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19/02/2015 | FRANCE | N°13BX00514

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 19 février 2015, 13BX00514


Vu la requête, enregistrée le 18 février 2013 par télécopie et régularisée le 19 février 2013, présentée pour Mmes A...et C...D..., F...E...née D...et M. B... D..., tous domiciliés Pech d'Oueilles à Hautefage-La-Tour (47340), par Me Castela-Cockenpot, avocat ;

Les consorts D...et E...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001704 du 20 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Hautefage-La-Tour du 12 mars 2010 ordonnant le rétablissement de la circulation

publique sur le chemin reliant le chemin rural de James et le chemin rural de Pec...

Vu la requête, enregistrée le 18 février 2013 par télécopie et régularisée le 19 février 2013, présentée pour Mmes A...et C...D..., F...E...née D...et M. B... D..., tous domiciliés Pech d'Oueilles à Hautefage-La-Tour (47340), par Me Castela-Cockenpot, avocat ;

Les consorts D...et E...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001704 du 20 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Hautefage-La-Tour du 12 mars 2010 ordonnant le rétablissement de la circulation publique sur le chemin reliant le chemin rural de James et le chemin rural de Pech d'Oueilles à la voie communale n° 536 et mettant en demeure les riverains de déposer la barrière métallique obstruant ledit chemin ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Hautefage-La-Tour, outre les dépens de l'instance, une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code rural et de la pêche maritime ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 janvier 2015 :

- le rapport de Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

- et les observations de Me Vivier, avocat de la commune de Hautefage-La-Tour ;

1. Considérant que les consorts D...et E...sont propriétaires indivis de parcelles cadastrées section F n° 195 et 196 couvrant une superficie de douze hectares, aux lieux-dits " La Combe de Bonneval ", " Pech d'Oueilles " et " Pièce Grande ", dans la commune de Hautefage-La-Tour (Lot-et-Garonne) ; que cette propriété, à l'une de ses extrémités, est traversée par un chemin permettant d'accéder, depuis la voie communale n° 536, aux chemins ruraux de " James " et de " Pech d'Oueilles " desservant les propriétés riveraines ; que les consorts D...et E...ont installé une barrière au droit de la voie communale afin d'interdire l'accès à ce chemin ; qu'afin de rétablir la circulation publique sur cette voie qu'il estime être un chemin rural, le maire de Hautefage-La-Tour, à la demande de voisins souhaitant emprunter ce chemin, a mis en demeure les consorts D...etE..., par un arrêté du 12 mars 2010, de déposer la barrière métallique obstruant ce chemin, et a procédé d'office à la dépose de la barrière ; que les consorts D...et E...relèvent appel du jugement n° 1001704 du 20 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la légalité de la décision du 12 mars 2010 :

2. Considérant que les consorts D...et E...soutiennent que le maire de Hautefage-La-Tour ne pouvait légalement les mettre en demeure de déposer la barrière faisant obstacle à la circulation publique sur le chemin reliant la voie communale n°536 aux chemins ruraux de " James " et de " Pech d'Oueilles " dans la mesure où il ne s'agit pas, selon eux, d'un chemin rural mais d'une parcelle leur appartenant ;

3. Considérant d'une part, qu'aux termes de l'article L. 161-1 du code rural, alors applicable : " Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune " ; que l'article L. 161-2 de ce code prévoit que : " L'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale. / La destination du chemin peut être définie notamment par l'inscription sur le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée " ; que, selon l'article L. 161-3 du même code : " Tout chemin affecté à l'usage du public est présumé, jusqu'à preuve du contraire, appartenir à la commune sur le territoire de laquelle il est situé " ; qu'aux termes de l'article L.161-5 de ce code : " L'autorité municipale est chargée de la police et de la conservation des chemins ruraux. " ; qu'enfin, selon l'article D.161-11 de ce code : " lorsqu'un obstacle s'oppose à la circulation sur un chemin rural, le maire y remédie d'urgence (...). " ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsqu'il constate qu'un obstacle s'oppose à la circulation sur un chemin rural, le maire est tenu de prendre les mesures appropriées pour y remédier ;

4. Considérant d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 161-4 du code rural et de la pêche maritime : " Les contestations qui peuvent être élevées par toute partie intéressée sur la propriété ou sur la possession totale ou partielle des chemins ruraux sont jugées par les tribunaux de l'ordre judiciaire " ;

5. Considérant que la commune de Hautefage-La-Tour soutient que le chemin dont s'agit est un chemin rural et qu'il constitue une voie de " passage de notoriété ancestrale " ainsi qu'en témoignent les attestations révélant qu'il est emprunté par les riverains depuis des décennies ; qu'elle fait en outre valoir qu'elle en assume l'entretien ; qu'à ce titre, elle produit des factures acquittées pour des travaux de réfection de la chaussée en 1995 et un article extrait du " Petit journal ", selon lequel d'importants travaux auraient été entrepris en 2009 sur les chemins ruraux de la commune, dont celui de Pech d'Oueilles ; qu'elle indique enfin qu'il s'agit du seul chemin reliant les chemins ruraux de James et de Pech d'Oueilles à la voie communale 536 et que l'obstruction de celui-ci empêche les riverains d'accéder à leur propriété, dès lors que si les riverains du chemin de James avaient obtenu une servitude permettant de créer un nouvel accès sur la voie communale 536, le président de la communauté de communes de Penne d'Agen leur a opposé un refus d'autorisation de voirie, par un arrêté du 21 décembre 2009, aux motifs que l'accès envisagé déboucherait près d'un carrefour dangereux et qu'ils disposaient déjà d'un " chemin rural ", qui n'est autre que celui en litige, pour accéder à leurs parcelles ;

6. Considérant cependant, que les consorts D...et E...ont produit l'acte notarié du 7 octobre 1988, par lequel ils ont notamment acquis les parcelles n° 195, 196 et 278 sur lesquelles est implanté le chemin en litige ; que cet acte notarié ne mentionne pas l'existence d'un chemin rural ni d'une servitude de passage sur ces parcelles ; que les requérants produisent également plusieurs plans cadastraux datés de 1877, 1881, 1888, 1908 et 1955 qui ne mentionnent pas l'existence d'un chemin rural et qui au contraire, pour le plus récent d'entre eux, assimile le chemin dont s'agit à un " chemin privé non mitoyen ne formant pas parcelle " ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier, et en particulier des relevés de comptes bancaires des mois de décembre 1995, février et mars 1996, ainsi que des souches des trois chèques correspondant à ces règlements, que si la commune a entrepris des travaux sur ce chemin en 1995, les requérants ont versé à la commune le montant des sommes qu'elle a exposées pour la réalisation de ces travaux de réfection à proportion de la partie privée du chemin, les travaux s'étant poursuivis ensuite sur le chemin rural de Pech d'Oueilles ; que la commune n'établit pas non plus, par la seule production d'un extrait de journal faisant état de travaux effectués sur plusieurs chemins ruraux, dont celui de Pech d'Oueilles, qu'elle aurait effectivement réalisé, en 2009, des travaux d'entretien sur le chemin litigieux, qui est distinct du chemin rural identifié au cadastre comme celui de Pech d'Oueilles, et dont il n'est pas même allégué qu'il figurerait au tableau des chemins ruraux de la commune ;

7. Considérant que si des témoignages ont été produits pour attester que le chemin aurait été emprunté comme voie de passage depuis des décennies, ils ne présentent pas, au regard du contexte conflictuel entre voisins dans lequel s'inscrit le présent litige, toutes garanties d'impartialité, alors que d'autres témoignages attestent que le chemin est barré depuis plus de dix ans ;

8. Considérant qu'en l'état du dossier soumis, tant aux premiers juges qu'à la Cour, aucun élément n'est de nature à contredire utilement le titre de propriété des consortsD... ; qu'ainsi la question de la propriété du chemin en litige ne soulève pas de difficultés sérieuses, que la juridiction judiciaire serait seule compétente pour trancher ; que le chemin traversant la propriété des consorts D...et E...et reliant la route communale 536 aux chemins ruraux de James et Pech d'Oueilles ne pouvant être regardé comme un chemin rural appartenant à la commune de Hautefage-La-Tour, le maire de la commune ne pouvait ordonner aux consorts D...de procéder à l'enlèvement de tout obstacle sur celui-ci sur le fondement des dispositions précitées des articles L. 161-5 et D. 161-11 du code rural ; que la circonstance, pour regrettable qu'elle soit, que les riverains du chemin rural de James, qui se sont au demeurant vu reconnaître une servitude de passage sur d'autres terrains pour accéder à leurs parcelles dès leur acte d'acquisition en 1982, ne puissent accéder aisément à leur propriété est sans incidence sur la nature du chemin privé appartenant aux consorts D...et E...; que par suite, ceux-ci sont fondés, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 mars 2010 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la commune de Hautefage-La-Tour sur leur fondement ;

10. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Hautefage-La-Tour la somme que demandent les consorts D...et E...en application des mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1001704 du 20 décembre 2012 du tribunal administratif de Bordeaux et l'arrêté du maire de Hautefage-La-Tour du 12 mars 2010 sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

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No 13BX00514


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13BX00514
Date de la décision : 19/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Questions générales - Question préjudicielle posée par le juge administratif.

Voirie - Composition et consistance - Chemins ruraux.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Sabrina LADOIRE
Rapporteur public ?: Mme MEGE
Avocat(s) : CASTELA-COCKENPOT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-02-19;13bx00514 ?
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