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20/06/2016 | FRANCE | N°14BX02280

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 20 juin 2016, 14BX02280


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Cayenne d'annuler la décision implicite de rejet du maire de la commune de Maripasoula rejetant sa demande d'indemnisation pour préjudice moral, de condamner la dite commune à lui verser une somme de 30 000 euros au titre du dit préjudice et de condamner la même commune à lui verser une somme de 1815,3 euros à raison des traitements non versés, toutes sommes avec intérêt de droit à compter de la date de la présente requête et capitalisation des intér

êts.

Par un jugement n° 1300341 du 26 décembre 2013, le tribunal administrat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Cayenne d'annuler la décision implicite de rejet du maire de la commune de Maripasoula rejetant sa demande d'indemnisation pour préjudice moral, de condamner la dite commune à lui verser une somme de 30 000 euros au titre du dit préjudice et de condamner la même commune à lui verser une somme de 1815,3 euros à raison des traitements non versés, toutes sommes avec intérêt de droit à compter de la date de la présente requête et capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1300341 du 26 décembre 2013, le tribunal administratif de Cayenne a rejeté la demande présentée par MmeB....

Procédure devant la cour :

Par une décision n° 376271 du 15 juillet 2014, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a attribué à la cour administrative d'appel de Bordeaux le jugement de la requête de MmeB....

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 11 mars, 11 juin et 23 octobre 2014, MmeB..., représentée par la SCP Rousseau-Tapie, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Cayenne du 26 décembre 2013 ;

2°) de condamner la commune de Maripasoula à lui verser la somme de 30 000 euros au titre du harcèlement moral qu'elle a subi et de 1 815,30 euros à raison des traitements non versés et d'assortir ces sommes des intérêts au taux légal ainsi que de la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Maripasoula la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 50-407 du 3 avril 1950 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,

- et les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A...B..., rédacteur territorial, a été nommée, par arrêté du 20 août 2010 du maire de la commune de Maripasoula (Guyane), par voie de mutation, responsable des finances et du personnel au sein des services de cette commune. Elle exercera ces fonctions jusqu'à son détachement auprès du service administratif et technique de la police nationale de Guyane à compter du 18 juin 2012. Elle fait appel du jugement du tribunal administratif de Cayenne du 26 décembre 2013, qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Maripasoula à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice subi en raison du harcèlement moral dont elle aurait été victime et la somme de 1 815, 30 euros en raison des rémunérations non versées pendant ses congés-maladie, en réitérant les mêmes prétentions indemnitaires.

En ce qui concerne le harcèlement moral :

2. Aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) ".

3. D'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. D'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.

4. Mme B...fait valoir qu'elle a été victime de critiques infondées et humiliantes et d'une attitude agressive de la part de la directrice générale des services, que celle-ci a peu à peu réduit ses attributions, qu'elle a alors été privée de tout moyen de travail et a été isolée d'un point de vue relationnel, si bien que son état de santé s'est fortement dégradé et qu'elle a, pour ces raisons, sollicité sa mutation. Il résulte certes de l'instruction que les relations entre la directrice générale des services et la requérante ont été affectées de tensions et de désaccords quant à l'étendue respective de leurs champs de compétences respectifs. Il en résulte également que, contrairement à ce que prétend MmeB..., le maire est intervenu à plusieurs reprises pour apporter la cohérence nécessaire à la définition des champs de compétence respectifs de ces deux fonctionnaires. Cependant, Mme B...se borne à produire quelques courriers ou courriels que lui a adressés la directrice général des services lesquels, s'ils revêtent parfois un caractère quelque peu acrimonieux, ne peuvent être regardés, à eux seuls, comme constitutifs d'un harcèlement moral. Par ailleurs, si Mme B...soutient avoir été " placardisée " dans la mesure où elle se serait vue affecter uniquement des tâches d'archivage ou des dossiers déjà traités, elle ne l'établit pas. Si elle allègue également avoir été privée de moyens matériels, les trois photographies de locaux de bureau produites en première instance ne l'établissent pas, alors que la commune faisait valoir, sans être valablement contredite y compris en appel, d'une part que, le 23 avril 2012, lors du retour de Mme B...d'une formation professionnelle en Martinique, à laquelle elle avait participé sans l'accord de la commune, elle s'est retrouvée sans poste informatique en raison de la panne de l'ordinateur fixe et de l'utilisation de l'ordinateur portable par le directeur qui l'avait emporté en déplacement et d'autre part, que les changements constatés par l'intéressée lors de l'un de ses retours de congé-maladie étaient dûs à une réorganisation des services en son absence. Enfin, si Mme B...produit plusieurs arrêts de travail faisant état d'une " souffrance au travail ", cette mention ne fait que traduire son ressenti.

5. Il résulte de ce qui précède que Mme B...ne peut être regardée, en raison des faits qu'elle invoque, comme ayant été victime, de la part de son autorité hiérarchique, d'agissements répétés pouvant être qualifiés de harcèlement moral au sens des dispositions précitées l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions indemnitaires présentées à ce titre.

En ce qui concerne les rémunérations non versées :

6. Aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. S'y ajoutent les prestations familiales obligatoires. / Le montant du traitement est fixé en fonction du grade de l'agent et de l'échelon auquel il est parvenu ou de l'emploi auquel il a été nommé. (...) ". Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence ". Aux termes du premier alinéa de l'article 88 de la loi du

26 janvier 1984 de la même loi : " L'assemblée délibérante de chaque collectivité territoriale ou le conseil d'administration d'un établissement public fixe, par ailleurs, les régimes indemnitaires dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'État. ". Aux termes de l'article 1er du décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 : " Le régime indemnitaire fixé par les assemblées délibérantes des collectivités territoriales et les conseils d'administration des établissements publics locaux pour les différentes catégories de fonctionnaires territoriaux ne doit pas être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'État exerçant des fonctions équivalentes. (...) ".

7. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'un fonctionnaire en congé de longue maladie ou de longue durée conserve, outre son traitement ou son demi-traitement, l'indemnité de résidence et le supplément familial de traitement, le bénéfice de la totalité ou de la moitié des indemnités accessoires qu'il recevait avant sa mise en congé, à l'exclusion de celles qui sont attachées à l'exercice des fonctions ou qui ont le caractère de remboursement de frais. Il doit en aller de même en ce qui concerne les congés de maladie ordinaires. Cependant, les avantages institués par l'article 3 de la loi du 3 avril 1950, qui sont liés au séjour de l'agent dans un département d'outre-mer, présentent le caractère d'une indemnité attachée à l'exercice des fonctions. Ces dispositions font obstacle à ce que les fonctionnaires en service dans les départements d'outre-mer puissent se prévaloir, pendant un congé de maladie ordinaire, un congé de longue maladie ou un congé de longue durée, d'un droit au maintien de la majoration de traitement dont ils bénéficiaient avant leur congé en vertu de ces dispositions.

8. En appel, Mme B...se borne à demander à la cour de " régulariser ses traitements à la somme de 1 815,30 euros " et à faire valoir que seule une délibération de la commune pouvait permettre la " suspension de la majoration " de traitement dont elle bénéficiait, sans étayer autrement son moyen et en particulier, sans expliquer comment elle a établi le montant réclamé. Cependant, à supposer qu'elle ait ainsi entendu contester, à l'aide des bulletins de paie qu'elle avait produit en première instance, son passage à demi-traitement à partir du mois de mai 2012, il résulte des dispositions précitées de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 qu'en cas de maladie, le fonctionnaire territorial ne conserve l'intégralité de son traitement que pendant une période de trois mois. A supposer qu'elle ait entendu contester la baisse de sa " majoration de traitement DOM TOM " à compter du mois de février 2012, il résulte de ce qui vient d'être dit au point ci-dessus, et les fonctionnaires territoriaux ne pouvant bénéficier d'un régime indemnitaire plus favorable que les fonctionnaires de l'Etat exerçant des fonctions équivalentes, qu'il s'agit là d'une indemnité attachée à l'exercice des fonctions, c'est-à-dire d'un service effectif. En tout état de cause, il résulte des bulletins de paie en cause que Mme B...a toujours continué à toucher, même partiellement cette indemnité, laquelle n'a ainsi jamais été " suspendue " comme elle le prétend. Dans ces conditions et faute de précisions suffisantes, le moyen tendant à ce qu'il soit alloué à Mme B... une somme de 1 815,30 euros correspondant à son préjudice financier ne peut être accueilli.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions indemnitaires.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Maripasoula, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme B...sur ce fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

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N° 14BX02280


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX02280
Date de la décision : 20/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Statut général des fonctionnaires de l'État et des collectivités locales - Droits et obligations des fonctionnaires (loi du 13 juillet 1983).

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération - Traitement.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA
Avocat(s) : SCP BLANC ROUSSEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-06-20;14bx02280 ?
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