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19/02/2015 | FRANCE | N°13BX01410

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 19 février 2015, 13BX01410


Vu la requête, enregistrée le 24 mai 2013, présentée pour M. C... E..., demeurant..., Mme F... D...épouseE..., demeurant..., M. A... E..., demeurant..., par Me Cazamajour ;

Les consorts E... demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002225 du 26 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur requête tendant, d'une part à l'annulation du rapport d'expertise judiciaire du 14 octobre 2008 et à la désignation d'un nouvel expert selon la mission définie par l'ordonnance du juge des référés du 13 novembre 2007, d'autre part et subsi

diairement, à la condamnation de l'OPH Gironde Habitat à leur verser la somm...

Vu la requête, enregistrée le 24 mai 2013, présentée pour M. C... E..., demeurant..., Mme F... D...épouseE..., demeurant..., M. A... E..., demeurant..., par Me Cazamajour ;

Les consorts E... demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002225 du 26 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur requête tendant, d'une part à l'annulation du rapport d'expertise judiciaire du 14 octobre 2008 et à la désignation d'un nouvel expert selon la mission définie par l'ordonnance du juge des référés du 13 novembre 2007, d'autre part et subsidiairement, à la condamnation de l'OPH Gironde Habitat à leur verser la somme de 80 000 € en réparation des troubles dans leurs conditions d'existence ayant résulté de la construction de vingt logements sur la parcelle contigüe à leur propriété, ainsi que la somme de 69 402,86 € au titre des mesures compensatoires à mettre en oeuvre, et, enfin, également subsidiairement, à la condamnation de l'OPH à verser à M. et Mme C...E...la somme de 75 250 € en réparation du préjudice constitué par la perte de valeur vénale subie par leur immeuble à usage d'habitation ;

2°) de faire droit à leur demande;

3°) de mettre à la charge de l'OPH Gironde Habitat la somme de 18 887,11 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 janvier 2015 ;

- le rapport de Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

- et les observations de Me Cazamajour, avocat des consorts E...et celles de Me Piquet, avocat de l'OPH Gironde Habitat ;

1. Considérant que M. C...E..., son épouse et son frère Alain E...sont propriétaires indivis d'un ensemble immobilier au lieudit La Tapie sur la commune de Pineuilh ; que, par un arrêté du 17 mars 2005, le préfet de la Gironde a autorisé l'OPH Gironde Habitat à réaliser un lotissement dénommé " Le Hameau du Seignal ", constitué de vingt-et-un lots, sur le territoire de cette commune ; que, par arrêté du 1er mars 2006, le maire de Pineuilh a accordé à l'OPH Gironde Habitat un permis de construire sur le lot n° 21, d'une superficie de 7 640 mètres carrés, contigu à la propriété des requérants, afin d'y édifier un ensemble de vingt logements à vocation locative ; que la livraison de ces logements sociaux est intervenue au début de l'année 2008 ; que les consorts E...ont saisi le juge des référés d'une demande de nomination d'un expert aux fins, notamment, d'évaluer les troubles de jouissance de toute nature éventuellement imputables à la présence et à l'occupation des immeubles concernés ; que l'expert judiciaire nommé par ordonnance du 13 novembre 2007 a remis son rapport définitif le 17 octobre 2008 ; que les consorts E...ont, par requête enregistrée le 18 juin 2010, demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part d'annuler ledit rapport d'expertise et de désigner un nouvel expert et, d'autre part et subsidiairement, de condamner l'OPAC Gironde Habitat, devenu l'OPH Gironde Habitat, à leur verser la somme de 80 000 € en réparation des troubles dans leurs conditions d'existence, ainsi que la somme de 69 402,86 € au titre des mesures compensatoires à mettre en oeuvre du fait des nuisances de voisinage dont ils s'estiment victimes, M. et Mme C...E...ayant par ailleurs sollicité la condamnation de l'OPH Gironde Habitat à leur verser en outre la somme de 75 250 € en réparation de la perte de valeur vénale subie par leur maison d'habitation ; que les consorts E...relèvent appel du jugement n° 1002225 du 26 mars 2013 par lequel le tribunal administratif a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions dirigées contre le rapport d'expertise du 14 octobre 2008 :

2. Considérant qu'un rapport d'expertise judiciaire, document préparatoire à une décision juridictionnelle, ne constitue pas une décision administrative susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que, par suite, les consorts E...ne sont pas fondés à se plaindre de ce que le tribunal administratif n'a pas fait droit à leurs conclusions tendant à l'annulation dudit rapport ;

Sur la régularité de l'expertise :

3. Considérant qu'il appartient au juge, saisi d'un moyen mettant en doute l'impartialité d'un expert, de rechercher si, eu égard à leur nature, à leur intensité, à leur date et à leur durée, les relations directes ou indirectes entre cet expert et l'une ou plusieurs des parties au litige sont de nature à susciter un doute sur son impartialité ; qu'en particulier, doivent en principe être regardées comme suscitant un tel doute les relations professionnelles s'étant nouées ou poursuivies durant la période de l'expertise ;

4. Considérant que les requérants font valoir que l'expert, architecte, avait réalisé un projet de constructions pour l'OPH Gironde Habitat en 1998 et a participé depuis à divers concours pour la réalisation de logements sociaux avec d'autres organismes ; que toutefois, eu égard tant à l'ancienneté des faits en cause à la date de la désignation de M. B...en tant qu'expert, le 13 novembre 2007, qu'à la nature et à l'intensité des relations alléguées, son parcours professionnel dans le secteur du bâtiment et des travaux publics ne révélait aucun élément actuel qui aurait fait obstacle à ce qu'il accomplisse la mission confiée par le juge des référés ; qu'il ne résulte pas davantage du contenu du rapport d'expertise que l'expert aurait manqué à son devoir d'impartialité ;

5. Considérant par ailleurs que préalablement au dépôt de son rapport définitif, le 3 juin 2008, l'expert a communiqué au tribunal une première note de synthèse, le 19 février 2008, dans laquelle il invitait les parties à lui transmettre leurs observations et pièces complémentaires avant le 10 mars suivant, puis une deuxième note de synthèse, le 28 avril 2008, dans laquelle il rappelait que les observations et pièces complémentaires devaient lui être remises impérativement avant le 19 mai ; que si le rapport définitif a été déposé le 3 juin 2008 alors que les parties n'avaient pas transmis leurs observations, la réouverture des opérations d'expertise par le juge des référés a permis à l'expert de prendre en compte l'ensemble des observations communiquées par les parties, et notamment celles formulées à la suite de la deuxième note de synthèse, dans un ultime rapport remis le 17 octobre 2008 ; que, dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le principe du contradictoire aurait été méconnu lors des opérations d'expertise ;

Sur les conclusions en indemnisation :

En ce qui concerne la responsabilité de l'OPH Gironde Habitat :

6. Considérant que les riverains d'un ouvrage public sont recevables à rechercher la responsabilité du propriétaire de cet ouvrage à raison de sa mauvaise implantation ou de son fonctionnement défectueux, notamment au cas où les préjudices allégués procéderaient de la méconnaissance des règles d'urbanisme ; que ni la circonstance que le permis de construire a été délivré par une autorité administrative distincte, ni celle qu'il n'a pas fait l'objet d'un recours contentieux ne sont de nature à faire obstacle à l'engagement de la responsabilité du maître de l'ouvrage ; que les consorts E...sont en conséquence recevables à demander réparation du préjudice anormal et spécial qu'ils subiraient du fait de la méconnaissance de règles d'urbanisme ; qu'ils sont par suite fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté leur demande au motif que les vices invoqués à l'encontre du permis de construire, à les supposer même établis, ne seraient pas susceptibles d'engager la responsabilité de l'OPH Gironde Habitat dès lors qu'il n'est pas allégué que les constructions ne seraient pas conformes à l'autorisation accordée par le maire de Pineuilh ;

7. Considérant que les consorts E...soutiennent que la responsabilité de l'OPH Gironde Habitat est engagée à leur égard dès lors que la construction d'un ensemble de vingt logements locatifs sociaux sur le terrain contigu à leur propriété méconnaît diverses dispositions du règlement du plan d'occupation des sols alors applicable ;

8. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article INA 1 du règlement du plan d'occupation des sols alors applicable : " Ne sont admis que : (...) les lotissements à usage d'habitation ou à usage mixte et les groupements d'habitations à condition qu'ils portent sur une superficie minimum d'1 ha. et sur 10 logements minimum (...) " ; que l'article INA 5 dudit règlement dispose par ailleurs que : " Les lotissements et ensembles de constructions groupées à usage d'habitation doivent concerner des terrains ayant une superficie minimum d'un hectare " ; qu'aux termes de l'article INA 13 du règlement du plan d'occupation des sols : " Les lotissements ou ensembles d'habitations portant sur plus d'1 hectare devront comporter un espace vert commun de 10 % de la surface. Ces espaces verts pourront être intégrés sous forme de cheminement paysager en surlargeur de voie, d'aires de jeux, de places plantées, ... " ;

9. Considérant que la demande de permis de construire mentionne que le terrain d'assiette présente une superficie de 7 640 mètres carrés, et que s vingt logements seront répartis dans sept bâtiments situés à proximité immédiate les uns des autres et desservis par une voie commune ; qu'un tel projet emportait ainsi création d'un " ensemble de constructions groupées " au sens des dispositions précitées de l'article INA 5 du règlement du plan d'occupation des sols, soumis, en tant que tel, aux dispositions de cet article concernant la superficie minimale du terrain sur lequel il doit être implanté ; qu'à cet égard, la circonstance que ce projet est intégré dans un lotissement, dont il occupe le lot 21, n'est pas de nature à justifier que la règle soit écartée, dès lors que celle-ci a vocation à s'appliquer à tout ensemble de constructions groupées, sans distinction selon que cet ensemble constitue un projet autonome ou une partie d'un projet de lotissement plus vaste ; que les requérants sont par suite fondés à soutenir que le permis de construire délivré le 1er mars 2006 méconnaît les disposions précitées des articles INA 1 et INA 5 du règlement du plan d'occupation des sols relatives à la superficie minimale des terrains ; que par ailleurs, en méconnaissant cette règle, le projet s'est dispensé de la réalisation prévue par l'article INA13 d'un espace vert commun de 10 % de la surface, lequel aurait été de nature à atténuer la densité de construction ;

10. Considérant, en deuxième lieu, que l'article INA 1 du règlement du plan d'occupation des sols alors applicable dispose par ailleurs que : " Les lotissements à usage d'habitation ou à usage mixte et les groupements d'habitation sont admis à condition (...) qu'un schéma d'aménagement de la zone soit élaboré sur la totalité d'une même zone (...). Si l'aménagement d'une partie d'une zone NA génère un reliquat (solde de la zone NA) dont la superficie est inférieure à 1 hectare, des constructions (...) pourront y être autorisées à condition que (...) les terrains constituant ce solde de zone NA aient été intégrés dans un schéma d'aménagement d'ensemble portant sur la totalité de la zone INA en question. ".

11. Considérant que le projet en litige a été réalisé sur le lot n°21 du lotissement " Le Hameau du Seignal ", situé dans la zone INAc6, qui recouvre les parcelles cadastrées BE n° 34, 41 et 42 ; que ce lotissement ne porte que sur les seules parcelles n° 34 et 41, à l'exception de la parcelle n° 42 ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la zone INAc6 aurait fait l'objet d'un schéma d'aménagement d'ensemble établi par la commune de Pineuilh ; qu'à cet égard, le document intitulé " schéma de desserte de la zone NA " communiqué par l'OPH Gironde Habitat à l'expert judiciaire, outre qu'il a été établi par l'office, ne représente aucun élément de composition ni d'aménagement paysager et ne saurait dès lors être regardé comme de nature à faire fonction de schéma d'aménagement d'ensemble ; que le " plan de bornage " joint au dossier de demande de permis d'aménager, s'il présente la répartition des lots et la situation d'une partie des voies intérieures ainsi que de la voie de desserte, ne porte toutefois pas sur la totalité de la zone INAc6 ; que même en tenant compte de la " note de présentation " figurant au dossier de demande de permis d'aménager, il ne comporte pas suffisamment d'éléments de composition et d'aménagement paysager pour permettre d'assurer la cohérence de l'aménagement d'ensemble de la zone conformément au règlement du plan d'occupation des sols et ne peut dès lors être regardé comme un schéma d'aménagement d'ensemble au sens des dispositions précitées de l'article INA 1 ; que, dans ces conditions, les requérants sont fondés à soutenir que le permis de construire a été accordé en méconnaissance de ces dispositions ;

12. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article INA 6 du règlement du plan d'occupation des sols alors applicable : " Les constructions doivent être implantées selon les reculs suivants : (...) 75 m minimum de l'axe de la RD 936, hormis les exceptions citées à l'article L. 111-1-4 du code de l'urbanisme. (...) " ;

13. Considérant qu'il ressort du plan de bornage joint à la demande de permis d'aménager que la limite sud du lot 21 du lotissement " Le Hameau du Seignal " est située à une distance comprise entre 50 et 55 mètres de l'axe de la route départementale 936 ; qu'il ressort par ailleurs du plan de masse joint à la demande de permis de construire que les logements 8, 9, 10, 11, 12 et 13, c'est-à-dire six des vingt logements prévus, sont compris dans une bande présentant une largeur comprise entre 20 et 25 mètres à partir de la limite sud du terrain et sont donc implantés à moins de 75 mètres de l'axe de route départementale 936 ; que, par suite, le permis de construire a été accordé en méconnaissance des dispositions précitées de l'article INA 6 du règlement du plan d'occupation des sols ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les constructions en litige ont été réalisées en méconnaissance de plusieurs dispositions du règlement du plan d'occupation des sols; que les dispositions des articles INA 1 et INA 5 de ce règlement, fixant à 1 hectare la superficie minimale d'un terrain destiné à accueillir des constructions groupées, s'opposaient à la réalisation de tout projet de ce type sur le lot n° 21 qui jouxte la propriété des requérants ; que par ailleurs, la méconnaissance de la règle de recul fixée par l'article INA 6 dudit règlement a concouru à une densification des constructions sur ce terrain, la méconnaissance des dispositions de l'article INA 1 imposant l'établissement d'un schéma d'aménagement d'ensemble ayant fait obstacle à la réalisation d'un aménagement cohérent de la zone INAc6, lequel était de nature à constituer une garantie pour les propriétaires riverains de ladite zone ; que l'environnement, la vue et les conditions de jouissance de la maison d'habitation des consortsE..., dont il n'est pas allégué qu'elle aurait été construite dans des conditions irrégulières et dont la façade principale, ainsi que la terrasse, sont orientées vers le lot n° 21 du lotissement, se trouvent gravement affectés du fait des constructions, denses et nombreuses, qui y ont été illégalement édifiées ; que, par suite, les troubles de voisinage qu'entraîne, pour les consortsE..., la présence des ouvrages publics ainsi érigés par l'OPH Gironde Habitat revêtent en l'espèce un caractère anormal et spécial, dès lors que les intéressés ne pouvaient s'attendre, compte tenu des règles d'urbanisme applicables, à la réalisation d'un tel projet sur le terrain contigu à leur propriété ; qu'ils sont par suite de nature à engager la responsabilité de l'OPH, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres méconnaissances alléguées de règles d'urbanisme, sans lien avec les préjudices invoqués ;

En ce qui concerne la réparation :

15. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que, du fait de la présence des logements n° 13 à 20, les consorts E...subissent des troubles de jouissance résultant de la création de nombreuses vues directes sur leur propriété et de nuisances sonores ; que les requérants font valoir que la construction d'un mur séparatif entre leur propriété et le terrain contigu appartenant à l'OPH Gironde Habitat apparaît comme la solution la plus adaptée pour limiter de telles nuisances ; que, contrairement à ce que soutient l'OPH Gironde Habitat, la construction d'un mur de clôture sur toute la longueur de la limite séparative commune entre les deux fonds se justifie au regard du nombre des vues directes donnant sur le terrain des requérants et de l'orientation de leur maison ; que les consorts E...font état d'un devis de la société GERTHOFER chiffrant en 2008 la construction d'un tel mur à la somme de 58 077,24 euros TTC ; que ce devis mentionne une longueur de 106,5 mètres, correspondant à la longueur de la limite séparative entre les deux fonds, et une hauteur de 2,60 mètres, dont il n'est pas allégué qu'elle serait incompatible avec les dispositions applicables du plan local d'urbanisme ; que, par suite, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi à ce titre par les requérants en leur allouant à ce titre une indemnité de 60 000 euros TTC ;

16. Considérant, en deuxième lieu, que la construction d'un mur séparatif le long de la limite Est du lot n° 21 rend inutile la plantation au même endroit d'une haie, laquelle aurait la même fonction de limiter les vues directes sur la propriété des requérants à partir des constructions en litige, ainsi que les nuisances sonores en provenance de ces constructions ; que la demande formée à ce titre par les consorts E...ne peut, par suite, qu'être rejetée ;

17. Considérant, en troisième lieu, que les consorts E...subissent, du fait de la présence des constructions en litige, un important préjudice visuel alors que leur propriété s'ouvrait auparavant sur un large panorama dominé par la verdure ; qu'ils subissent également, d'une part la présence de vues directes sur leur jardin et leur maison, qui ne seront que partiellement supprimées par l'édification du mur séparatif susmentionné, et, d'autre part, des nuisances sonores ; que les troubles de jouissance résultant de cette situation, auxquels les consorts E...se trouvent particulièrement exposés du fait de l'orientation de leur maison, et de la terrasse de celle-ci, vers le terrain supportant les constructions en litige, revêtent un caractère permanent et définitif et sont par conséquent de nature à créer une perte de valeur vénale de leur propriété, alors même qu'ils n'auraient pas émis l'intention de la mettre en vente ; que selon l'expert immobilier qu'ils ont consulté, la présence même des constructions en litige, lesquelles, en leur qualité de maisons à vocation locative sociale, peuvent constituer un inconvénient rédhibitoire pour une clientèle à la recherche d'un bien de catégorie supérieure, entraîne, en dehors même des troubles de jouissance ci-dessus mentionnés, une dépréciation de la propriété des requérants ; que les conclusions, circonstanciées et fondées sur les données disponibles du marché immobilier, du rapport qu'il a établi le 27 février 2008 à leur demande, lesquelles ont d'ailleurs été reprises par l'expert judiciaire, indiquent que la perte de valeur vénale subie par la propriété des consorts E...peut être chiffrée à la somme de 56 000 euros ; qu'il convient donc de mettre à la charge de l'OPH Gironde Habitat la somme de 56 000 euros au titre de ce préjudice ;

18. Considérant, en quatrième lieu, que les requérants font état, au titre des troubles dans leurs conditions d'existence, du préjudice visuel causé par lesdites constructions, ainsi que des nuisances sonores et d'agrément qu'il subissent de ce fait ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en fixant la réparation due à ce titre à la somme de 8 000 euros, qui inclut les nuisances subies à l'occasion de l'utilisation de leur piscine, dont la nécessité d'un déplacement n'est pas établie compte tenu de la construction du mur séparatif mentionné au point 15 ;

19. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu de prescrire une nouvelle expertise, que les consorts E...sont fondés à demander l'annulation du jugement attaqué ainsi que la condamnation de l'OPH Gironde Habitat à leur verser la somme totale de 124 000 euros ;

Sur les frais d'expertise :

20. Considérant que les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés, liquidés et taxés à la somme de 2 528,10 euros, doivent être mis à la charge de l'OPH Gironde Habitat ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des consortsE..., qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'OPH Gironde Habitat demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il convient en revanche de mettre à la charge de l'OPH Gironde Habitat une somme de 2 000 euros au titre des mêmes frais engagés par les consortsE... ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1002225 du 26 mars 2013 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.

Article 2 : L'OPH Gironde Habitat versera aux consorts E...la somme de 124 000 euros en réparation des préjudices subis du fait des constructions édifiées sur le lot n° 21 du lotissement " Le Hameau du Seignal ".

Article 3 : Les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 2 528,10 euros sont mis à la charge de l'OPH Gironde Habitat.

Article 4 : L'OPH Gironde Habitat versera aux consorts E...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Les conclusions de l'OPH Gironde Habitat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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No 13BX01410


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13BX01410
Date de la décision : 19/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

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Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: Mme MEGE
Avocat(s) : PIQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-02-19;13bx01410 ?
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