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01/12/2015 | FRANCE | N°13BX03101

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 01 décembre 2015, 13BX03101


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...A...a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner solidairement le centre hospitalier de Lannemezan et son assureur, la société Aréas Dommages, à réparer les conséquences dommageables de l'infection nosocomiale qu'elle a contractée en février 2002.

Par un jugement n° 1200310 du 19 septembre 2013, le tribunal administratif de Pau a condamné solidairement le centre hospitalier et la société d'assurance Aréas Dommages à payer à Mme A...une indemnité de 25 000 euros, a mis à l

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...A...a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner solidairement le centre hospitalier de Lannemezan et son assureur, la société Aréas Dommages, à réparer les conséquences dommageables de l'infection nosocomiale qu'elle a contractée en février 2002.

Par un jugement n° 1200310 du 19 septembre 2013, le tribunal administratif de Pau a condamné solidairement le centre hospitalier et la société d'assurance Aréas Dommages à payer à Mme A...une indemnité de 25 000 euros, a mis à leur charge les frais de l'expertise ordonnée en référé et la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 19 novembre 2013 et 1er septembre 2014, MmeA..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du 19 septembre 2013 et de porter à 381 064 euros l'indemnité allouée ;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier et de la société Aréas Dommages, d'une part, les dépens de l'instance, d'autre part, la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) subsidiairement, d'ordonner une expertise complémentaire.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau,

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public,

- les observations de MeC..., représentant Mme D...A...,

- les observations de MeB..., représentant le centre hospitalier de Lannemezan et la société Aréas Dommages.

Considérant ce qui suit :

1. Victime d'une grave fracture complexe du tibia survenue lors d'un accident du travail, MmeA..., alors âgée de trente-huit ans, a subi, le 19 février 2002 une ostéosynthèse au sein du service d'orthopédie du centre hospitalier de Lannemezan. Elle a contracté une infection ayant nécessité la prolongation de son hospitalisation, une nouvelle intervention chirurgicale en avril 2002 et une antibiothérapie jusqu'au 23 décembre suivant. Par un jugement du 19 septembre 2013, le tribunal administratif de Pau estimant que Mme A...avait contracté une infection nosocomiale engageant la responsabilité du centre hospitalier sur le fondement du deuxième alinéa du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique alors applicable, l'a solidairement condamné avec son assureur, la société Aréas Dommages, à payer à la victime, d'une part, une indemnité de 25 000 euros, d'autre part, la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, a mis à leur charge les frais d'expertise puis a rejeté le surplus de la demande de MmeA.... Celle-ci relève appel du jugement et sollicite l'allocation d'un montant supplémentaire de 356 064 euros. Par la voie de l'appel incident, le centre hospitalier de Lannemezan et la société Aréas Dommages, qui ne contestent pas le caractère nosocomial de l'infection, demandent que l'indemnité mise à leur charge soit ramenée à 20 700 euros.

Sur les préjudices à caractère patrimonial :

2. Il est constant que les complications de l'infection nosocomiale survenue au centre hospitalier ont été jugulées le 23 décembre 2002. L'expert désigné par le juge des référés a relevé que l'incapacité permanente partielle résultant directement de l'infection n'avait, à elle seule, aucune incidence sur la vie quotidienne. MmeA..., qui souffre de douleurs lancinantes au genou gauche et de séquelles entravant l'accomplissement de nombreux gestes du quotidien, notamment la marche et la station debout, a été reconnue handicapée à 80 % par la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que le très grave traumatisme de l'extrémité supérieure du tibia dont elle a été victime n'aurait pas à lui seul entraîné pour elle la nécessité de se faire assister deux heures par jour par une tierce personne et d'adapter son véhicule avec une boite de vitesses automatique. Dans ces conditions, les frais exposés à cette fin ne peuvent être regardés, en tout ou partie, comme directement occasionnés par l'infection en cause.

3. En ce qui concerne l'incidence professionnelle du dommage, la requérante, qui a exercé les professions d'horticultrice et de serveuse, se borne à invoquer "une perte d'évolution professionnelle dans les activités relevant de ses compétences antérieures ainsi qu'une perte de chance professionnelle", en particulier la perte de chance d'occuper un emploi sédentaire, et la diminution, par voie de conséquence, de ses droits à pension. Toutefois, elle n'apporte aucun élément relatif à un projet professionnel que l'infection en cause aurait compromis. Ce préjudice purement éventuel ne saurait donc lui ouvrir droit à réparation.

4. Si MmeA..., qui admet que la pose d'une prothèse du genou n'est pas envisageable en l'état des données de la science, demande que les frais d'une future arthroplastie soient mis à la charge des défendeurs, ce poste de préjudice ne présente pas un caractère certain.

Sur les préjudices à caractère personnel :

Antérieurement à la consolidation :

5. Il est constant que l'infection nosocomiale a occasionné un déficit fonctionnel temporaire d'une durée de huit mois. Ce poste de préjudice justifie l'allocation d'une indemnité de 4 000 euros.

6. En allouant à Mme A...un montant de 5 000 euros, les premiers juges se sont livrés à une juste appréciation des souffrances qu'elle a endurées, évaluées par l'expert à 4 sur une échelle de 7.

Postérieurement à la consolidation :

7. En première instance, le tribunal administratif a estimé que Mme A...a été atteinte d'une incapacité temporaire totale de huit mois, en lien direct avec l'infection nosocomiale, ainsi que d'une incapacité permanente partielle de 10 % directement liée à l'infection contractée et lui ont accordé en réparation de ces chefs de préjudice la somme totale de 15 000 euros. Devant la cour, Mme A...demande que le taux d'incapacité permanente partielle retenu par les premiers juges soit porté à 20 %. Toutefois, les deux expertises ordonnées par la CRCI puis par le juge des référés du tribunal administratif de Pau ont conclu que Mme A...a été atteinte d'une incapacité permanente partielle de 10 % directement liée à l'infection contractée et ces conclusions rédigées par les deux experts après avoir analysé l'ensemble des pièces et des dires produits devant eux, ne sont pas sérieusement remises en cause par le seul rapport établi de façon non contradictoire le 18 février 2014 à la demande de la requérante et produit devant la juridiction. Par suite, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que le taux d'incapacité permanente partielle retenu par les premiers juges serait erroné et à demander d'augmenter le montant de l'indemnité qui lui allouée en première instance à ce titre.

8. En allouant à l'intéressée un montant de 3 000 euros en réparation de son préjudice esthétique, évalué à 3 sur une échelle de 7, les premiers juges se sont livrés à une appréciation qui n'est ni exagérée, ni insuffisante. Enfin, l'expert commis en référé a évalué à 1 sur 7 le préjudice d'agrément directement occasionné par l'infection nosocomiale. Il résulte de l'instruction que même en l'absence de cet épisode infectieux, l'état du genou de Mme A...aurait fait obstacle à la poursuite de certaines de ses activités telles le ski, le cyclisme et la danse et lui aurait seulement permis de pratiquer des activités de loisir définies par l'expert comme très sédentaires, comme la marche à pied sur un terrain non accidenté. En revanche, il n'est pas sérieusement contesté que l'infection litigieuse a directement occasionné l'interruption de cette dernière activité. Le tribunal a fait une juste appréciation insuffisante du préjudice d'agrément imputable à l'infection en l'estimant à 2 000 euros.

9. De tout ce qui précède, il résulte, sans qu'il y lieu d'ordonner l'expertise sollicitée, que l'indemnité que l'appel principal et l'appel incident doivent être rejetés.

Sur les dépens et les frais de procès non compris dans les dépens :

10. Dans les circonstances de l'espèce, les premiers juges n'ont pas fait une inexacte application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, en mettant à la charge définitive les frais de l'expertise ordonnée le 23 juillet 2009, liquidés et taxés à 800 euros.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de centre hospitalier de Lannemezan et la société Aréas Dommages au titre des frais exposés par Mme A...et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'affaire, de faire droit à leurs conclusions présentées sur le même fondement. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de la requérante la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article R. 761-1 du même code.

DECIDE

Article 1er : La requête de Mme A...et les conclusions du centre hospitalier de Lannemezan et de la société Aréas Dommages sont rejetées.

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N° 13BX03101


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 13BX03101
Date de la décision : 01/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé - Établissements publics d'hospitalisation - Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux - Existence d'une faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Préjudice.


Composition du Tribunal
Président : M. PEANO
Rapporteur ?: Mme Marie-Thérèse LACAU
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : CABINET FELLONNEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-12-01;13bx03101 ?
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