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12/07/2016 | FRANCE | N°16BX00302

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 12 juillet 2016, 16BX00302


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...A...a demandé au tribunal administratif de Saint-Martin d'annuler, d'une part, l'arrêté du 30 septembre 2014 par lequel la représentante de l'Etat à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, l'arrêté du même jour par lequel elle l'a assignée à résidence.

Par un jugement n° 1400092 du 3 décembre 2015, le tribunal administratif de Saint-Martin a rejeté sa demande

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Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 janvier 2016, complété...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...A...a demandé au tribunal administratif de Saint-Martin d'annuler, d'une part, l'arrêté du 30 septembre 2014 par lequel la représentante de l'Etat à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, l'arrêté du même jour par lequel elle l'a assignée à résidence.

Par un jugement n° 1400092 du 3 décembre 2015, le tribunal administratif de Saint-Martin a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 janvier 2016, complétée par des mémoires en réplique enregistrés les 7 avril 2016 et 13 mai 2016, Mme D...A..., représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Saint-Martin du 3 décembre 2015 ;

2°) d'annuler les arrêtés attaqués ;

3°) d'enjoindre à la représentante de l'Etat à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, les sommes de 2 500 euros et 3 500 euros au titre des frais exposés en première instance et en appel.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Sabrina Ladoire a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeA..., ressortissante chinoise, née le 27 janvier 1973, déclare être arrivée sur l'île de Saint-Martin dans le courant de l'année 2007. Le 3 avril 2007, elle a fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière, auquel elle n'a pas déféré. Entre 2007 et 2009, elle a vécu dans la partie hollandaise de l'île de Saint-Martin, sous couvert d'un titre de séjour régulièrement délivré par les autorités locales. Elle déclare avoir rejoint son compagnon dans la partie française de l'île au cours de l'année 2009. Le 12 novembre 2009, elle a de nouveau fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière, auquel elle n'a pas non plus déféré. Le 30 septembre 2014, elle a été interpelée par les services de la police aux frontières de Saint-Martin. Le même jour, la représentante de l'Etat à Saint-Barthélemy et Saint-Martin a, par un premier arrêté, prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un second arrêté du même jour, elle l'a assignée à résidence. Mme A...relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Saint-Martin a rejeté sa demande dirigée contre ces deux arrêtés.

Sur l'intervention volontaire de M. F...Lamet de son fils, I... FumLam, représenté par son père :

2. Est recevable à former une intervention, devant le juge du fond comme devant le juge de cassation, toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige.

3. En l'espèce, M. F...Lamet M. HaiFumLam, les compagnons et fils de MmeA..., justifient, eu égard à la nature et à l'objet du litige, d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien des conclusions de la requérante tendant à l'annulation de la mesure d'éloignement et de la décision d'assignation prises à son encontre. Leur intervention est par suite recevable.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

4. Aux termes de l'article 3, paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un arrêté préfectoral portant refus de titre de séjour, que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

5. En faisant valoir que la mesure contestée a pour effet de la séparer du père de son enfant et de séparer ainsi cet enfant de l'un de ses deux parents, la requérante doit être regardée comme invoquant les stipulations précitées. Il ressort des pièces du dossier que Mme A...est la mère d'un enfant, né le 18 mars 2010, reconnu à sa naissance par M.Lam, un ressortissant surinamien titulaire d'un certificat de résidence valable jusqu'en 2017. Si le préfet soutient que ce dernier aurait affirmé, au cours d'une audition à la préfecture en vue de la délivrance d'un document de circulation pour mineur, que Mme A...vivrait dans la partie hollandaise de l'île, séparée de leur enfant, cette allégation, d'une part, ne ressort d'aucune pièce du dossier et d'autre part, est démentie fermement par une attestation de l'intéressé lui-même, aux termes de laquelle Mme A...et lui vivraient bien en concubinage depuis 2009, soit depuis plus de cinq ans à la date de l'arrêté attaqué. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'attestation de leur bailleur, que Mme A...et M. Lampartagent le même logement depuis mars 2010, circonstance attestée par d'autres pièces versées au dossier, telles que des factures EDF et des ordonnances au nom de MmeA.... Il ressort enfin des pièces du dossier qu'ils participent tous deux à l'entretien et à l'éducation de leur enfant, scolarisé depuis 2012, ainsi qu'en atteste la directrice de l'école au sein de laquelle est inscrit leur fils. En outre, il est constant que M. Lamréside sur le territoire national depuis plus de quinze ans et qu'il y travaille régulièrement, en qualité de gérant-propriétaire d'une épicerie. Dans ces conditions, la mesure d'éloignement prise à l'encontre de Mme A...aurait pour effet de séparer son enfant de l'un de ses parents, à défaut pour la cellule familiale de pouvoir se reconstituer hors de France. Par suite, la mesure d'éloignement du 30 septembre 2014 porte atteinte à l'intérêt supérieur de cet enfant, en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3, paragraphe 1 de la convention internationale des droits de l'enfant et doit donc être annulée pour ce motif. Par voie de conséquence, la décision fixant le pays de renvoi et l'arrêté prononçant l'assignation à résidence de MmeA..., qui se trouvent privés de base légale, doivent également être annulés.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Martin a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".

8. Eu égard au motif de l'annulation ci-dessus prononcée, il y a lieu, sous réserve d'un changement dans la situation de droit ou de fait de MmeA..., d'enjoindre au représentant de l'Etat à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin de délivrer à l'intéressée une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement à MmeA..., de la somme globale de 2 000 euros au titre des frais exposés par cette dernière en première instance et en appel.

10. En tant qu'intervenants, MM. F...Lamet HaiFumLamqui ne sont pas parties au procès, ne peuvent bénéficier des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de M. F...Lamet de I... FumLamest admise.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Saint-Martin du 3 décembre 2015 et les arrêtés du 30 septembre 2014 sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au représentant de l'Etat à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin de délivrer à Mme A...un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à MmeA..., au titre des frais qu'elle a exposés en première instance et en appel, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A...et les conclusions de M. F...Lamet de I... FumLam, présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

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N° 16BX00302


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 16BX00302
Date de la décision : 12/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Sabrina LADOIRE
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : SELARL AMCOR JURISTES et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-07-12;16bx00302 ?
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