La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/07/2016 | FRANCE | N°15BX03179

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 07 juillet 2016, 15BX03179


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association France Nature Environnement, la Fédération des sociétés pour l'étude, la protection et l'aménagement de la nature dans le sud-ouest, section Gironde (SEPANSO Gironde) et la Ligue pour la protection des oiseaux, délégation Aquitaine (LPO Aquitaine) ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde en date du 30 août 2013 portant dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées et de leurs habitats dans le cadre de l'aménagemen

t de la déviation d'un tronçon de la route départementale n° 1215, dite déviation...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association France Nature Environnement, la Fédération des sociétés pour l'étude, la protection et l'aménagement de la nature dans le sud-ouest, section Gironde (SEPANSO Gironde) et la Ligue pour la protection des oiseaux, délégation Aquitaine (LPO Aquitaine) ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde en date du 30 août 2013 portant dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées et de leurs habitats dans le cadre de l'aménagement de la déviation d'un tronçon de la route départementale n° 1215, dite déviation du Taillan, sur le territoire des communes du Taillan-Médoc, de Saint-Aubin-de-Médoc, du Pian-Médoc et d'Arsac.

Par un jugement n° 1304140 du 30 juillet 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté attaqué en tant seulement que le préfet de la Gironde a estimé que le tracé de la déviation routière du Taillan-Médoc n'avait aucun impact direct sur l'azuré de la sanguisorbe et son habitat.

Procédures devant la cour :

I - Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés sous le n° 15BX03179 les 29 septembre 2015 et 27 mai 2016, le département de la Gironde, représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 30 juillet 2015 du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il a partiellement annulé l'arrêté du préfet de la Gironde du 30 août 2013 ;

2°) de rejeter la demande présentée par l'association France Nature Environnement, la SEPANSO Gironde et la LPO Aquitaine devant le tribunal administratif de Bordeaux ;

3°) de mettre à la charge de l'association France Nature Environnement, de la SEPANSO Gironde et de la LPO Aquitaine une somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

..........................................................................................................

II - Par un recours et des mémoires complémentaires, enregistrés les 30 septembre 2015 12 octobre 2015 et 30 mai 2016, sous le n° 15BX03188, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement susmentionné du 30 juillet 2015 du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il a partiellement annulé l'arrêté du préfet de la Gironde du 30 août 2013 ;

2°) de rejeter la demande présentée par l'association France Nature Environnement, la SEPANSO Gironde et la LPO Aquitaine devant le tribunal administratif de Bordeaux.

..........................................................................................................

Vu :

- les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe, signée à Berne le 19 septembre 1979 ;

- la directive n° 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels de la faune et de la flore sauvage ;

- le code de l'environnement ;

- l'arrêté du 23 avril 2007 fixant les listes des insectes protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Béatrice Molina-Andréo,

- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant le département de la Gironde, et de MeA..., représentant la SEPANSO Gironde, l'association France Nature Environnement et la ligue pour la protection des oiseaux délégation Aquitaine.

Une note en délibéré présentée pour le département de la Gironde a été enregistrée le 29 juin 2016.

Considérant ce qui suit :

1. Par décret du 13 juillet 2005, les travaux relatifs à l'aménagement de la déviation d'un tronçon de la route départementale n° 1215, dite déviation du Taillan, sur le territoire des communes du Taillan-Médoc, de Saint-Aubin-de-Médoc, du Pian-Médoc et d'Arsac ont été déclarés d'utilité publique. Les 9 janvier et 28 décembre 2012, le conseil général de la Gironde, en sa qualité de maître d'ouvrage du projet, a déposé une demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées et de leurs habitats au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement. Par un arrêté du 30 août 2013, le préfet de la Gironde a accordé la dérogation sollicitée en l'assortissant de prescriptions. L'association France Nature Environnement, la Fédération des sociétés pour l'étude, la protection et l'aménagement de la nature dans le sud-ouest, section Gironde (SEPANSO Gironde) et la Ligue pour la protection des oiseaux, délégation Aquitaine (LPO Aquitaine) ont alors saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Le département de la Gironde, sous la requête 15BX03179, et le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, sous le recours 15BX03188, interjettent appel du jugement du 30 juillet 2015 en tant que le tribunal administratif de Bordeaux a partiellement fait droit à la demande, en annulant l'arrêté contesté en tant que le préfet de la Gironde avait estimé que le tracé de la déviation routière du Taillan-Médoc n'avait aucun impact direct sur l'azuré de la sanguisorbe et son habitat . Ces requête et recours étant dirigés contre le même jugement et présentant à juger les mêmes questions, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement :

2. Alors qu'ils n'étaient tenus ni de viser, ni de répondre à tous les arguments développés par l'association France Nature Environnement, la SEPANSO Gironde et la LPO Aquitaine, les premiers juges ont répondu de façon suffisamment motivée à l'ensemble des moyens soulevés par les requérants. Par suite, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait à ce titre irrégulier.

Sur la légalité de l'arrêté du préfet de la Gironde du 30 août 2013 en tant qu'il concerne l'azuré de la sanguisorbe :

3. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté : " I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier ou que les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : / 1° La destruction ou l'enlèvement des oeufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; /2° La destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel ; /3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces ; / (...). ". Aux termes de l'article L. 411-2 du même code : " Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : / (...) 4° La délivrance de dérogation aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : / (...) c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; / (...). ".

4. Par l'arrêté contesté du 30 août 2013, le préfet de la Gironde a accordé une dérogation au titre de l'article L. 411-2 précité du code de l'environnement pour deux espèces de papillons, neuf espèces d'amphibiens, sept espèces de reptiles, trente-six espèces d'oiseaux et vingt et une espèces de mammifères dont dix-neuf de chiroptères. S'agissant de l'azuré de la sanguisorbe, papillon protégé tant au niveau national par l'arrêté susvisé du 23 avril 2007 qu'au niveau européen par son inscription aux annexes II et IV de la Directive " Habitats-Faune-Flore " 92/43/CEE et à l'annexe II de la Convention de Berne du 19 septembre 1979, le préfet a toutefois estimé " que le tracé de la déviation routière tel que présenté dans le dossier de demande de dérogation déposé le 28 décembre 2012 constitue, au sein de la déclaration d'utilité publique, l'alternative la plus satisfaisante dans la mesure où elle évite, en particulier, tout impact direct sur l'unique station girondine connue d'azuré de la sanguisorbe", de sorte qu'une dérogation au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement n'était pas nécessaire pour l'espèce en cause. A ce titre, l'arrêté contesté ne prend en compte l'azuré de la sanguisorbe qu'en son article 6 " Mesures d'évitement " compris dans une section relative aux prescriptions spécifiques à la phase chantier, ainsi qu'en son article 19 " Arrêté préfectoral de protection de biotope " compris dans une section relative aux mesures d'accompagnement. L'article 6 susmentionné prévoit que " au droit de la station d'azuré de la sanguisorbe : 1/ l'axe de la route est décalé sur l'extrême est de la bande déclarée d'utilité publique. / 2/ le profil type de la déviation sera réduit à 25 mètres, en supprimant les voies de désenclavement et en adaptant le système de récupération des eaux de chaussée par la mise en place de caniveaux à fente (...). / En outre, les bassins de rétention des eaux au sud-est et à l'est seront déplacés vers le nord afin d'éviter (...) le micro-habitat d'azuré de la sanguisorbe le plus à l'est ". L'article 19 susmentionné prévoit, quant à lui, que " La station d'azuré de la sanguisorbe, évitée par le projet, fait l'objet de la mise en place d'un arrêté préfectoral de protection de biotope (site de Lesqueblanque - commune du Taillan-Médoc) " d'une superficie de 27,7 hectares.

5. Il ressort des pièces du dossier que le projet de tracé de la déviation routière du Taillan-Médoc, qui traverse la seule station connue en Gironde et une des deux seules d'Aquitaine du papillon azuré de la sanguisorbe, conduit à une destruction partielle de l'habitat naturel de ce papillon, en très mauvais état de conservation au niveau national et faisant l'objet d'un plan national d'action. Il ressort de la carte d'observation de l'azuré de la sanguisorbe joint au dossier de demande de dérogation déposé par le département de la Gironde auprès de la préfecture, que des spécimens de ce papillon et des pontes ont été recensés à seulement quelques mètres à l'ouest de l'emprise du projet. Dans ces conditions, il n'est pas établi que les mesures prises consistant dans le déplacement du tracé à l'est du fuseau retenu dans le cadre de la déclaration d'utilité publique, la réduction de l'emprise du projet à vingt-cinq mètres de large et la création d'un linéaire d'arbres de haute tige et de haies de deux à trois mètres de large de part et d'autre de la route en vue d'éviter un risque de collision avec les véhicules, rendraient nul l'impact du projet sur l'azuré de la sanguisorbe et son habitat, quand bien même ce papillon aurait un faible rayon d'action et ne se déplacerait qu'à faible hauteur. D'ailleurs, même en prenant en compte les modifications apportées au projet, d'une part, le département de la Gironde a considéré, dans son rapport complémentaire à son dossier de demande de dérogation, que le projet avait toujours un impact résiduel faible sur l'azuré de la sanguisorbe, d'autre part, le Conseil national de protection de la nature, consulté en application des dispositions de l'article R. 133-1 du code de l'environnement, a, le 15 mai 2013, maintenu son avis défavorable sur le projet, faisant suite à un premier avis défavorable rendu le 12 mai 2012. Il suit de là que le préfet de la Gironde a commis une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 411-2 précité du code de l'environnement en estimant que le projet de tracé de la déviation routière du Taillan-Médoc n'avait " aucun impact direct " sur l'azuré de la sanguisorbe et en n'édictant pas, de ce fait, pour ce papillon une dérogation aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1 du code de l'environnement.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le département de la Gironde et le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 30 août 2013 en tant que le préfet de la Gironde avait estimé que le tracé de la déviation routière du Taillan-Médoc n'avait aucun impact direct sur l'azuré de la sanguisorbe et son habitat.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'association France Nature Environnement, de la SEPANSO Gironde et de la LPO Aquitaine, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont le département de la Gironde demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu de mettre à la charge du département de la Gironde et de l'Etat une somme globale de 2 000 euros à verser ensemble aux associations défenderesses sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du département de la Gironde et le recours du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sont rejetés.

Article 2 : Le département de la Gironde et l'Etat verseront ensemble à l'association France Nature Environnement, à la SEPANSO Gironde et à la LPO Aquitaine la somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

''

''

''

''

3

N°s 15BX03179, 15BX03188


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 15BX03179
Date de la décision : 07/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-045 Nature et environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. LALAUZE
Rapporteur ?: Mme Béatrice MOLINA-ANDREO
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : CABINET KPDB

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-07-07;15bx03179 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award