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26/04/2016 | FRANCE | N°14BX01610

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 26 avril 2016, 14BX01610


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...C...ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Etat à leur verser une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de ce que M. C...n'a pas été réintégré dans des fonctions de niveau comparable à celles qu'il a occupées en Algérie jusqu'au 5 mars 1963.

Par une ordonnance n° 1401482 du 28 avril 2014, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête en

registrée par télécopie le 28 mai 2014 et régularisée le 25 juin 2014 et par des mémoires enregistr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...C...ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Etat à leur verser une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de ce que M. C...n'a pas été réintégré dans des fonctions de niveau comparable à celles qu'il a occupées en Algérie jusqu'au 5 mars 1963.

Par une ordonnance n° 1401482 du 28 avril 2014, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée par télécopie le 28 mai 2014 et régularisée le 25 juin 2014 et par des mémoires enregistrés le 4 juillet 2014 et le 9 mars 2016, présentés par Me Mascaras, avocat, M. et MmeC..., demandent à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance n° 1401482 du 28 avril 2014 du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de condamner l'Etat à leur verser une indemnité de 755 000 euros.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son 1er protocole ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la loi n° 63-1241 du 19 décembre 1963 et notamment son article 66 ;

- la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 de finances pour 1998 ;

- la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale ;

- le décret n° 99-469 du 4 juin 1999 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bernard Leplat ;

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;

- et les observations de MeB..., représentant M. et MmeC....

Considérant ce qui suit :

1. M. C...a quitté, le 5 mars 1963, l'Algérie où il occupait les fonctions de directeur-adjoint de la Caisse de Mutualité Agricole à Bône. M. et Mme C...ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Etat à leur verser la somme de 755 000 euros en réparation des préjudices résultant de ce que, en application du II de l'article 66 de la loi n° 63-1241 du 19 décembre 1963, modifiant rétroactivement l'article 3 de l'ordonnance du 11 avril 1962, M. C...n'avait pas été réintégré dans des fonctions semblables à celles qu'il occupait en Algérie. M. et Mme C...relèvent appel de l'ordonnance n° 1401482 du 28 avril 2014 du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Toulouse, qui a rejeté leur demande.

2. M. et Mme C...soutiennent que la disposition du II de l'article 66 de la loi n°63-1241 du 19 décembre 1963, modifiant rétroactivement l'article 3 de l'ordonnance du 11 avril 1962 relative aux conditions d'intégration dans les services publics métropolitains des fonctionnaires et agents des services publics algériens et sahariens, est contraire au principe constitutionnel de sécurité juridique. Ils n'ont pas invoqué la méconnaissance de ce principe dans leur mémoire distinct tendant à la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité et qui a fait l'objet de l'ordonnance du 9 septembre 2014 visée ci-dessus. Par suite et en l'absence de tout nouveau mémoire ayant cet objet, ils ne peuvent plus utilement se prévaloir de cette éventuelle inconstitutionnalité de la loi.

3. Le principe de confiance légitime, qui fait partie des principes généraux du droit de l'Union européenne, peut être invoqué par toute personne auprès de laquelle une autorité nationale a fait naître, à l'occasion de la mise en oeuvre du droit de l'Union, des espérances fondées. En admettant que M. C...pourrait se prévaloir d'une espérance fondée d'être réintégré dans des fonctions semblables à celles qu'il occupait en Algérie, cette espérance ne serait pas née de la mise en oeuvre du droit de l'Union européenne par les autorités nationales. M. et Mme C...ne sauraient donc pas invoquer le principe de confiance légitime à l'encontre du II de l'article 66 de la loi n°63-1241 du 19 décembre 1963.

4. La responsabilité de l'Etat du fait des lois est susceptible d'être engagée, sur le fondement de l'égalité des citoyens devant les charges publiques, pour assurer la réparation de préjudices nés de l'adoption d'une loi, à la condition que cette loi n'ait pas exclu toute indemnisation et que le préjudice dont il est demandé réparation, revêtant un caractère grave et spécial, ne puisse, dès lors, être regardé comme une charge incombant normalement aux intéressés. Le silence de la loi ne saurait être interprété comme excluant, par principe, tout droit à réparation des préjudices que son application peut provoquer. Toutefois, l'application du II de l'article 66 de la loi n°63-1241 du 19 décembre 1963 a eu pour effet de priver de la possibilité d'être réintégrés dans des établissements publics, des sociétés ou des organismes métropolitains dans des fonctions semblables à celles qu'ils occupaient en Algérie tous les fonctionnaires et agents des services publics algériens et sahariens qui n'avaient pas été en service à temps complet dans certaines sociétés et organismes algériens. Ainsi, le préjudice subi par M.C..., même si celui-ci est sans doute, comme le soutiennent M. et MmeC..., un des derniers anciens agents de la caisse mutuelle d'assurances sociales d'Algérie encore en vie à avoir pâti de cette application, ne présente pas un caractère spécial. Dans ces conditions, M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que la responsabilité de l'Etat du fait des lois est engagée en raison du préjudice invoqué et résultant de l'application du II de l'article 66 de la loi n°63-1241 du 19 décembre 1963.

5. M. et Mme C...soutiennent que le refus de réintégrer M. C...dans des fonctions semblables à celles qu'il occupait en Algérie résulte de la mise en oeuvre d'une disposition législative incompatible avec l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui garantit à toute personne physique ou morale le droit au respect des biens. Les rémunérations qu'étaient susceptibles de recevoir les fonctionnaires et agents des services publics algériens et sahariens après avoir été réintégrés, comme ils pouvaient l'être en principe, dans les services publics métropolitains dans des fonctions semblables à celles qu'ils occupaient en Algérie, constituent un bien au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, en excluant de la possibilité de bénéficier d'une telle réintégration les fonctionnaires et agents des services publics algériens et sahariens qui n'avaient pas été en service à temps complet dans certaines sociétés et organismes algériens, le II de l'article 66 de la loi n°63-1241 du 19 décembre 1963 a ménagé un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de la protection des droits fondamentaux de l'individu. Il suit de là que M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que le II de l'article 66 de la loi du 19 décembre 1963 est incompatible avec l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. Il résulte des termes mêmes de l'article 3 de l'ordonnance du 11 avril 1962 relative aux conditions d'intégration dans les services publics métropolitains des fonctionnaires et agents des services publics algériens et sahariens, tel qu'il a été rétroactivement modifié par la disposition, qui n'est contraire ni à la Constitution ni aux engagements internationaux de la France invoqués, du II de l'article 66 de la loi n°63-1241 du 19 décembre 1963, que seuls les agents permanents français qui étaient en service à temps complet dans l'une des sociétés ou l'un des organismes ou établissements d'Algérie énumérés par cette disposition, pouvaient bénéficier d'une intégration dans les établissements publics, les sociétés et les organismes métropolitains exerçant une activité analogue. M. C...ne peut être regardé comme ayant été en service à temps complet dans les fonctions de directeur adjoint de la caisse régionale mutuelle d'assurances sociales agricoles de Bône, alors qu'il est constant qu'il était par ailleurs employé de façon permanente dans un autre organisme ne faisant pas partie des organismes énumérés par la disposition législative ci-dessus rappelée.

7. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C...ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par son ordonnance du 28 avril 2014, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'indemnité doivent être rejetées.

DECIDE

Article 1er : La requête de M. et Mme C...est rejetée.

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No 14BX01610


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX01610
Date de la décision : 26/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

46-07 Outre-mer. Aides aux rapatriés d'outre-mer.


Composition du Tribunal
Président : M. PEANO
Rapporteur ?: M. Bernard LEPLAT
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : CABINET LAURENT MASCARAS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-04-26;14bx01610 ?
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