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18/06/2015 | FRANCE | N°13BX01791

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 18 juin 2015, 13BX01791


Vu la requête enregistrée le 1er juillet 2013 et régularisée par courrier le 4 juillet 2013, présentée pour l'Association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS) dont le siège est 10 rue de Haguenau à Strasbourg (67000), par la SCP Sigma Avocats ;

L'ASPAS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101887 du 2 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 29 juin 2011 en ce qu'il a classé les belettes, putois, corbeaux freux, corbeilles noires,

tourneaux sansonnets, pigeons ramiers et pies bavardes parmi les nuisibles e...

Vu la requête enregistrée le 1er juillet 2013 et régularisée par courrier le 4 juillet 2013, présentée pour l'Association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS) dont le siège est 10 rue de Haguenau à Strasbourg (67000), par la SCP Sigma Avocats ;

L'ASPAS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101887 du 2 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 29 juin 2011 en ce qu'il a classé les belettes, putois, corbeaux freux, corbeilles noires, étourneaux sansonnets, pigeons ramiers et pies bavardes parmi les nuisibles et fixé les modalités de leur destruction dans le département pour la saison 2011-2012 ;

2°) d'annuler l'arrêté en ce qu'il classe les belettes, putois, corbeaux freux, corbeilles noires, étourneaux sansonnets, pigeons ramiers et pies bavardes parmi les nuisibles ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive n° 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels de la faune et de la flore sauvage ;

Vu la directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 mai 2015 :

- le rapport de M. Olivier Mauny, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

- les observations de Me Comte substituant Me Lagier, avocat de la Fédération départementale des chasseurs de Charente-Maritime ;

1. Considérant que l'ASPAS fait appel du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 2 mai 2013 en tant qu'il rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 29 juin 2011 en tant qu'il classe dans la liste des espèces nuisibles dans ce département pour la campagne 2011-2012 la belette, le putois, le corbeau freux, la corneille noire, l'étourneau sansonnet, la pie bavarde et le pigeon ramier ;

Sur l'intervention de la Fédération départementale des chasseurs de Charente-Maritime :

2. Considérant que la Fédération départementale des chasseurs de Charente-Maritime, qui a intérêt au maintien de l'arrêté contesté dans la mesure où certaines espèces classées nuisibles contribuent à réduire le potentiel cynégétique en détruisant le gibier, est recevable à intervenir, en appel, au soutien des observations présentées par le ministre ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la Fédération départementale des chasseurs de Charente-Maritime :

3. Considérant que la requête de l'ASPAS ne se borne pas à reprendre les écritures que l'association a présentées devant le tribunal administratif de Poitiers, et comporte une critique circonstanciée des motifs retenus par ce dernier ; que la fin de non-recevoir opposée par la Fédération départementale des chasseurs de Charente-Maritime doit donc être écartée ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 427-6 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable au litige : " Le ministre chargé de la chasse fixe la liste des espèces d'animaux susceptibles d'être classés nuisibles en application de l'article L. 427-8. Cette liste est établie après avis du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage en fonction des dommages que ces animaux peuvent causer aux activités humaines et aux équilibres biologiques. Elle ne peut comprendre d'espèces dont la capture ou la destruction est interdite en application de l'article L. 411-1. " ; que l'article R. 427-7 du même code dispose : " I. Dans chaque département, le préfet détermine les espèces d'animaux nuisibles parmi celles figurant sur la liste prévue à l'article R. 427-6, en fonction de la situation locale, et pour l'un des motifs ci-après : 1° Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ; 2° Pour prévenir des dommages importants aux activités agricoles, forestières et aquacoles ; 3° Pour assurer la protection de la flore et de la faune. II. L'arrêté du préfet est pris après avis de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage et de la fédération des chasseurs. III. L'arrêté est pris chaque année, pour la période allant du 1er juillet au 30 juin. " ;

5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'au titre d'une année considérée, il peut être légalement procédé au classement parmi les nuisibles, d'une espèce animale figurant sur la liste établie en application de l'article R. 427-6 précité, dès lors que cette espèce est répandue de façon significative dans le département et que, compte tenu des caractéristiques géographiques, économiques et humaines de celui-ci, sa présence est susceptible de porter atteinte aux intérêts protégés par les dispositions précitées ou dès lors qu'il est établi qu'elle est à l'origine d'atteintes significatives à ces intérêts protégés ;

En ce qui concerne le classement de la belette et du putois :

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier du compte rendu de destruction de la campagne 2010/2011, que 157 belettes ont été prélevées pour la campagne 2010/2011, dont 139 par la chasse et 18 par piégeage, et que 51 putois ont été prélevés, par piégeage, pour la même campagne ; que si les opérations de piégeage n'ont pas été effectuées sur l'ensemble des communes du département, il n'est pas contesté que les prélèvements par la chasse ont eu lieu sur l'ensemble du département ; que, par ailleurs, une seule déclaration de dégât enregistrée en 2011, au demeurant peu circonstanciée, concerne le putois, et qu'aucune ne concerne la belette ; qu'ainsi, au regard en particulier des prélèvements comptabilisés au titre des deux campagnes précédentes et des dégâts déclarés, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces deux espèces auraient été présentes de façon significative dans l'ensemble du département, et notamment dans les communes mentionnées dans l'arrêté ; qu'il suit de là que l'arrêté contesté, en tant qu'il classe la belette et le putois comme nuisibles dans les communes où une autorisation de repeuplement de lapin de garenne, lequel est pour sa part classé nuisible dans 62 communes du département, doit être annulé ;

En ce qui concerne le classement du corbeau freux, de la corneille noire, de l'étourneau sansonnet, de la pie bavarde et du pigeon ramier :

7. Considérant qu'il ressort du compte rendu de destruction de la campagne 2010/2011, que 3 957 corbeaux freux, 3 368 corneilles, 10 694 étourneaux sansonnet, 7 642 pies bavardes et 56 305 pigeons ramiers ont été prélevés pour la campagne 2010/2011 ; que ces espèces peuvent donc être regardées comme répandues de façon significative dans le département de la Charente-Maritime ; que, par ailleurs, eu égard à l'importance de l'activité agricole dans le département, notamment par la culture de céréales, de colza, de tournesol, de pois protéagineux, d'arbres fruitiers, et de la vigne, le préfet n'a pas commis d'erreur en considérant que la présence significative de ces espèces était susceptible de porter atteinte à un des intérêts protégés à l'article R. 427-6 du code de l'environnement précité ;

8. Considérant, cependant, qu'en vertu de l'article 9 de la directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages, il ne peut être dérogé à la protection dont bénéficient les oiseaux sauvages que s'il n'existe pas d'autres solutions satisfaisantes ; qu'en se bornant à se prévaloir d'une étude générale élaborée par l'union nationale des associations de piégeurs agréés de France, dépourvue de toute précision quant à la situation de la Charente-Maritime, sans faire état, dans l'arrêté comme pendant l'instance, des solutions alternatives envisagées dans le département, l'administration n'établit pas qu'elle ait sérieusement recherché des méthodes alternatives à la destruction du corbeau freux, de la corneille noire, de l'étourneau sansonnet, de la pie bavarde et du pigeon ramier ; que, par suite, en classant ces oiseaux dans la liste des espèces nuisibles, sans avoir préalablement envisagé des solutions alternatives tenant compte des caractéristiques de ce département, le préfet a entaché sa décision d'une erreur de droit ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ASPAS est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 29 juin 2011 en tant qu'il classe dans la liste des espèces nuisibles dans ce département pour la campagne 2011-2012 la belette, le putois, le corbeau freux, la corneille noire, l'étourneau sansonnet, la pie bavarde et le pigeon ramier ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État, la somme que l'ASPAS demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, tant en première instance qu'en appel ;

11. Considérant, par ailleurs que les dispositions de cet article prévoient seulement la mise à la charge d'une des parties à l'instance des frais exposés par une partie et non compris dans les dépens ; qu'elles ne sauraient recevoir application au profit d'une personne qui a la qualité d'intervenant à l'instance ; que, par suite, les conclusions présentées à ce titre par la fédération départementale des chasseurs de Charente-Maritime, intervenante en défense, ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE

Article 1er : L'intervention de la Fédération départementale des chasseurs de la Charente-Maritime est admise.

Article 2 : L'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 29 juin 2011 est annulé en tant qu'il classe dans la liste des espèces nuisibles dans ce département pour la campagne 2011-2012 la belette, le corbeau freux, la corneille noire, l'étourneau sansonnet, la pie bavarde, le pigeon ramier et le putois.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 2 mai 2013 est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de l'ASPAS est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par la Fédération départementale des chasseurs de Charente-Maritime au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 13BX01791


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 13BX01791
Date de la décision : 18/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-045-06-07-02 Nature et environnement.


Composition du Tribunal
Président : Mme RICHER
Rapporteur ?: M. Olivier MAUNY
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SCP SIGMA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 01/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-06-18;13bx01791 ?
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