...et de l'ASFA, pour moitié à la charge de la commune de Salies-de-Béarn.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. B...et l'ASFA au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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No 14BX00170


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX00170
Date de la décision : 22/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Compétence - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction - Compétence déterminée par des textes spéciaux.

Droits civils et individuels - Droit de propriété - Propriété littéraire et artistique.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Agissements administratifs susceptibles d'engager la responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : M. CHEMIN
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA
Avocat(s) : SCP MOUTET LECLAIR

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2014-12-22;14bx00170 ?
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