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08/09/2015 | FRANCE | N°13BX02433

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 08 septembre 2015, 13BX02433


Vu la requête, enregistrée le 21 août 2013, présentée pour Mme A...D..., veuveH..., et pour Mlle J...H..., demeurant..., par Me Sarfaty ;

Mme H...et autre demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002310 du 28 juin 2013 du tribunal administratif de Poitiers, en tant qu'il a condamné l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à leur verser une indemnité d'un montant qu'elles estiment insuffisant en réparation des préjudices subis du fait de la contamination par le virus de l'h

patite C (VHC) de leur mari et père ;

2°) de condamner l'ONIAM à leur ver...

Vu la requête, enregistrée le 21 août 2013, présentée pour Mme A...D..., veuveH..., et pour Mlle J...H..., demeurant..., par Me Sarfaty ;

Mme H...et autre demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002310 du 28 juin 2013 du tribunal administratif de Poitiers, en tant qu'il a condamné l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à leur verser une indemnité d'un montant qu'elles estiment insuffisant en réparation des préjudices subis du fait de la contamination par le virus de l'hépatite C (VHC) de leur mari et père ;

2°) de condamner l'ONIAM à leur verser la somme de 728 450 euros à titre successoral, augmentées des intérêts au taux légal à compter du 18 août 2010 et jusqu'à la date du décès, ainsi que les sommes de 591 124,56 euros au titre du préjudice de la veuve et de 20 000 euros au titre du préjudice de la fille ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM de les somme de 5 000 euros et de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elles soutiennent que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que les pertes de revenus n'étaient imputables à la maladie qu'à compter de l'année 2009 et a écarté comme non probants les avis d'imposition produits pour certaines années et ne les a pas mis en mesure de produire, par note en délibéré, les avis d'imposition d'autres années en rendant le jugement avant la date prévue ;

- c'est également à tort que le tribunal administratif a refusé l'indemnisation du préjudice économique, alors que toutes les justifications nécessaires étaient fournies ;

- leur préjudice d'affection a été manifestement sous-évalué ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 novembre 2013, présenté pour l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), dont le siège est Tour Galliéni, 236, avenue Charles-de-Gaulle à Bagnolet (93175), représenté par son président en exercice, par MeB..., qui conclut au rejet de la requête ou, subsidiairement, à ce que les indemnisations éventuellement accordées soient nettement inférieures à celles demandées ;

Il fait valoir que :

-rien ne permet de regarder une diminution des revenus à compter de 1994 comme imputable à la contamination ;

-les pertes de revenus à compter de 2009 ne sauraient excéder 66 278 euros ;

-le préjudice lié aux déficits fonctionnels peut être fixé à 37 788 euros ;

-le préjudice économique de la veuve de la victime ne peut pas être évalué à plus de 66 357,58 euros, aucun préjudice n'étant subi au-delà de la date à laquelle celle-ci aurait atteint l'âge de la retraite et la part de sa veuve devant être fixée à 40 % ;

-le préjudice d'affection de la fille de la victime ne saurait être évalué à plus de 6 500 euros et celui de sa veuve ne saurait excéder 25 000 euros

Vu l'ordonnance du 24 septembre 2014 fixant la clôture de l'instruction au 5 novembre 2014 ;

Vu la lettre du 5 juin 2015 informant les parties de ce que la décision de la cour pourrait être fondée sur le moyen soulevé d'office tiré de l'irrégularité du jugement du fait que le tribunal administratif n'a pas mis en cause la caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF) ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 19 juin 2015, présenté pour l'ONIAM, qui indique que l'absence de mise en cause du tiers payeur pourrait constituer une irrecevabilité du recours de Mme H...et autre ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 23 juin 2015, présenté pour Mme H...et autre et tendant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 juin 2015 :

- le rapport de M. Bernard Leplat ;

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;

- les observations de Me Sarfaty, avocat de Mme A...D..., veuveH..., et Mlle J...H..., et de Me Rothé, avocat de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;

1. Considérant que M. F...H..., alors âgé de 32 ans, a été victime d'un accident de la circulation, le 24 janvier 1985 ; que sa contamination par le virus de l'hépatite C (VHC) a été mise en évidence en 1993 ; que M.H..., imputant sa contamination par le VHC à une transfusion de plasma subie lors d'un transfert au centre hospitalier de Jonzac après son accident, a saisi le 1er décembre 2008 le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers d'une demande d'expertise, puis après qu'un expert ait été désigné par ordonnance du 20 janvier 2009 et ait remis son rapport le 23 juin 2010, il a demandé la condamnation de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à l'indemniser des conséquences dommageables de sa contamination par le VHC; qu'il est décédé des suites de sa pathologie le 15 mai 2012 ; que sa première épouse et quatre de ses enfants ont déclaré reprendre l'instance en étendant la demande et en réclamant réparation du préjudice subi du fait du décès de leur ex-mari et père ; que, par ailleurs, sa seconde épouse, Mme A...D..., veuve H...et son cinquième enfant, Mlle J...H..., ont, de même, repris l'instance et demandé la condamnation de l'ONIAM, d'une part, à verser à la succession la somme globale de 728 450 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la demande préalable et jusqu'au décès, en réparation des préjudices subis par leur défunt mari et père, d'autre part, à verser à sa veuve la somme de 561 124,56 euros en réparation de son préjudice économique, enfin à verser la somme de 15 000 euros et la somme de 30 000 euros respectivement à sa fille et à sa veuve en réparation de leur préjudice d'affection et " d'accompagnement " ; que Mme veuve H...et autre relèvent appel du jugement du 28 juin 2013 du tribunal administratif de Poitiers, qui a condamné l'ONIAM à leur verser une indemnité d'un montant qu'elles estiment insuffisant ; que l'ONIAM, qui ne conteste plus l'origine transfusionnelle de la contamination de la victime par le VHC et, par suite, son obligation d'indemniser ses ayants droit mais qui soulève le caractère exagéré de l'évaluation de certains préjudices, peut être regardé comme demandant, par la voie de l'appel incident, la réformation de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

En ce qui concerne la régularité de la procédure dans son ensemble :

2. Considérant que pour rejeter, par le jugement attaqué, les demandes tendant à la réparation des préjudices patrimoniaux subis par la succession, au nom de laquelle agissent Mme veuve H...et autre, du fait des pertes de revenus résultant de la maladie de M. H..., le tribunal administratif s'est fondé sur ce que " les avis d'impôt de 2000, 2002, 2004 à 2007 ne présentent aucune valeur probante, en raison de l'incohérence de la situation familiale mentionnée sur l'avis, de l'absence de mention du nom du contribuable ou en raison d'une date de naissance erronée ", ainsi que sur l'absence de l'avis d'impôt de 2008 ; que les requérantes soutiennent qu'en avançant la lecture du jugement, le tribunal les a empêchéés de produire des avis d'imposition à l'impôt sur le revenu au titre d'autres années ou ne présentant pas de mentions de nature à affecter leur caractère probant à l'appui d'une note en délibéré ;

3. Considérant que s'il est vrai que l'affaire a été examinée à l'audience du 20 juin 2013 et que le jugement attaqué a été lu le 28 juin 2013, alors qu'habituellement les jugements du tribunal administratif de Poitiers sont lus deux semaines après la date de l'audience, il en a été ainsi de tous les jugements des affaires inscrites au rôle de l'audience du 20 juin 2013, qui précédait la période de suspension estivale des audiences ordinaires ; que Mme veuve H... et autre, qui entendaient produire des documents ne contenant l'exposé, ni d'une circonstance de fait dont elles n'étaient pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, ni d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office, ne sont, en tout état de cause, pas fondées à soutenir que le principe du respect des droits de la défense aurait été méconnu et que le jugement attaqué serait irrégulier de ce fait ;

En ce qui concerne la régularité du jugement en tant qu'il statue sur la demande de réparation du préjudice économique personnel d'un ayant droit de la victime :

4. Considérant que l'ONIAM est chargé par l'article L. 1142-22 du code de la santé publique de l'indemnisation, au titre de la solidarité nationale, dans les conditions définies au II de l'article L. 1142-1, à l'article L. 1142-1-1 et à l'article L. 1142-17 , notamment, des victimes de préjudices résultant de la contamination par le VHC causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang ;

5. Considérant cependant que si, en application des dispositions de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008, ayant institué aux articles L. 1142-22 et L. 1221-14 du code de la santé publique un dispositif d'indemnisation des dommages subis par les victimes de contamination transfusionnelle par le VHC, l'ONIAM a reçu la mission d'indemniser ces dommages au titre de la solidarité nationale et non en qualité d'auteur responsable, selon une procédure amiable exclusive de toute recherche de responsabilité, il résulte toutefois des dispositions du IV de l'article 67 selon lesquelles l'ONIAM se substitue à l'établissement français du sang (EFS) dans les procédures tendant à l'indemnisation des préjudices mentionnés à l'article L. 1221-14, en cours à la date d'entrée en vigueur de cet article et n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable, que le législateur a entendu, dans ces procédures, substituer l'ONIAM à l'EFS tant à l'égard des victimes que des tiers payeurs ; que l'instance opposant M. H...à l'EFS était en cours à la date d'entrée en vigueur de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 ;

6. Considérant qu'en application de ces dispositions, le tribunal administratif de Poitiers, saisi d'une demande de condamnation de l'ONIAM, informé de la qualité d'assuré social de M. H... et de ce que sa veuve percevait des prestations de la caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF), était tenu de communiquer la requête, non seulement, comme il l'a fait, à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Charente dont relevait l'intéressé, mais aussi à la CARMF, avant de statuer sur les conclusions de sa veuve tendant à la réparation de son préjudice économique propre résultant du décès de son mari, constituant un poste sur lequel la CARMF, pouvait, si elle s'y croyait fondée, faire valoir ses droits à l'encontre de l'EFS ; que dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que le tribunal administratif aurait procédé à cette communication, son jugement est entaché d'irrégularité et doit être en conséquence annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de Mme veuve H...tendant à la condamnation de l'ONIAM à lui verser la somme de 561 124,56 euros en réparation du préjudice subi du fait de ses pertes de revenus à la suite du décès de son mari ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de renvoyer, dans cette mesure, l'affaire devant le tribunal administratif de Poitiers ;

Sur le bien fondé du surplus du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'indemnisation de la succession de M.H... :

S'agissant des pertes de revenus :

7. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 1, la contamination de M.H..., par le VHC a été mise en évidence en 1993 et qu'il a ensuite suivi des traitements, comportant des arrêts de travail de quelques jours, notamment en raison de plusieurs hospitalisations ; que toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que cette contamination et les traitements suivis soient à l'origine des pertes de revenus subies par l'intéressé, qui n'ont pas été constantes sur l'ensemble de la période, entre 1993 et le mois de mars 2009, date à laquelle il a cessé l'exercice de son activité de médecin psychiatre ; que, dès lors, Mme veuve H...et autre ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont refusé de les indemniser, au nom de la succession, de ces pertes de revenus ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté que sa contamination par le VHC a été la cause de l'interruption de l'activité professionnelle de M. H... à compter du mois de mars 2009 ; que pour rejeter la demande d'indemnisation présentée pas ses héritiers au titre des pertes de revenus résultant de cette cessation d'activité, le tribunal administratif s'est fondé, ainsi qu'il est dit au point 2, sur le caractère non probant de certains avis d'imposition produits et sur l'absence de production d'un avis d'imposition des revenus de l'année 2008 ; que si certaines des copies des avis d'imposition à l'impôt sur le revenu produites au titre des années précédentes ne se présentaient pas sous la forme habituelle et complète des avis émis par l'administration fiscale, elles ne comportaient pas d'anomalies de nature à justifier que toute valeur probante leur fût déniée : que le tribunal administratif ne pouvait pas, alors qu'il venait au surplus de statuer sur l'absence d'imputabilité à la contamination par le VHC de la variation à la baisse des revenus au titre de l'année 2008, se borner à constater l'absence d'avis d'imposition au titre de la même année pour refuser toute indemnisation pour l'ensemble de la période ; qu'en tout état de cause, la circonstance que le tribunal ne se serait pas estimé suffisamment informé en ce qui concerne la consistance d'un préjudice dont l'existence n'était pas contestable, aurait seulement justifié ou bien qu'il fît procéder à une mesure d'instruction, ou bien qu'il se plaçât dans l'hypothèse la plus défavorable aux intéressés pour évaluer, en l'absence de justification pour une des années précédentes, le montant des pertes de revenus ; que dès lors, Mme veuve H...et autre sont fondées à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont refusé de les indemniser, au nom de la succession, des pertes de revenus subies entre le mois de mars 2009 et le décès, le 15 mai 2012, de M.H... ; qu'elles sont, par suite, fondées à demander l'annulation du jugement attaqué, en tant qu'il a rejeté ces conclusions ;

9. Considérant qu'il y a lieu de statuer immédiatement, par voie d'évocation, sur les conclusions de Mme H...et autre tendant à les indemniser, au nom de la succession, des pertes de revenus subies entre le mois de mars 2009 et le décès, le 15 mai 2012, de M. H..., et, par l'effet dévolutif de l'appel, sur leurs autres conclusions d'appel ;

10. Considérant que, contrairement à ce que soutiennent Mme veuve H...et autre, les pertes de revenus tirés de l'exercice de son activité de médecin par leur époux et père, résultant de la cessation de cette activité, subies entre le mois de mars 2009 et son décès, le 15 mai 2012, ne doit pas être déterminée sur la base de la moyenne des revenus des années 1990 à 1993, mais sur celle des trois années précédant cette cessation d'activité, au titre desquelles ces revenus ne doivent pas être regardés comme ayant été affectés par la contamination de l'intéressé par le VHC ; que dans ces conditions, compte tenu des montants non contestés des revenus perçus durant la période susmentionnée, comprenant notamment les arrérages de la pension d'invalidité servie par la CPAM de la Charente, qui régulièrement mise en cause n'a présenté aucune conclusion, celui de ces pertes de revenus s'établit à la somme de 66 278 euros ;

S'agissant des autres préjudices patrimoniaux :

11. Considérant que Mme veuve H...et autre, qui n'avaient pas repris devant le tribunal administratif et qui ne reprennent pas devant la cour la demande initialement présentée et tendant à la réparation du préjudice subi du fait de la perte de clientèle, persistent à demander la condamnation de l'ONIAM à leur verser une somme au titre des dépenses liées à la perte d'autonomie de leur époux et père ; qu'elles n'apportent à l'appui de ces conclusions aucun élément et ne critiquent pas les motifs par lesquels les premiers juges ont refusé toute indemnisation au titre de ce poste de préjudice ;

S'agissant des préjudices personnels de la victime directe :

12. Considérant que Mme veuve H...et autre demandent, au nom de la succession, la condamnation de l'ONIAM à leur verser une indemnité de 100 000 euros au titre des préjudices extrapatrimoniaux subis par M.H..., autres que son préjudice moral, en réparation duquel elles demandent, en outre, une indemnité de 10 000 euros ; que le jugement attaqué a condamné l'ONIAM à verser une indemnité de 80 000 euros en réparation de l'ensemble de ces préjudices personnels ; que les requérantes ne présentent, à l'appui de leurs conclusions, aucun élément ni aucune critique du jugement ; que si l'ONIAM présente une estimation, fondée sur son référentiel d'indemnisation et aboutissant à un montant inférieur, ce n'est qu'à titre subsidiaire et il indique ne pas contester l'estimation des premiers juges ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que cette estimation serait excessive, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu notamment de la nature et de l'importance des préjudices de toute nature et des troubles résultant du déficit fonctionnel temporaire puis permanent subis par M. H...du fait de sa contamination par le VHC ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme veuve H...et autre sont fondées à demander la condamnation de l'ONIAM à verser à la succession de M. H... une indemnité de 66 278 euros s'ajoutant à celle de 80 000 euros allouée par le jugement attaqué ;

En ce qui concerne l'indemnisation des préjudices propres des requérantes, autres que le préjudice économique de Mme veuveH... :

14. Considérant que dès lors que les dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ne prévoient d'indemnisation au titre de la solidarité nationale que pour les préjudices du patient et, en cas de décès, de ses ayants droit, la réparation des préjudices subis en propre par les ayants droit du fait des conséquences de la contamination de leur époux et père ne peut pas être mise à la charge de l'ONIAM ; que par suite, Mme veuve H...et autre ne pouvaient pas demander que la réparation d'un " préjudice d'accompagnement ", subi du fait du comportement, imputable à sa contamination par le VHC, qu'a eu à leur égard, avant son décès, la victime de cette contamination, fût mise à la charge de cet établissement ;

15. Considérant, en revanche, que les dispositions susmentionnées du code de la santé publique ne font pas obstacle à ce que la réparation de préjudices patrimoniaux ou personnels, tel le préjudice d'affection, subis par les ayants droit de la victime d'une contamination par le VHC du fait du décès de celle-ci, puisse être mise à la charge de l'ONIAM ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'en accordant à Mme veuve H...la somme de 10 000 euros et à la fille de M. H...celle de 5 000 euros, les premiers juges auraient fait une évaluation excessive du seul préjudice d'affection subi par elles ;

16. Considérant que, dans ces conditions, Mme veuve H...et autre, qui n'invoquent devant la cour que l'importance de leur " préjudice d'accompagnement ", ne sont donc pas fondées à se plaindre de ce que le tribunal administratif a condamné l'ONIAM à leur verser des indemnités d'un montant insuffisant en réparation de leur préjudice moral ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme veuve H...et autre sont fondées à demander que la somme que l'ONIAM a été condamné à verser à la succession de M. H...soit portée de 80 000 euros à 146 278 euros ;

Sur les intérêts :

18. Considérant que Mme veuve H...et autre demandaient au tribunal et demandent à la cour que la somme mise à la charge de l'ONIAM en réparation des préjudices de la succession porte intérêts au taux légal à compter du 18 août 2010, date de réception par l'établissement de la réclamation préalable, jusqu'à la date du décès de M.H... ; que le jugement attaqué assortit la condamnation prononcée de ces intérêts à compter du 18 août 2010, sans fixer le terme de la période durant laquelle courront ces intérêts et, donc, jusqu'à la date du paiement de la somme, qui est nécessairement postérieure à celle du décès, le 15 mai 2012 ; qu'il a, ainsi statué au-delà de la demande et le jugement attaqué doit, par suite, être également annulé sur ce point ; que dans ces conditions, la somme de 146 278 euros ne devra porter intérêts au taux légal que du 18 août 2010 au 15 mai 2012 ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Considérant dans les dispositions de cet article font obstacle à ce soit mise à la charge de Mme veuve H...et autre, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente espèce, une somme au titre des frais exposés par l'ONIAMet non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de ces dispositions, de condamner l'ONIAM à verser Mme veuve H...et autre la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement du 28 juin 2013 du tribunal administratif de Poitiers est annulé, en tant qu'il a statué sur les conclusions de Mme veuve H...tendant à la condamnation de L'ONIAM à lui verser la somme de 561 124,56 euros en réparation du préjudice subi du fait de ses pertes de revenus à la suite du décès de son mari .

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, devant le tribunal administratif de Poitiers.

Article 3 : Le jugement du 28 juin 2013 du tribunal administratif de Poitiers est annulé, en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme veuve H...et autre tendant à la condamnation de l'ONIAM à leur verser, en qualité d'héritières de M.H..., une indemnité en réparation des préjudices résultant des pertes de revenus subies par ce dernier et en tant qu'il statue sur les intérêts afférents à l'indemnité allouée.

Article 4 : La somme que l'ONIAM a été condamné à verser à la succession de M. H...est portée de 80 000 euros à 146 278 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 18 août 2010 et jusqu'au 15 mai 2012.

Article 5 : L'ONIAM versera à Mme veuve H...et autre la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme veuve H...et autre et les conclusions de l'ONIAM tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D..., veuve H...et à Mlle J...H..., à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Charente et à la caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF), à M. C...H..., à M. K...H..., à M. L...H..., à Mlle I...H...et à Mme E...G....

Délibéré après l'audience du 30 juin 2015 à laquelle siégeaient :

M. Didier Péano, président,

M. Jean-Pierre Valeins, président-assesseur,

M. Bernard Leplat, faisant fonction de premier conseiller,

Lu en audience publique, le. 8 septembre 2015,

Le rapporteur ,

Bernard LEPLATLe président,

Didier PEANO

Le greffier,

Martine GERARDS

La République mande et ordonne à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 13BX02433


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 13BX02433
Date de la décision : 08/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé.


Composition du Tribunal
Président : M. PEANO
Rapporteur ?: M. Bernard LEPLAT
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : SELARL SARFATY et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-09-08;13bx02433 ?
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