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12/07/2016 | FRANCE | N°14BX01721

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 12 juillet 2016, 14BX01721


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Basse-Terre de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Pointe-à-Pitre/Les Abymes à lui verser la somme globale de 66 947,06 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à raison des soins reçus dans cet établissement et notamment d'une intervention chirurgicale pratiquée le 10 octobre 2011.

Par un jugement n° 1301034 du 30 avril 2014, le tribunal administratif de Basse-Terre a condamné le CHU de Pointe-à-Pitre/Les

Abymes à verser à Mme A...la somme de 2 500 euros en réparation d'un défaut d'in...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Basse-Terre de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Pointe-à-Pitre/Les Abymes à lui verser la somme globale de 66 947,06 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à raison des soins reçus dans cet établissement et notamment d'une intervention chirurgicale pratiquée le 10 octobre 2011.

Par un jugement n° 1301034 du 30 avril 2014, le tribunal administratif de Basse-Terre a condamné le CHU de Pointe-à-Pitre/Les Abymes à verser à Mme A...la somme de 2 500 euros en réparation d'un défaut d'information postopératoire et a rejeté le surplus de ses demandes indemnitaires.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 juin 2014 et un mémoire en réplique enregistré le 14 avril 2015, MmeA..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Basse-Terre du 30 avril 2014 en ce qu'il n'a pas fait intégralement droit à sa demande d'indemnisation ;

2°) de condamner en conséquence le CHU de Pointe-à-Pitre à lui verser une indemnité de 66 947,06 euros ;

3°) subsidiairement, d'ordonner une expertise complémentaire ;

4°) de mettre à la charge du CHU de Pointe-à-Pitre la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code des assurances ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laurent Pouget,

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. MmeA..., alors âgée de 55 ans, a subi le 27 mars 2010 une opération chirurgicale d'enclouage tibial au centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre/Les Abymes, à la suite d'une chute ayant occasionné une fracture du tibia et du péroné de la jambe gauche. Elle a ensuite été de nouveau hospitalisée dans ce même établissement du 9 au 11 octobre 2011 afin qu'il soit procédé à l'ablation du matériel d'ostéosynthèse. Alors que le compte-rendu postopératoire de l'intervention menée le 10 octobre 2011 mentionnait une ablation complète de ce matériel, des radiographies réalisées quatre jours plus tard ont révélé que seules les vis de verrouillage avaient en réalité été ôtées, le clou centromédullaire étant demeuré en place. Il sera finalement retiré le 12 décembre 2012. MmeA..., après avoir en vain réclamé au centre hospitalier la réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à raison de fautes imputables à l'établissement, a saisi le tribunal administratif de Basse-Terre d'une demande tendant à la condamnation de celui-ci à lui verser une indemnité d'un montant total de 66 947,06 euros. Elle relève désormais appel du jugement du 14 avril 2014 par lequel le tribunal n'a fait droit à sa demande qu'à concurrence d'une somme de 2 500 euros. Par la voie de l'appel incident, le CHU de Pointe-à-Pitre demande qu'il soit enjoint à Mme A...de lui rembourser la provision d'un montant de 5 000 euros qu'il a été condamné à lui verser par une ordonnance du juge des référés du 15 octobre 2013.

2. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : "Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.".

3. Il résulte des termes dans lesquels est rédigé le rapport remis le 21 octobre 2012 par l'expert désigné par le président du tribunal administratif que ledit expert ne s'est pas borné à déterminer les responsabilités et préjudices consécutifs à l'intervention chirurgicale du 10 octobre 2011, mais s'est livré à une évaluation d'ensemble de l'état de santé de Mme A...tel qu'il résulte des conséquences de la double fracture du 26 mars 2010 et de tous les actes de soins consécutifs, à savoir l'opération d'enclouage du 27 mars 2010, une aponévrotomie de décharge pratiquée le 28 mars 2010 après la mise en évidence d'un syndrome des loges, la réalisation d'un pansement sous anesthésie générale le 31 mars 2010, la rééducation et le suivi médical durant plusieurs mois, enfin l'ablation du matériel réalisée le 10 octobre 2011 et ses suites.

4. L'expert relève ainsi que MmeA..., dont il fixe la date de consolidation au 14 juin 2011, a fait l'objet d'une incapacité temporaire de travail d'un mois en septembre 2010, qu'elle a subi un déficit fonctionnel permanent correspondant aux hospitalisations du 26 au 31 mars 2010 et du 9 au 11 octobre 2011 ainsi qu'un déficit fonctionnel temporaire de 50 % durant la phase de rééducation, et que son déficit fonctionnel permanent est de l'ordre de 9 %. Il évalue les souffrances endurées à 4 sur 7, le préjudice esthétique à 4 sur 7 avant consolidation et à 2 sur 7 après consolidation, et il retient un préjudice d'agrément tenant à l'impossibilité de pratiquer un sport, ainsi qu'un préjudice sexuel tenant à une gêne au niveau du genou. Pour autant, l'expert ne fait état, dans le processus médical antérieur à l'intervention du 10 octobre 2011, d'aucune erreur ni d'aucun manquement dans la prise en charge de la patiente et dans les soins prodigués de nature à caractériser une faute imputable au CHU de pointe-à-Pitre. MmeA..., qui n'évoque d'ailleurs elle-même aucune faute de l'établissement afférente aux soins pratiqués avant le 10 octobre 2011, n'est par suite pas fondée à rechercher la responsabilité du centre hospitalier à raisons des diverses séquelles énumérées par l'expert et rappelées ci-avant, qui ne sont que la conséquence normale de son accident et de ses suites médicales.

5. Le seul manquement que l'expert relève à l'encontre du CHU de Pointe-à-Pitre réside dans une prise en charge postopératoire non conforme aux bonnes pratiques médicales en ce que le chirurgien intervenu le 10 octobre 2011 a porté sur le compte-rendu de l'opération la mention erronée de l'ablation du clou, puis n'a pas informé la patiente de l'échec de cette ablation lorsque celui-ci a été constaté. Si ce manquement est en effet constitutif d'une faute, alors même que le chirurgien ne se serait pas aperçu immédiatement du caractère imparfait de l'opération, Mme A... ne fait toutefois état d'aucun préjudice résultant de ladite faute, dont elle serait fondée à demander réparation.

6. En revanche, contrairement à ce que soutient le CHU de Pointe-à Pitre, Mme A...doit être regardée comme cherchant à obtenir réparation des préjudices résultant pour elle des conséquences de l'échec même de l'ablation du clou le 10 octobre 2011. Or, alors même que l'expert n'a pas expressément qualifié de fautif cet échec, et sans qu'il soit besoin d'ordonner à cet égard une expertise complémentaire, il résulte de l'instruction que l'ablation incomplète du matériel d'ostéosynthèse soit est passée inaperçue du chirurgien soit, le centre hospitalier ne l'alléguant pas, n'était pas justifiée par une complexité particulière du geste chirurgical, et constitue ainsi dans les deux hypothèses une faute médicale imputable à l'établissement. Il résulte également de l'instruction qu'en conséquence de celle-ci, Mme A...a ressenti une gêne persistante au genou l'ayant conduite à passer le 17 novembre 2011 un examen radiographique qui lui a révélé la présence du clou centromédullaire et que, si elle a ensuite tardé à faire procéder à l'ablation définitive de ce clou, elle n'a pu se soustraire à une nouvelle intervention à cette fin, pratiquée le 21 décembre 2012, laquelle a nécessité deux jours d'hospitalisation puis douze séances de rééducation fonctionnelle. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation des préjudices de toute nature résultant pour Mme A... du défaut d'ablation du clou centromédullaire à l'occasion de l'intervention chirurgicale du 10 octobre 2011 en condamnant à ce titre le CHU de Pointe-à-Pitre à lui verser une indemnité d'un montant de 5 000 euros.

7. Enfin, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, la provision que l'établissement a été condamné à verser à Mme A...par l'ordonnance du juge des référés du 15 octobre 2013 doit s'imputer sur l'indemnité que le CHU de Pointe-à Pitre est condamné à lui verser, sans qu'il y ait lieu pour la cour d'ordonner à la requérante la restitution de cette provision.

8. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part que Mme A...est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif n'a pas fait droit jusqu'à concurrence de la somme de 5 000 euros à ses demandes indemnitaires et, d'autre part, que le CHU de Pointe-à-Pitre est seulement fondé à soutenir que cette somme ne devra être versée que sous réserve de la provision déjà payée à la requérante.

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge du CHU de Pointe-à-Pitre la somme dont Mme A...sollicite le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1er : Le CHU de Pointe-à-Pitre est condamné à verser à Mme A...une indemnité de 5 000 euros, sous réserve de la somme déjà payée à titre de provision.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Basse-Terre est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

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N° 14BX01721


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX01721
Date de la décision : 12/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux. Existence d'une faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public.


Composition du Tribunal
Président : M. PEANO
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : IBENE JULIEN-ESNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-07-12;14bx01721 ?
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