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12/10/2015 | FRANCE | N°14BX00814

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 12 octobre 2015, 14BX00814


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Cayenne d'annuler la décision par laquelle le conseil général de la Guyane lui a retiré ses fonctions et son affectation , révélée par la lettre du 1er février 2013, et la décision du 1er février 2013 par laquelle le président du conseil général de la Guyane a prononcé son licenciement à titre disciplinaire, d'enjoindre au conseil général de la Guyane de le réintégrer dans le poste initialement fixé par son contrat et de procéder à la reconstitut

ion de sa carrière, dans un délai de quinze jours sous astreinte de cinq cent euros p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Cayenne d'annuler la décision par laquelle le conseil général de la Guyane lui a retiré ses fonctions et son affectation , révélée par la lettre du 1er février 2013, et la décision du 1er février 2013 par laquelle le président du conseil général de la Guyane a prononcé son licenciement à titre disciplinaire, d'enjoindre au conseil général de la Guyane de le réintégrer dans le poste initialement fixé par son contrat et de procéder à la reconstitution de sa carrière, dans un délai de quinze jours sous astreinte de cinq cent euros par jour de retard, et de condamner le conseil général de la Guyane à lui verser une somme de 30 000 euros en réparation du préjudice moral que lui ont causé les décisions litigieuses ; subsidiairement, d'ordonner le versement de l'indemnité de licenciement et d'une somme de 20 000 euros pour violation de l'article 33 du décret n° 88-145 sur les règles du réemploi ; de mettre à la charge du conseil général de la Guyane une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761 -1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1300382 du 23 janvier 2014, le tribunal administratif de Cayenne a annulé la décision du 1er février 2013, a condamné le conseil général de la Guyane à verser à M. A...une indemnité de 3 000 euros, a mis à la charge du conseil général de la Guyane la somme de 1 000 euros à verser à M. A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 mars 2014, et des mémoires enregistrés les 23 octobre 2013 et 22 décembre 2014, M. B... A..., représenté par le Cabinet MPC avocats, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du 23 janvier 2014 en tant que le tribunal administratif de Cayenne n'a pas reconnu le harcèlement moral qu'il aurait subi du fait des agissements du conseil général de la Guyane et n'a pas fait droit à l'intégralité de sa demande indemnitaire ;

2°) de reconnaître qu'il a été victime de harcèlement moral ;

3°) de condamner le département de la Guyane à lui verser à titre de dommage et intérêts le montant des salaires et traitements perdus, assortis des primes et indemnités auxquelles il aurait eu droit et des intérêts de retard, ainsi qu'une somme de 30 000 euros à titre de réparation du préjudice moral ;

4°) d'enjoindre au département de la Guyane de prendre les mesures nécessaires à sa réintégration dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge du département de la Guyane la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi du 22 avril 1905 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Antoine Bec, président-assesseur,

- les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public,

- les observations de MeC..., représentant M.A....

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., attaché contractuel en poste dans les services du conseil général de la Guyane depuis le 4 novembre 2008, et chargé depuis le 1er septembre 2010 du suivi et de la mise en oeuvre du transport non urbain de Guyane par un contrat conclu pour une durée de trois ans, a fait l'objet d'un licenciement pour motif disciplinaire par une décision en date 1er février 2013 du président du conseil général de la Guyane. Par jugement du 23 janvier 2014, le tribunal administratif de Cayenne a annulé cette décision et a rejeté le surplus des conclusions de la requête de M.A.... M. A...fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, si, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cayenne a fait droit, au moins partiellement, aux conclusions présentées à titre principal par M A...tendant au versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de son éviction du service, il n'a pas statué sur le bien-fondé du licenciement. Par suite, les premiers juges ne pouvaient sans irrégularité s'abstenir de statuer sur les conclusions tendant au versement des indemnités de licenciement et d'une indemnité de 20 000 euros en réparation du préjudice né de la violation de l'article 33 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 sur les règles de réemploi, qui n'étaient présentées à titre subsidiaire que dans l'hypothèse où le tribunal administratif aurait retenu le bien fondé du licenciement.

3. En second lieu, pour statuer sur les demandes indemnitaires présentées par M. A..., le tribunal administratif, qui n'était pas tenu par le motif retenu pour annuler la décision de licenciement, devait apprécier le bien-fondé du licenciement pour évaluer les droits à indemnité de M.A.... Les premiers juges pouvaient ainsi sans irrégularité se fonder sur les fautes commises respectivement tant par le département que par son salarié pour évaluer les préjudices subis par M. A...et le montant des indemnités devant les réparer. Le tribunal administratif devait cependant statuer sur chacun des chefs de préjudices invoqués par M.A.... En se bornant à évoquer le préjudice subi sans autre précision, le tribunal administratif a entaché son jugement d'un défaut de motivation.

4. Il y a lieu par suite d'annuler le tribunal administratif sur ces différents points et d'y statuer par la voie de l'évocation.

Sur la légalité de la décision du 1er février 2013 :

5. Il appartient au juge administratif de décider quel vice de légalité, externe ou interne, il entend retenir pour annuler pour excès de pouvoir une décision administrative. Dès lors que les premiers juges ont annulé la décision du président du conseil régional du 1er février 2013 prononçant son licenciement, M. A...est sans intérêt pour contester le motif de légalité externe retenu par le tribunal administratif de Cayenne pour annuler cette décision. Par suite les moyens tirés de ce que la décision de licenciement constituerait une sanction déguisée, révélerait des manoeuvres de harcèlement ou de discrimination, ou serait entachée de détournement de pouvoir, doivent être écartés.

Sur les conclusions indemnitaires :

6. L'annulation contentieuse d'une décision pour un motif tiré de son irrégularité n'ouvre droit à la réparation du préjudice qui en résulte que pour autant que l'administration n'aurait pas été en mesure de prendre, à nouveau, la même décision de manière régulière.

7. Il résulte de l'instruction que si les incivilités commises par M.A..., et sa manière de servir, étaient de nature à justifier une sanction disciplinaire, le président du conseil général de la Guyane n'a pu, sans erreur d'appréciation, procéder à son licenciement , sanction la plus sévère à sa disposition. Dans ces conditions, M. A...peut prétendre à une indemnité réparant les préjudices de toute nature que son éviction illégale du service lui a causés.

8. Le comportement de M. A...vis-à-vis de sa hiérarchie et de ses collègues, ainsi que ses négligences dans la gestion de ses attributions étant de nature à justifier une sanction disciplinaire, il sera fait une juste appréciation du préjudice né de la perte de salaire subie du fait de l'éviction de ses fonctions en portant à 7 000 euros l'indemnité destinée à le réparer, y compris les primes qu'il aurait pu percevoir, et tous intérêts compris.

9. Le bénéfice d'une indemnité représentative de son salaire fait obstacle à ce M. A... perçoive une indemnité de licenciement, dès lors que, du fait de cette indemnité, il doit être regardé comme ayant mené son contrat à terme.

10. M. A...ne pouvant être regardé comme reprenant son service à l'issue d'un congé, ne peut prétendre au bénéfice du réemploi prévu par l'article 33 du décret du 15 février 1988.

11. Si M A...soutient que l'éviction progressive de ses fonctions révèlerait des faits de harcèlement et constituerait une discrimination à raison de son état de santé et de ses divers engagements, il résulte de l'instruction que pour pallier ses absences pour maladie l'administration s'est trouvée dans la nécessité d'affecter un agent en renfort sur son poste et en conséquence d'opérer une répartition de ses attributions. De telles mesures ne sont constitutives ni de harcèlement ni de discrimination et les nombreux conflits avec sa hiérarchie et ses collègues suscités par M. A...pour ces motifs ne sauraient être regardés comme imputables aux effets sur sa santé de ces mesures. Il y a lieu en conséquence de rejeter les conclusions tendant à la réparation de son préjudice moral, et de l'atteinte à son honneur ou à sa réputation.

12. Le préjudice financier né de l'interruption du contrat de location de son véhicule, et de l'engagement de frais d'inscription à l'université est dépourvu de lien de causalité avec la mesure de licenciement prise à son encontre. Les conclusions présentées à ce titre doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. La fin de son contrat étant intervenue avant l'annulation de la décision prononçant son licenciement, M. A...ne peut prétendre à sa réintégration, mais seulement à la reconstitution de sa carrière.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le préjudice de M. A...doit être réparé par une indemnité de 7000 E, et que sa carrière doit être reconstituée de la date de son éviction jusqu'au 1er septembre 2013, date de la fin normale de son contrat.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le Département de la Guyane à verser à M. A... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. M. A... n'étant pas dans la présente instance la partie qui succombe, les conclusions du département de la Guyane tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être écartées.

DECIDE :

Article 1er : Le département de Guyane versera à M. A...une indemnité de 7 000 euros.

Article 2 : Le département de la Guyane procèdera à la reconstitution de la carrière de M. A... jusqu'au 1er septembre 2013, date de la fin normale de son contrat.

Article 3 : Le département de la Guyane versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A..., et les conclusions du département de la Guyane tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le jugement n° 1300382 du tribunal administratif de Cayenne du 23 janvier 2014 est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

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N° 14BX00814


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX00814
Date de la décision : 12/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-10-06-02 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Licenciement. Auxiliaires, agents contractuels et temporaires.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Antoine BEC
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA
Avocat(s) : CABINET MPC AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-10-12;14bx00814 ?
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