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05/03/2015 | FRANCE | N°13BX02511

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 05 mars 2015, 13BX02511


Vu la requête, enregistrée le 2 septembre 2013, présentée pour l'association Engoulevent, dont le siège est Les Signolles à Fraisse-sur-Agout (34330), par Scp Regis Pech de Laclause et associés ;

L'association Engoulevent demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000536, 1000537 du 2 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions en date du 10 août 2009 par lesquelles le préfet du Tarn a délivré à la société Enertrag AG France deux permis de construire respectivement cinq aérog

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Vu la requête, enregistrée le 2 septembre 2013, présentée pour l'association Engoulevent, dont le siège est Les Signolles à Fraisse-sur-Agout (34330), par Scp Regis Pech de Laclause et associés ;

L'association Engoulevent demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000536, 1000537 du 2 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions en date du 10 août 2009 par lesquelles le préfet du Tarn a délivré à la société Enertrag AG France deux permis de construire respectivement cinq aérogénérateurs sur un terrain situé lieu-dit Escournadouyre et six aérogénérateurs sur un terrain situé lieu-dit Embuel sur le territoire de la commune de Lacaune ;

2°) d'annuler lesdites décisions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Enertrag AG France une somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 février 2015 :

- le rapport de M. Olivier Gosselin, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

- et les observations de Me Duval, avocat de la société Enertrag AG France ;

1. Considérant que, par deux arrêtés du 10 août 2009, le préfet du Tarn a délivré à la société Enertrag AG France un permis de construire un parc éolien de cinq aérogénérateurs sur un terrain situé lieudit Escournadouyre, sur le territoire de la commune de Lacaune, et un permis de construire un parc éolien de six aérogénérateurs sur un terrain situé lieudit Embuel, sur le territoire de la même commune ; que l'association Engoulevent relève appel du jugement n° 1000536, 1000537 du 2 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces décisions ;

2. Considérant en premier lieu, que l'association Engoulevent soutient que les parcs éoliens d'Embuel et d'Escournadouyre portent atteinte à l'intérêt des lieux environnant ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les parcs éoliens d'Embuel et d'Escournadouyre doivent être implantés dans les Monts de Lacaune au sein du parc naturel régional du Haut-Languedoc, dans une zone de montagne au relief assez doux et dans un secteur généralement forestier entrecoupés de prairies et de landes ; que les éoliennes seront implantées sur la haute ligne de crêtes des Puechs d'Embuel et de l'Escournadouyre qui forment la bordure Sud-Est de la forêt domaniale de Lacaune ; que le secteur d'implantation appartient à différentes zones naturelles d'intérêt écologique faunistique et floristique, et se situe dans un paysage naturel de qualité au sens des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;

5. Considérant toutefois que si les éoliennes, qui ont une hauteur de 90 mètres en bout de pale, seront implantées sur une ligne de crête épousant les reliefs, les espaces forestiers alentour en masqueront les vues proches notamment depuis le bourg de Lacaune, station touristique et thermale ; qu'elles seront également peu ou pas perceptibles depuis les bourgs plus lointains de Fraisse-sur-Agout ou de La Salvetat-sur-Agout , et seront seulement visibles depuis des hauteurs peu peuplées et éloignées d'environ dix à quinze kilomètres, d'où les perceptions seront atténuées par la distance, les éoliennes s'intégrant alors dans le paysage, particulièrement depuis le Pic de Montalet ; que, par ailleurs, les sites inscrits et classés, situés sur le territoire de la commune de Fraisse-sur-Agout, qui se trouvent respectivement à près de 12 et 15 kilomètres du terrain d'assiette des opérations projetées, ne pourront avoir qu'une vision lointaine sur les machines ; qu'enfin la circonstance que la commune de la Salvetat-sur-Agout a émis un avis défavorable sur ces deux projets, principalement en raison de considérations liées à l'atteinte portée à un site remarquable et touristique, n'est pas de nature à établir que les parcs éoliens pourraient avoir un impact significatif sur les sites emblématiques et touristiques de cette commune ou des environs ; qu'enfin et contrairement à ce que soutient l'association, l'implantation des éoliennes n'entraînera pas de déboisement important tandis qu'il ne ressort, en tout état de cause, pas des pièces du dossier que les parcs éoliens porteraient atteinte aux intérêts écologiques de la zone ; que, dans ces conditions, l'association n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Tarn aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme en délivrant les permis de construire ;

6. Considérant en second lieu, qu'aux termes de l'article N 1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Lacaune : " Sont interdits :....les constructions nouvelles à l'exception de celles prévues à l'article N2 " ; que les éoliennes n'entrent dans aucune des catégories de constructions admises par l'article N2 ; que toutefois, en application de l'article 7 des dispositions générales du règlement de ce plan, applicables à " l'ensemble du territoire communal ", " les équipements publics ou d'intérêt général qui, par leur nature ou leur destination, ne pourraient être édifiés en un autre lieu, peuvent être admis, nonobstant les règles de constructibilité définies pour ce lieu, par le présent règlement " et les ouvrages techniques nécessaires au fonctionnement des services publics sont exemptés des règles définies par le règlement, lorsque leurs caractéristiques techniques l'imposent ;

7. Considérant que l'association Engoulevent soutient que ces dispositions de l'article 7 des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme méconnaissent l'article R. 123-9 du code de l'urbanisme compte tenu de leur rédaction trop générale et d'un caractère laconique autorisant des dérogations, déguisées et donc illégales, au caractère de la zone, au regard des dispositions de l'article L. 123-1-9 du même code qui interdit de déroger aux plans locaux d'urbanisme ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable et dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 123-9-1 du même code : " Les règles et servitudes définies par un plan local d'urbanisme ne peuvent faire l'objet d'aucune dérogation, à l'exception des adaptations mineures rendues nécessaires par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes " ; qu'aux termes de l'article R. 123-9 du même code dans sa rédaction alors applicable : " Le règlement peut comprendre tout ou partie des règles suivantes : (...) 6° L'implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques ; 7° L'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives ; 8° L'implantation des constructions les unes par rapport aux autres sur une même propriété (...) / En outre, des règles particulières peuvent être applicables aux constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif " ;

9. Considérant d'une part, que les dispositions de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme reprises à l'article L. 123-9-1 n'ont ni pour objet ni pour effet d'interdire qu'un plan local d'urbanisme, après avoir défini une règle générale, prévoie certaines exceptions à cette règle ; que ces exceptions ne peuvent être regardées, contrairement à ce que soutient l'association, comme une dérogation par laquelle l'autorité compétente pour délivrer les décisions individuelles d'occupation du sol autoriserait un projet s'écartant des règles posées par le document d'urbanisme applicable ;

10. Considérant d'autre part, que les projets de parcs éoliens envisagés, qui présentent un intérêt général en raison de leur contribution à la satisfaction d'un besoin collectif par la production d'électricité vendue au public, doivent être regardés comme des équipements d'intérêt général au sens des dispositions de l'article R. 123-9 du code de l'urbanisme ;

11. Considérant, dans ces conditions, que les auteurs du plan local d'urbanisme de la commune de Lacaune n'ont méconnu ni les dispositions de l'article L. 123-1, ni celles de l'article R. 123-9 du code de l'urbanisme en prévoyant une exception, limitée à certains types de construction, aux règles d'implantation pour la construction des équipements d'intérêt général ; qu'en l'espèce, leur définition est suffisamment encadrée pour ne pas donner lieu à des exceptions trop étendues contraires à l'objectif même de la zone ; que le préfet n'a pas commis d'erreur de droit ou d'appréciation en faisant application de l'exception prévue par ces dispositions en autorisant la construction des éoliennes en zone N du plan local d'urbanisme ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de sa demande, que l'association Engoulevent n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de la société Enertrag AG France, qui ne sont pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par l'association Engoulevent au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association Engoulevent la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Enertrag AG France et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'association Engoulevent est rejetée.

Article 2 : L'association Engoulevent versera la somme de 1 500 euros à la société Enertrag AG France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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No 13BX02511


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13BX02511
Date de la décision : 05/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Légalité interne du permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Olivier GOSSELIN
Rapporteur public ?: Mme MEGE
Avocat(s) : SCP REGIS PECH DE LACLAUSE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-03-05;13bx02511 ?
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