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10/10/2016 | FRANCE | N°15BX00043

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 10 octobre 2016, 15BX00043


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...épouse A...a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler la décision, en date du 4 mars 2013, par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande tendant au versement de la première fraction de l'indemnité d'éloignement prévue par le décret n° 96-1028 du 27 novembre 1996.

Par un jugement n° 1300232 du 18 septembre 2014, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoir

e, enregistrés le 8 janvier et le 18 octobre 2015, Mme C... épouseA..., représentée par MeD...,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...épouse A...a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler la décision, en date du 4 mars 2013, par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande tendant au versement de la première fraction de l'indemnité d'éloignement prévue par le décret n° 96-1028 du 27 novembre 1996.

Par un jugement n° 1300232 du 18 septembre 2014, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 janvier et le 18 octobre 2015, Mme C... épouseA..., représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Mayotte du 18 septembre 2014 ;

2°) d'annuler la décision, en date du 4 mars 2013, par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande tendant au versement de la première fraction de l'indemnité d'éloignement prévue par le décret n° 96-1028 du 27 novembre 1996 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté de mutation du 6 juillet 2012 au tribunal de grande instance de Mamoudzou, pris " dans l'intérêt du service " par le garde des sceaux a été pris, notamment au visa du décret n° 96-1028 du 26 novembre 1996 relatif à l'attribution de l'indemnité d'éloignement ; l'autorité administrative a ainsi entendu la soumettre au régime défini par ce texte ; il est de jurisprudence constante que le visa d'un texte dans une décision implique nécessairement que l'administration entend faire application dudit texte, puisque le visa participe à la motivation de l'acte administratif ;

- par l'arrêté du 6 juillet 2012, l'administration a pris le parti de la soumettre au régime des fonctionnaires dont le centre des intérêts matériels et moraux est situé hors de Mayotte ; elle ne pouvait retirer ledit arrêté que jusqu'au 6 novembre 2012 ;

- contrairement à ce que soutient l'administration, elle avait demandé son affectation en métropole où elle a ses enfants et petits enfants et où elle avait le choix de s'installer durablement ; l'administration ne peut s'opposer au versement de l'indemnité au seul motif qu'elle est née à Mayotte et que cela suffirait à justifier qu'elle y aurait le centre de ses intérêts matériels et moraux ;

- le centre des intérêts matériels et moraux doit être apprécié à la date à laquelle l'agent a été titularisé ; à la date de son affectation, le centre de ses intérêts matériels et moraux se situait à Brest et non à Mayotte ; en effet, à la date de sa mutation à Brest, ses quatre enfants vivaient soit à Nantes soit à Brest ; en fait elle a, dès 2008, transféré le centre de ses intérêts matériels et moraux en métropole, sa mutation ayant eu pour unique objet de se rapprocher de ses enfants et de les suivre dans leur scolarité ; elle est séparée de corps avec son mari ; aucun lien matériel n'a subsisté entre eux durant les quatre années qu'elle a passé à Brest ; le fait que son mari prenne sa retraite à Mayotte est donc sans incidence ; à compter du 1er septembre 2012, elle a à nouveau déplacé le centre de ses intérêts matériels et moraux, de Brest à Mayotte ; dans sa réponse du 4 mars 2013, l'administration a appréhendé son centre des intérêts matériels et moraux à la date de sa titularisation dans la fonction publique et non à la date de sa demande d'octroi de la prime d'éloignement, entachant ainsi d'illégalité cette décision ;

- en tout état de cause, la circulaire NOR RDFF 1421498C relative à la situation des agents originaires de Mayotte et/ou affectés à Mayotte règle les questions indemnitaires et de congé ; elle donne pleine signification à l'arrêt du Conseil d'Etat n° 304456 qui indique prendre en compte le centre des intérêts matériels et moraux à la date de la décision et par conséquent prendre le critère du déplacement du centre comme fait générateur du versement de l'indemnité d'éloignement ; en outre, le décret n° 2013-964 du 28 octobre 2013 ouvre le bénéfice de l'indemnité à certains agents ayant leur centre d'intérêts matériels et moraux à Mayotte à la condition d'un changement de résidence administrative pour rejoindre Mayotte.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 septembre 2015, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- le moyen tiré de ce que l'arrêté de mutation du 6 juillet 2012, parce qu'il vise les décrets n° 96-1027 et n° 96-1028, aurait pour conséquence l'attribution de la prime d'éloignement, est inopérant ;

- les autres moyens soulevés par Mme C...épouse A...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;

- le décret n° 96-1028 du 27 novembre 1996 ;

- la circulaire NOR RDFF1421498C du 18 septembre 2014 du ministre de la décentralisation et de la fonction publique relative à la situation des agents originaires de Mayotte et/ou affectés à Mayotte ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,

- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté en date du 14 mars 2003, Mme C...épouse A...a été titularisée dans le corps des agents administratifs des services judiciaires et affectée au tribunal supérieur d'appel de Mamoudzou à compter du 1er février 2003. Par arrêté en date du 4 juillet 2008, elle a été mutée au tribunal d'instance de Brest. Par arrêté en date du 6 juillet 2012, elle a été mutée au tribunal de grande instance (TGI) de Mamoudzou à compter de son installation dans ses fonctions, qui a eu lieu le 1er septembre 2012. Par courriers en date du 11 septembre 2012 et du 15 janvier 2013, elle a demandé le versement de la première fraction d'indemnité d'éloignement prévue par le décret n° 96-1028 du 27 novembre 1996. Par courrier en date du 4 mars 2013, notifié le 26 mars 2013, le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté cette demande au motif que son affectation au TGI de Mamoudzou n'avait entraîné aucun déplacement du centre des intérêts matériels et moraux de l'intéressée. Mme A...fait appel du jugement du tribunal administratif de Mayotte du 18 septembre 2014, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision précitée du 4 mars 2013, lui ayant refusé le bénéfice de l'indemnité d'éloignement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. La circonstance que l'arrêté du 6 juillet 2012, qui a muté Mme A...à Mayotte à compter du 1er septembre 2012 vise un certain nombre de textes, et notamment les décrets n° 96-1027 du 26 novembre 1996 relatif à la situation des fonctionnaires de l'Etat et de certains magistrats dans la collectivité territoriale de Mayotte et n° 96-1028 du 27 novembre 1996 relatif à l'attribution de l'indemnité d'éloignement aux magistrats et aux fonctionnaires titulaires et stagiaires de l'Etat en service à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, ne saurait être regardé comme portant reconnaissance pour Mme A...d'un droit à percevoir l'indemnité d'éloignement et est par suite, sans incidence sur le refus d'attribution de cette indemnité qui lui a été opposé par la décision contestée du 4 mars 2013. En particulier, dès lors que l'arrêté d'affectation du 6 juillet 2012, n'a ni pour objet ni pour effet d'accorder à Mme A...le bénéfice de l'indemnité d'éloignement prévue par le décret n° 96-1028 du 27 novembre 1996, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse aurait irrégulièrement retirée une décision créatrice de droit doit être écarté comme manquant en fait.

3. Aux termes de l'article 2 du décret précité n°96-1028 du 27 novembre 1996, dans sa version applicable : " Le droit à l'indemnité est ouvert lors de l'affectation dans un territoire d'outre-mer ou dans la collectivité territoriale de Mayotte à la condition que cette affectation entraîne pour l'agent concerné, un déplacement effectif pour aller servir en dehors du territoire dans lequel est situé le centre de ses intérêts matériels et moraux ". Il résulte de ces dispositions, que le droit à l'indemnité d'éloignement n'est ouvert au fonctionnaire affecté dans la collectivité territoriale de Mayotte qu'à la condition qu'à la date de cette affectation, il se déplace effectivement dans cette collectivité en dehors du territoire dans lequel est situé le centre de ses intérêts matériels et moraux. Par ailleurs, l'appréciation de la situation de fait concernant la localisation du centre des intérêts moraux et matériels d'un agent, qui peut varier dans le temps, doit être appréciée à la date à laquelle l'administration se prononce sur l'application des dispositions précitées Enfin, pour déterminer le centre des intérêts matériels et moraux du fonctionnaire, il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge, de tenir compte notamment, non seulement de l'acquisition de biens, de la possession de comptes bancaires et de la résidence de la famille du requérant mais aussi de la durée du séjour en métropole ou à l'étranger.

4. Pour lui refuser, par la décision du 4 mars 2013, le bénéfice de l'indemnité d'éloignement, le ministre de la justice a considéré que Mme A...avait toujours conservé le centre de ses intérêts matériels et moraux à Mayotte. Pour faire valoir qu'au contraire, elle avait transféré ce centre en métropole de 2008 à 2012, Mme A...fait valoir qu'elle a été affectée à Brest à sa demande, pour venir y rejoindre ses quatre enfants qui suivaient des études secondaires à Brest ou universitaires à Nantes, qu'elle avait loué à Brest un grand appartement pour pouvoir les accueillir, qu'elle était séparée de corps d'avec son mari resté vivre à Mayotte et qu'elle avait un compte bancaire domicilié.... Il ressort cependant des pièces du dossier que MmeA..., née à Dzaoudzi, a vécu jusqu'à l'âge de cinquante-cinq ans à Mayotte, avant d'avoir une affectation de quatre ans en métropole, puis d'être à nouveau affectée à Mayotte pour y finir sa carrière. Il ressort également de la décision en litige, ainsi que des écritures en défense du ministre de la justice qui ne sont pas contestées sur ce point, qu'à l'appui de sa demande d'octroi de l'indemnité d'éloignement, Mme A...a transmis notamment un avis d'imposition de 2010, une facture de collecte de traitement des eaux usées en date du 2 mai 2012, un certificat de scolarité au lycée de Mamoudzou, un avis d'imposition foncier de 2008, ainsi que l'arrêté du 22 mars 2011 portant admission à la retraite de son époux résidant à Mayotte et qui occupait les fonctions de contrôleur de 2ème classe à Longoni, tous documents laissant apparaître que Mme A...avait conservé le centre de ses intérêts matériels et moraux à Mayotte. Par ailleurs, comme le relève la décision du 4 mars 2013, pendant son affectation à Brest, Mme A...a bénéficié d'un congé spécifique, qui lui a été accordé, à sa demande, par arrêté du 13 avril 2011, en application du décret n° 2007-955 du 15 mai 2007 relatif au congé spécifique à Mayotte des magistrats et fonctionnaires civils de l'Etat. En outre, Mme A...n'a pas formulé de demande de transfert de son centre d'intérêts matériels et moraux en métropole, comme elle aurait pu le faire. Si elle allègue avoir été " séparée de corps " d'avec son époux pendant les quatre années qu'elle a passé en métropole, elle n'établit ni qu'elle n'aurait pas repris la communauté de vie avec celui-ci lors de son retour à Mayotte, ni qu'un divorce ou une séparation auraient été prononcés. Elle reconnaît elle-même, dans ses écritures d'appel, posséder à Mayotte des biens immobiliers en communauté avec son époux, que celui-ci a continué à gérer en son absence, alors qu'elle n'allègue pas en disposer en métropole. Dans ces conditions, les circonstances qu'elle aurait loué un appartement et ouvert un compte courant à Brest pendant les quatre années de son affectation, ou même celle que ses quatre enfants, dont le dernier est devenu majeur en mars 2009, résideraient tous en métropole, ne suffisent pas à établir que, de 2008 à 2012, Mme A... aurait transféré le centre de ses intérêts matériels et moraux en métropole.

5. Enfin, si Mme A...invoque les dispositions de la circulaire NOR RDFF1421498C du 18 septembre 2014 du ministre de la décentralisation et de la fonction publique relative à la situation des agents originaires de Mayotte et/ou affectés à Mayotte, les énonciations qui y sont contenues ne constituent que des orientations générales ou des lignes directrices, dont les intéressés ne peuvent se prévaloir devant le juge. En tout état de cause, la situation de Mme A...n'entre pas dans le champ d'application de ladite circulaire, dès lors que celle-ci est destinée à assurer la mise en oeuvre des décrets du 28 octobre 2013 et du 27 juin 2014 édictés dans le cadre de la départementalisation de Mayotte et relatifs à la majoration de traitement, aux congés bonifiés et à l'indemnité de sujétion géographiques dont peuvent bénéficier certains fonctionnaires affectés à Mayotte, cette dernière indemnité ne pouvant être octroyée qu'à des fonctionnaires affectés dans cette île à compter du 1er janvier 2014.

6. En conséquence de ce qui a été dit ci-dessus, le garde des sceaux, ministre de la justice, était tenu de refuser à Mme A...le bénéfice de l'indemnité d'éloignement au titre de son affectation à Mayotte en septembre 2012.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme A...sur ce fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...épouse A...et au garde de sceaux, ministre de la justice. Copie pour information en sera transmise au préfet de Mayotte.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Antoine Bec, président-assesseur,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 10 octobre 2016.

Le rapporteur,

Florence Rey-GabriacLe président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

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N°15BX00043


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX00043
Date de la décision : 10/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-08-03-02 Fonctionnaires et agents publics. Rémunération. Indemnités et avantages divers. Indemnités allouées aux fonctionnaires servant outre-mer (voir : Outre-mer).


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : KAMARDINE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-10-10;15bx00043 ?
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