La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/03/2016 | FRANCE | N°14BX00118

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 01 mars 2016, 14BX00118


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Saica Natur Sud a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Etat à lui verser une somme de 108 357,60 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2009, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'obligation qui lui a été faite de procéder à l'enlèvement de 873 tonnes de pneumatiques usagés.

Par un jugement n° 1001306 du 14 novembre 2013, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure

devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 janvier 201...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Saica Natur Sud a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Etat à lui verser une somme de 108 357,60 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2009, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'obligation qui lui a été faite de procéder à l'enlèvement de 873 tonnes de pneumatiques usagés.

Par un jugement n° 1001306 du 14 novembre 2013, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 janvier 2014 et 23 décembre 2014, la société Saica Natur Sud, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 novembre 2013 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 108 357,60 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2009, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'obligation qui lui a été faite de procéder à l'enlèvement de 873 tonnes de pneumatiques usagés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

..........................................................................................................

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Béatrice Molina-Andréo,

- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la société Saica Natur Sud.

Une note en délibéré présentée pour la société Saica Natur Sud a été enregistrée le 29 janvier 2016.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 31 mai 2005 pris sur le fondement des dispositions de l'article L. 541-3 du code de l'environnement, le préfet de Tarn-et-Garonne a mis en demeure la société Llau, devenue société Saica Natur Sud, d'assurer ou de faire assurer, dans un délai d'un mois, l'élimination de 873 tonnes de pneumatiques usagés stockés sur un dépôt situé sur la commune de Campsas. Par un jugement du 31 mars 2009, devenu définitif, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté au motif tiré, en l'absence de carence établie ou alléguée du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police, de l'incompétence de son auteur. La société Saica Natur Sud interjette appel du jugement du 14 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 108 357,60 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'obligation qui lui a été faite de procéder à l'enlèvement des pneumatiques usagés.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des pièces du dossier que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments avancés par les parties, ont suffisamment répondu aux moyens tirés par la société Saica Natur Sud de l'existence d'un droit à indemnité résultant de l'illégalité de l'arrêté du 31 mai 2005, ainsi que de l'erreur de fait dans l'évaluation du tonnage des pneumatiques usagés dont l'évacuation a été mise à la charge de l'intéressée. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué ne serait pas suffisamment motivé sur ces points.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Il ressort du jugement attaqué que pour écarter le droit à indemnité de la société Saica Natur Sud résultant de l'incompétence qu'avait le préfet de Tarn-et-Garonne à la mettre en demeure d'assurer ou de faire assurer l'élimination des pneumatiques usagés stockés sur un dépôt situé sur la commune de Campsas, le tribunal a estimé que " si le préfet [...] n'était pas compétent pour mettre en demeure la société Llau de procéder à l'enlèvement de pneumatiques usagés stockés sur le terrain de la société Acotra, l'irrégularité ainsi commise n'est pas de nature à justifier l'allocation d'une indemnité au profit de la société Saica Natur Sud dès lors que la même décision aurait pu être prise légalement par l'autorité compétente ". Toutefois, la circonstance qu'une autre autorité, en l'occurrence le maire de Campsas, aurait été compétente, en vertu des articles L. 541-1 et suivants du code de l'environnement, pour édicter une mesure de portée équivalente à celle que le préfet avait prise n'était pas de nature, compte tenu du caractère hypothétique d'une telle prise de décision, à faire échec à la responsabilité de l'Etat en raison de l'illégalité fautive d'une mesure prise au nom du préfet. Il suit de là que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur un tel motif pour rejeter les conclusions indemnitaires présentées par la société Saica Natur Sud.

4. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les conclusions indemnitaires présentées par la société Saica Natur Sud, tant devant le tribunal que devant la cour.

Sur le bien-fondé de la demande indemnitaire de la société Saica Natur Sud :

5. La société Saica Natur Sud demande la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 108 357,60 euros à raison du préjudice financier qu'elle estime avoir subi pour l'enlèvement des pneumatiques usagés auquel elle a été mise en demeure de procéder par l'arrêté susmentionné du préfet de Tarn-et-Garonne du 31 mai 2005, annulé par jugement devenu définitif du tribunal administratif de Toulouse du 31 mars 2009.

6. Si l'intervention d'une décision illégale peut constituer une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat, elle ne saurait donner lieu à réparation, si, dans le cadre d'une procédure régulière, la même décision aurait pu légalement être prise.

7. Aux termes de l'article L. 541-2 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable à la date de la mise en demeure contestée : " Toute personne qui produit ou détient des déchets dans des conditions de nature à produire des effets nocifs sur le sol, la flore et la faune, à dégrader les sites ou les paysages, à polluer l'air ou les eaux, à engendrer des bruits et des odeurs et, d'une façon générale, à porter atteinte à la santé de l'homme et à l'environnement, est tenue d'en assurer ou d'en faire assurer l'élimination conformément aux dispositions du présent chapitre, dans des conditions propres à éviter lesdits effets. / L'élimination des déchets comporte les opérations de collecte, transport, stockage, tri et traitement nécessaires à la récupération des éléments et matériaux réutilisables ou de l'énergie, ainsi qu'au dépôt ou au rejet dans le milieu naturel de tous autres produits dans des conditions propres à éviter les nuisances mentionnées à l'alinéa précédent. ". Aux termes de l'article L. 541-3 du même code : " En cas de pollution des sols, de risque de pollution des sols, ou au cas où des déchets sont abandonnés, déposés ou traités contrairement aux prescriptions du présent chapitre et des règlements pris pour leur application, l'autorité titulaire du pouvoir de police peut, après mise en demeure, assurer d'office l'exécution des travaux nécessaires aux frais du responsable. (...) ". Il résulte des articles L. 541-1 et suivants du code de l'environnement que le producteur ou autre détenteur des déchets a la responsabilité de leur élimination. La seule circonstance qu'il ait passé un contrat en vue d'assurer celle-ci ne l'exonère pas de ses obligations légales auxquelles il ne peut être regardé comme ayant satisfait qu'au terme de l'élimination des déchets. La responsabilité du propriétaire du terrain sur lequel les déchets ont été entreposés ne peut être recherchée qu'en l'absence du producteur ou détenteur des déchets.

8. La société Saica Natur Sud fait état de ce qu'elle récupère des pneumatiques usagés auprès de clients, les regroupe sur son site, avant de les transporter vers une filière spécialisée d'élimination, correspondant de 1996 à 2002 à la société Acotra. En récupérant auprès de ses clients les pneumatiques usagés et en les stockant, même temporairement, dans son centre de tri situé en Ariège autorisé par arrêté préfectoral du 1er mars 2002 sur lequel étaient notamment stockées des " matières plastiques, caoutchouc, élastomères, etc ", la société requérante, qui avait ainsi dans sa propre entreprise de stockage des pneumatiques usagés en raison de ses activités professionnelles, est devenue détentrice des déchets litigieux. Dans ces conditions, elle ne saurait se prévaloir de ce qu'elle aurait en réalité la qualité de simple collecteur de pneumatiques usagés, pour l'exercice de laquelle elle ne justifie, au demeurant, d'aucun agrément. Enfin, la société Saica Natur Sud ne saurait pas davantage faire valoir qu'elle aurait perdu la qualité de détentrice des déchets du seul fait que, ayant conclu un contrat avec la société Acotra en vue de l'élimination de pneumatiques en cause, ces derniers avaient été livrés à cette société. Dès lors qu'il est constant que ces pneus n'ont pas effectivement été éliminés, la société Saica Natur Sud ne peut être regardée comme ayant satisfait à ses obligations légales. Par suite, l'arrêté contesté la mettant en demeure d'assurer ou de faire assurer l'élimination desdits pneumatiques était justifié au fond.

9. La requérante, qui est demeurée détentrice des stocks de pneus usagés dont elle avait confiés l'élimination à la société Acotra, ne peut pertinemment soutenir qu'aurait dû être recherchée la responsabilité du propriétaire du terrain sur lequel la société Acotra stockait les pneus en vue de l'exercice de son activité.

10. Pour mettre en demeure la société Saica Natur Sud d'assurer ou de faire assurer l'élimination de 873 tonnes de pneumatiques usagés, le préfet de Tarn-et-Garonne s'est fondé sur les conclusions du rapport de l'inspecteur des installations classées daté du 15 février 2005. Il ressort des pièces du dossier que l'inspecteur a évalué la part imputable à chaque entreprise ayant eu recours aux services de la société Acotra, mise en liquidation judiciaire, à partir des relevés des apports de pneumatiques sur le site par chacune desdites entreprises, qu'il a mis en rapport avec la quantité totale de 18 000 tonnes restant présente sur ledit site. Si la société Saica Natur Sud produit un document intitulé " Factures Acotra ", dont il ressortirait qu'elle n'a déposé sur le site en cause qu'un tonnage de 603 tonnes, cette pièce, non comptable, qui n'est assortie d'aucun élément justificatif, n'a pas de valeur probante. Dès lors, la société requérante n'établit pas que la méthode utilisée compte tenu des éléments disponibles par l'inspecteur des installations classées, corroborée par les analyses du mandataire judiciaire de la liquidation de la société Acotra, n'aurait pas été à même de permettre une évaluation correcte des quantités de pneus stockés sur le site de la société Acotra pouvant lui être attribuées. Par suite, le moyen tiré de ce que la mise en demeure contestée serait entachée d'une erreur de fait dans l'évaluation du tonnage des pneumatiques usagés dont l'élimination a été mise à sa charge doit être écarté.

11. Il résulte de ce qui précède que, dans le cadre d'une procédure régulière, résultant de la constatation préalable de la carence du maire dans l'exercice des pouvoirs qui lui sont conférés au titre de la police des déchets, la même décision de mise en demeure de la société Saica Natur Sud aurait pu légalement être prise. Par suite, le préjudice financier que cette société aurait subi du fait de l'illégalité de l'arrêté préfectoral du 31 mai 2005 ne peut être regardé comme la conséquence du vice dont cet arrêté est entaché. Par suite, la société Saica Natur Sud n'est pas fondée à invoquer la responsabilité pour faute de l'Etat.

12. Devant la cour, la société Saica Natur Sud a, à titre subsidiaire, également fondé ses conclusions indemnitaires sur le terrain de la responsabilité sans faute, pour rupture d'égalité devant les charges publiques. Toutefois, l'obligation qui a été faite à la société requérante d'enlever les pneumatiques usagés dont elle était détentrice n'est pas constitutive d'une rupture d'égalité devant les charges publiques. Elle ne saurait, dès lors, obtenir réparation sur ce fondement.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la société Saica Natur Sud n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande indemnitaire.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Saica Natur Sud demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Saica Natur Sud est rejetée.

''

''

''

''

2

N° 14BX00118


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX00118
Date de la décision : 01/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

60-01-04-01 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Responsabilité et illégalité. Illégalité engageant la responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : M. LALAUZE
Rapporteur ?: Mme Béatrice MOLINA-ANDREO
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : BALTAZAR

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-03-01;14bx00118 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award