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11/10/2016 | FRANCE | N°16BX00058

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 11 octobre 2016, 16BX00058


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...E...a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler l'arrêté du 3 juin 2015 par lequel le préfet de la région Martinique l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et la décision du même jour fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1500348 du 19 novembre 2015, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 janvier 2016, Mme E..., représentée par Me G..., dema

nde à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 19 novemb...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...E...a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler l'arrêté du 3 juin 2015 par lequel le préfet de la région Martinique l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et la décision du même jour fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1500348 du 19 novembre 2015, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 janvier 2016, Mme E..., représentée par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 19 novembre 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 juin 2015 du préfet de la Martinique ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Martinique de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Sylvie Cherrier a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeE..., ressortissante haïtienne née le 22 août 1972, est entrée régulièrement en France le 12 septembre 2008 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa touristique à entrées multiples, valable du 9 septembre au 23 septembre 2008 pour une durée maximale de 15 jours. Elle s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français après l'expiration de son visa. Le 27 octobre 2009, elle a sollicité auprès des services de la préfecture de la Martinique un titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français né le 13 octobre 2009 et reconnu antérieurement à sa naissance par M. D...C..., ressortissant français. Un récépissé de demande de carte de séjour lui a été délivré, qui a été renouvelé jusqu'au 17 septembre 2013. Elle s'est ensuite vu accorder une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", valable du 18 juin 2013 au 17 juin 2014. Le 4 juillet 2014, Mme E...a demandé le renouvellement de son titre de séjour. Elle relève appel du jugement du 19 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du préfet de la Martinique du 3 juin 2015 lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et, d'autre part, de la décision du même jour fixant le pays de renvoi.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et droit d'asile (CESEDA) : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : ./. 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; ./. 5° Si le récépissé de la demande de carte de séjour ou l'autorisation provisoire de séjour qui avait été délivré à l'étranger lui a été retiré ou si le renouvellement de ces documents lui a été refusé.". Aux termes de l'article L. 313-11 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ; / (...) ".

3. Si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme E..., de nationalité haïtienne, est entrée régulièrement en Martinique le 12 septembre 2008 et a donné naissance, le 13 octobre 2009 à Fort-de-France, à son enfant Kymisha LounaC..., reconnue antérieurement à sa naissance par M. D...C..., ressortissant français, le 15 avril 2009. A la suite de sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle a été mise en possession d'un récépissé renouvelé jusqu'au 17 septembre 2013, puis d'un premier titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", valable du 18 juin 2013 au 17 juin 2014. Cependant, il ressort des pièces du dossier, et notamment des procès verbaux d'audition de Mme E..., du père de celle-ci, et de M. D...C...que ce dernier n'est pas le père biologique de l'enfant, qu'il n'a d'ailleurs jamais vu, et ne l'a reconnue que pour permettre à Mme E...d'obtenir un titre de séjour, cette reconnaissance de paternité ayant été effectuée moyennant le versement par cette dernière de la somme de 2 500 euros. Si Mme E..., qui reconnaît avoir rémunéré M. C... afin qu'il reconnaisse l'enfant qu'elle attendait et dont elle savait qu'il n'était pas le père, soutient que cette démarche ne constitue pas une fraude dès lors que le père biologique de son enfant a, en tout état de cause, la nationalité française, une telle allégation, outre qu'elle n'est pas de nature à ôter à la reconnaissance de paternité faite par M. C... son caractère frauduleux, n'est établie par aucune pièce du dossier. Par suite, le préfet de la Martinique, auquel il appartenait de faire échec à cette fraude dès lors que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'était pas acquise, était légalement fondé à refuser, pour ce motif, le renouvellement de la carte de séjour temporaire sollicitée par MmeE..., alors même qu'à la date de ce refus, l'enfant n'avait pas été déchu de la nationalité française. Par suite, ni les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni celles du 6° de l'article L. 511-4 du même code, ne faisaient obstacle à ce que MmeE..., qui se trouvait dans l'un des cas prévus par les 3° et 5° du 1 de l'article L. 511-1 du même code, fasse l'objet de la mesure attaquée.

5. En deuxième lieu, aucun élément du dossier ne venant corroborer les allégations de Mme E...selon lesquelles le père biologique de sa fille serait M. A...B..., de nationalité française, et aurait entamé des démarches pour reconnaître cet enfant, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante ne peut être accueilli.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. MmeE..., entrée en France le 12 septembre 2008 à l'âge de 36 ans, établit ni même n'allègue qu'elle entretiendrait des liens de quelque nature que ce soit avec le père biologique de sa fille. Par ailleurs, et selon ses propres déclarations, elle ne dispose d'aucune ressource en Martinique et vit dans un logement mis gratuitement à sa disposition par une connaissance. Enfin ses quatre enfants aînés vivent en Haïti. Dans ces conditions, et dans la mesure où rien ne s'oppose à ce qu'elle retourne vivre dans ce pays en compagnie de sa fille cadette, l'arrêté attaqué n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive au regard des buts poursuivis et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté et la décision du 3 juin 2015 par lesquels le préfet de la Martinique lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. Ses conclusions en annulation et, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

DECIDE

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

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N° 16BX00058


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX00058
Date de la décision : 11/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : MONOTUKA

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-10-11;16bx00058 ?
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