La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/03/2015 | FRANCE | N°13BX01649

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 19 mars 2015, 13BX01649


Vu, enregistrée le 19 juin 2013, le recours présenté par le ministre de l'égalité des territoires et du logement, qui demande à la cour :

- d'annuler le jugement n°s 1200097, 1200325 du 9 avril 2013 du tribunal administratif de Pau en tant qu'il a annulé l'arrêté du 1er février 2012 par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées a accordé à M. A... et Mme B...un permis de construire une maison d'habitation sur un terrain sis au lieudit " Latapie et Coumedoumenge " à Cazaux-Debat (65590) ;

- de rejeter la requête de la commune de Cazaux-Debat devant le tribunal adminis

tratif de Pau ;

..............................................................

Vu, enregistrée le 19 juin 2013, le recours présenté par le ministre de l'égalité des territoires et du logement, qui demande à la cour :

- d'annuler le jugement n°s 1200097, 1200325 du 9 avril 2013 du tribunal administratif de Pau en tant qu'il a annulé l'arrêté du 1er février 2012 par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées a accordé à M. A... et Mme B...un permis de construire une maison d'habitation sur un terrain sis au lieudit " Latapie et Coumedoumenge " à Cazaux-Debat (65590) ;

- de rejeter la requête de la commune de Cazaux-Debat devant le tribunal administratif de Pau ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 février 2015 ;

- le rapport de Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

- et les observations de Me Teullé, avocat de la commune de Cazaux-Debat ;

1. Considérant que par un arrêté du 14 novembre 2011, le préfet des Hautes-Pyrénées a accordé à M. A... et Mme B... un permis de construire une maison d'habitation d'une surface hors oeuvre nette de 114 mètres carrés sur un terrain situé au lieu-dit " Latapie et Coumedoumenge ", à Cazaux-Debat ; que par un nouvel arrêté du 1er février 2012, le préfet a retiré ce premier arrêté au motif qu'il ne mentionnait pas les nom et prénom de son auteur, et a délivré aux pétitionnaires un nouveau permis de construire pour le même projet ; que par deux requêtes datées du 15 janvier 2012 et du 18 février 2012, la commune de Cazaux-Debat a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler respectivement l'arrêté du 14 novembre 2011 et l'arrêté du 1er février 2012 ; que le ministre de l'égalité des territoires et du logement relève régulièrement appel du jugement n°s1200097, 1200325 du 9 avril 2013 du tribunal administratif de Pau en tant qu'il a annulé le permis de construire délivré le 1er février 2012 ;

Sur la légalité du permis de construire en date du 1er février 2012 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier " ;

3. Considérant que, pour annuler la décision du préfet des Hautes-Pyrénées en date du 1er février 2012, le tribunal administratif de Pau s'est fondé sur quatre moyens tirés, le premier de l'absence de signature du formulaire de demande de permis de construire par les pétitionnaires, le deuxième de l'absence de mention de la superficie du terrain sur ledit formulaire, le troisième de ce que la parcelle d'assiette du projet n'est pas en continuité avec le bourg, en méconnaissance des dispositions du III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme, et, le quatrième, de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, le raccordement de la construction autorisée au réseau d'assainissement étant de nature à accroitre les conséquences préjudiciables, pour la salubrité publique, de l'inadaptation dudit réseau ;

4. Considérant que, pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l'annulation d'un acte intervenu en matière d'urbanisme en retenant plusieurs moyens, de se prononcer sur le bien-fondé de tous les moyens d'annulation et d'apprécier si l'un d'entre eux au moins justifie la solution retenue ; que, dans ce cas, le juge d'appel n'a pas à examiner les autres moyens de première instance ; que dans le cas où il estime en revanche qu'aucun des moyens retenus par le tribunal administratif n'est fondé, le juge d'appel, saisi par l'effet dévolutif des autres moyens de première instance, les examine ; qu'il lui appartient de les écarter si aucun d'entre eux n'est fondé et, à l'inverse, de se prononcer, si un ou plusieurs d'entre eux lui paraissent fondés, sur l'ensemble de ceux qu'il estime de nature à confirmer, par d'autres motifs, l'annulation prononcée par les premiers juges ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire (...) sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 431-5 du même code : " La demande comporte également l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R.423-1 pour déposer une demande de permis " ;

6. Considérant qu'il est constant en l'espèce que le texte pré-imprimé de l'attestation selon laquelle les pétitionnaires déclarent être propriétaires ou avoir l'autorisation du ou des propriétaires concernés, qui figure en dernière page du dossier de demande de permis de construire en date du 14 novembre 2011, n'est pas signé et ne peut, dès lors, être regardé comme valant attestation au sens et pour l'application des dispositions de l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme ; que le dossier de demande de permis de construire ne comportait aucun autre document susceptible de valoir attestation ; qu'alors même que M. A... et Mme B...avaient signé les demandes de permis de construire en date des 12 mai 2011 et 12 juillet 2011, ayant donné lieu aux arrêtés de refus de permis de construire du 6 juillet 2011 et du 8 septembre 2011 sur le même terrain, attestant ainsi remplir, à chacune de ces dates, les conditions définies à l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme pour déposer une demande de permis de construire, de telles attestations ne suffisaient pas à établir, en l'absence de tout autre élément, que lesdites conditions étaient toujours remplies le 14 novembre 2011, date du dépôt de la demande ayant donné lieu à la délivrance du permis de construire sollicité ; qu'en l'absence de l'attestation prévue par l'article R. 431-5 dudit code ou de preuve de propriété du terrain, le préfet n'a pu légalement délivrer le permis de construire contesté ; que, par conséquent, le ministre de l'égalité des territoires et du logement n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a retenu le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions combinées des articles R. 423-1 et R. 431-5 du code de l'urbanisme ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme indique que : " La demande de permis de construire précise : c) La localisation et la superficie du ou des terrains ; (...) " ; que si la régularité de la procédure d'instruction d'un permis de construire requiert la production, par le pétitionnaire, de l'ensemble des informations et documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, l'absence d'un élément d'information ou le caractère insuffisant du contenu de l'un de ces documents ne constitue pas nécessairement une irrégularité de nature à entacher la légalité de l'autorisation si l'autorité compétente est en mesure, grâce aux autres pièces produites, d'apprécier l'ensemble des composantes du projet et leur conformité aux dispositions applicables ;

8. Considérant que la circonstance que la demande ayant conduit à la délivrance du permis de construire du 1er février 2012 n'ait pas initialement mentionné la superficie du terrain d'assiette du projet, qui aurait été ajoutée dans des conditions non précisées au cours de l'instruction, n'était pas de nature, en l'espèce, à fausser l'appréciation portée par le préfet sur la conformité de celui-ci à la réglementation en vigueur, dès lors que différentes pièces de la demande, et notamment le plan de situation et le plan de masse, lui permettaient d'évaluer cette superficie, laquelle était par ailleurs indiquée de manière précise, d'une part dans la demande de certificat d'urbanisme datée du 2 février 2010, dont le formulaire de demande de permis de construire en litige indiquait expressément le numéro et la date, ainsi que, d'autre part, dans les avis rendus sur le projet par l'agence régionale de santé le 11 octobre 2011 et par le service de police de l'eau le 17 octobre 2011 ; que le ministre de l'égalité des territoires et du logement est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Pau a retenu le moyen tiré de ce que le permis de construire attaqué avait été délivré sur la base d'un dossier irrégulièrement établi ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable en l'espèce : " Sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes et de la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées, l'urbanisation doit se réaliser en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants. / Lorsque la commune est dotée d'un plan local d'urbanisme ou d'une carte communale, ce document peut délimiter les hameaux et groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants en continuité desquels il prévoit une extension de l'urbanisation, en prenant en compte les caractéristiques traditionnelles de l'habitat, les constructions implantées et l'existence de voies et réseaux. / Lorsque la commune n'est pas dotée d'un plan local d'urbanisme ou d'une carte communale, les notions de hameaux et de groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants doivent être interprétées en prenant en compte les critères mentionnés à l'alinéa précédent (...) " ; que ces dispositions régissent entièrement la situation des communes classées en zone de montagne pour l'application de la règle de constructibilité limitée, qu'elles soient ou non dotées d'un plan d'urbanisme, à l'exclusion des dispositions prévues à l'article L. 111-1-2 régissant la situation des communes non dotées d'un plan d'occupation des sols ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu ; que la commune de Cazaux-Debat étant classée en zone de montagne, il convient donc en l'espèce d'apprécier la légalité du permis de construire du 1er février 2012 au regard des seules dispositions de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le bourg de Cazaux-Debat, qui compte une vingtaine de constructions, se situe à l'extrémité de la route départementale 156, laquelle se transforme en voie communale à l'entrée de celui-ci pour se terminer en impasse à sa sortie ; que le terrain d'assiette du projet est situé à la sortie du bourg, le long de la voie communale, à proximité immédiate du centre bourg et à moins de trente mètres de plusieurs constructions ; que s'il se trouve, par rapport à ces constructions, de l'autre coté de la voie, il fait face aux dernières constructions du bourg, reproduisant ainsi, sur cette dernière portion de la voie communale menant au cimetière et à l'église, l'organisation du bâti des deux côtés de la voie de desserte qui caractérise le bourg de Cazaux-Debat ; que, situé dans la continuité visuelle des constructions du centre bourg, il est par ailleurs desservi par les réseaux d'eau, d'électricité et de téléphone ; que la construction autorisée, prévue dans l'angle Ouest du terrain, le long de la voie publique sur laquelle s'ouvre le garage, doit par suite être regardée comme se trouvant en continuité avec le bourg au sens des dispositions précitées ; que le ministre de l'égalité des territoires et du logement est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Pau a considéré que les dispositions du III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme avaient été méconnues ;

11. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article R. 111-2 : " Le projet peut être refusé (...) s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité (...) publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. " ;

12. Considérant que pour juger que le permis de construire délivré le 1er février 2012 méconnaissait les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme le tribunal administratif de Pau a considéré que le raccordement de la construction autorisée au réseau d'assainissement serait de nature à accroître les conséquences préjudiciables qu'entraîne, pour la salubrité publique, l'inadaptation de ce réseau; qu'il s'est fondé, pour parvenir à cette conclusion, sur un courrier du 3 juillet 2009 adressé au maire de la commune par le directeur départemental de l'équipement et de l'agriculture, aux termes duquel la filière de traitement de la station d'épuration de la commune, du type " décanteur digesteur " pour une capacité de 100 équivalents habitants, d'une part n'est pas conforme à la directive européenne " Eaux résiduaires urbaines " et, d'autre part, doit faire l'objet d'un bilan de fonctionnement au cours de l'année 2009 dès lors qu'elle est soumise à la réalisation d'un bilan de fonctionnement tous les deux ans ; que ces constatations ne suffisent cependant pas à établir que le raccordement de la construction projetée au réseau d'assainissement serait de nature à présenter un risque pour la salubrité publique, et ce d'autant que la station d'épuration a, comme il a été dit, été prévue pour une capacité de 100 équivalents habitants alors que la commune comptait, à la date de la décision attaquée, 21 habitants seulement ; que la commune se prévaut cependant en appel de la phase I d'une étude diagnostique du système d'assainissement réalisée en mai 2013 ; que cette première phase, qui doit être suivie de trois autres phases préalablement à l'élaboration d'un schéma d'assainissement, porte sur l'état des lieux des installations existantes dont elle constate, comme le courrier susmentionné du 3 juillet 2009, qu'elles ne sont pas conformes à la règlementation applicable ; qu'il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que ces installations présenteraient un risque particulier pour la salubrité publique impliquant le rejet de toute nouvelle demande de raccordement au réseau d'assainissement jusqu'à la mise en place d'une nouvelle filière de traitement des eaux usées ; que par suite, et dès lors que le service de la police de l'eau rattaché à la préfecture des Hautes-Pyrénées a rendu, le 17 octobre 2011, un avis favorable quant au raccordement du projet au réseau collectif d'assainissement " eaux usées ", le préfet des Hautes-Pyrénées, en délivrant l'autorisation de construire en litige, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; que le ministre de l'égalité des territoires et du logement est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Pau a retenu ce moyen ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le seul vice dont le présent arrêt reconnaît, au point 6 ci-dessus, qu'il entache d'illégalité le permis de construire du 1er février 2012, est celui tiré de ce que la demande de permis de construire ne comportait pas l'attestation des demandeurs qu'ils remplissaient les conditions définies à l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme ; que si un tel vice est en principe régularisable, il ne l'est cependant pas en l'espèce dès lors que la parcelle d'assiette de la construction autorisée a été, depuis la date de délivrance du permis attaqué, classée en zone inconstructible ; que dans ces conditions, le ministre de l'égalité des territoires et du logement n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a annulé le permis de construire délivré le 1er février 2012 à M. A... et MmeB... ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. A... et MmeB... la somme que demande la commune de Cazeaux-Debat au titre de ces dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : Le recours du ministre de l'égalité des territoires, du logement et de la ruralité est rejeté.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Cazaux-Debat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

''

''

''

''

2

No 13BX01649


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13BX01649
Date de la décision : 19/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Procédure d'attribution - Demande de permis.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Légalité interne du permis de construire - Légalité au regard de la réglementation nationale - Règlement national d'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: Mme MEGE
Avocat(s) : TEULÉ

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-03-19;13bx01649 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award