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18/10/2016 | FRANCE | N°16BX00527

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 18 octobre 2016, 16BX00527


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 6 janvier 2012 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a autorisé la mission locale des Landes à la licencier.

Par un jugement n° 1200450 du 9 avril 2013, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13BX01554 du 28 juillet 2014, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de MmeB..., annulé ce jugement et la décision du 6 janvi

er 2012.

Par une décision n° 384813 du 13 janvier 2016, le Conseil d'Etat statuant au...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 6 janvier 2012 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a autorisé la mission locale des Landes à la licencier.

Par un jugement n° 1200450 du 9 avril 2013, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13BX01554 du 28 juillet 2014, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de MmeB..., annulé ce jugement et la décision du 6 janvier 2012.

Par une décision n° 384813 du 13 janvier 2016, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, a, sur pourvoi de la mission locale des Landes, annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Procédure devant la cour :

La décision 384813 du 13 janvier 2016 du Conseil d'Etat a été enregistrée au greffe de la cour sous le n° 16BX00527 le 5 février 2016.

Par une requête, enregistrée le 10 juin 2013 et des mémoires, enregistrés les 11 décembre 2013 et 9 mars 2016, MmeB..., représentée par MeA..., demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) de surseoir à statuer dans l'attente de l'ordonnance qui sera prise par le juge d'instruction près le tribunal de grande instance de Mont de Marsan ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler le jugement n° 1200450 du 9 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 janvier 2012 du ministre chargé du travail, annulant la décision de l'inspecteur du travail du 13 juillet 2011 et autorisant son licenciement de la mission locale des Landes ;

3°) d'annuler la décision contestée du 6 janvier 2012 du ministre chargé du travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

..........................................................................................................

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

-le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Henri de Philip de Laborie,

- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant MmeB..., et de Me D..., représentant la mission locale des Landes.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B...a été embauchée en qualité de secrétaire comptable le 12 mars 1993 par la mission locale des Landes, association de loi de 1901 exerçant une mission de service public destinée à favoriser l'insertion des jeunes définie par les articles L. 5314-1 et suivants du code du travail. Au début de l'année 2008, Mme B...a été promue au poste de responsable administratif et financier de la mission chargée, sous l'autorité du directeur, de la direction du pôle comptable et administratif de l'établissement. A ce titre, elle avait notamment la charge d'assurer la gestion comptable et financière de la mission ainsi que la gestion du personnel sur le plan administratif. Par ailleurs, Mme B...a été désignée déléguée syndicale le 1er juillet 2009, puis élue déléguée du personnel le 16 mai 2011. Le 22 septembre 2010, la mission locale a déposé plainte contre le directeur, puis le 6 décembre 2010 contre Mme B..., pour malversations et agissements frauduleux. Le 28 janvier 2011, Mme B... a été mise en examen pour des faits de détournement de fonds publics et placée sous contrôle judiciaire. La chambre d'instruction de la cour d'appel de Pau a, par un arrêt du 20 septembre 2011, maintenu le contrôle judiciaire sous lequel elle avait été placée et l'a autorisée à exercer une activité professionnelle en lien avec une mission de service public dans la mesure où cette activité exclura toute responsabilité financière et n'impliquera pas la gestion de fonds publics. La mission locale a de plus engagé une procédure de licenciement pour faute à l'encontre de MmeB.... Par une décision du 13 juillet 2011, l'inspecteur du travail de la 3ème section des Landes a refusé d'accorder l'autorisation de licenciement sollicitée. Saisi d'un recours hiérarchique par la mission locale des Landes, le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a, par une décision du 6 janvier 2012, annulé la décision de l'inspecteur du travail et autorisé le licenciement de MmeB.... Par jugement du 9 avril 2013, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre. Par un arrêt du 28 juillet 2014, la cour administrative d'appel a annulé ce jugement et la décision du 6 janvier 2012. Sur pourvoi de la mission locale des Landes, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, par une décision du 13 janvier 2016, a annulé pour dénaturation cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Sur la demande de sursis à statuer :

2. Mme B...demande à la cour, à titre principal, à ce qu'il soit sursis à statuer sur la requête dans l'attente de l'ordonnance qui sera prise par le juge d'instruction près le tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan. Cependant en l'espèce, la cour dispose des pièces permettant d'apprécier la réalité des faits reprochés à MmeB.... Dès lors, la bonne administration de la justice et l'intérêt du service ne justifient pas qu'il soit sursis à statuer sur la requête.

Au fond :

3. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

En ce qui concerne les agissements de Mme B...au bénéfice du directeur de la mission locales des Landes :

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'au mois de juillet 2010, Mme B... a fait procéder à un virement de 5 300 euros provenant des fonds de la mission vers le compte personnel du directeur, sans exiger de celui-ci la production de pièces justifiant cette opération.

5. En deuxième lieu, il ressort également des pièces du dossier que Mme B...a, sans l'accord de la présidente déléguée de la mission, validé le rachat, par le directeur, de " jours de RTT " pour un montant de 5 586,53 euros au titre de l'année 2008.

6. Ainsi, Mme B...qui en sa qualité de responsable administratif et financier de la mission locale des Landes se devait de gérer rigoureusement les fonds publics qui étaient mis à sa disposition, a manqué à cette obligation en ne vérifiant pas que chaque dépense était conforme à la mission de service public confiée à son employeur.

En ce qui concerne la responsabilité de Mme B...dans des faits lui ayant profité directement :

7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la requérante a versé des primes exceptionnelles au personnel d'encadrement et qu'elle-même en a bénéficié pour un montant de 3 986,34 euros en 2009. Cependant, le versement de ces primes avait été exclu à l'issue des négociations salariales menées au sein de l'établissement en 2009, ainsi qu'en témoigne le procès-verbal de désaccord signé d'ailleurs par MmeB....

8. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme B...s'est octroyée, entre 2005 et 2007, la somme totale de 683,96 euros au titre du paiement des heures complémentaires. Il est toutefois constant que le paiement de ces heures était réservé aux salariés à temps partiel, si bien que Mme B...ne pouvait y prétendre ;

9. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme B...mettait ses fonctions à profit pour s'octroyer régulièrement des avances sur salaires alors que cette pratique n'était pas autorisée au sein de la mission locale des Landes.

10. En quatrième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme B...a commis des erreurs dans le calcul des majorations de salaires liées à l'ancienneté du personnel. Ces erreurs qui ont conduit la mission locale landaise à verser, en 2010, la somme de 23 875,47 euros à titre de régularisation, résulte de la non application, par MmeB..., de la convention collective en vigueur en la matière. Il appartenait pourtant à Mme B...d'appliquer cette convention et non une note interne établie en 2004 par l'ancienne direction.

En ce qui concerne les faits susceptibles d'exonérer Mme B...de sa responsabilité :

11. Mme B...soutient que les contrôles prévus par les statuts de la mission locale des Landes sur ses activités n'ont pas été mis en oeuvre, que par ailleurs elle n'était pas en position de contester les ordres de son directeur, qu'elle avait effectué une alerte en tant que déléguée syndicale et qu'elle avait tenté d'obtenir des justificatifs de virement auprès de la secrétaire du directeur.

12. Il ressort cependant des pièces du dossier qu'au sein de la mission locale des Landes, Mme B...occupait les fonctions de responsable administratif et financier de l'association. Sa fiche de poste fait apparaître que ses missions consistent à assurer la tenue des comptes en comptabilité générale et analytique et de contribuer à la continuité des ressources de trésorerie. Elle était à ce titre notamment chargée de tenir les comptes, et donc d'imputer, saisir les écritures sur le logiciel comptable, établir les feuilles de salaires, payer les factures, les salaires, les cotisations sociales, les frais de déplacements, par virements ou chèques.

13. S'il est constant que si elle n'avait pas de délégation pour procéder à des règlements financiers, elle disposait cependant du code permettant d'effectuer elle-même des opérations de virements et ne faisait que valider par les organes compétents de l'association, président et trésorier, les demandes de règlements. Aussi, même si sur le plan fonctionnel, elle exerçait ses fonctions en étroite collaboration avec le directeur, elle ne pouvait pour autant accomplir des opérations financières contraires aux intérêts de l'association, c'est-à-dire proposer à la signature des organes compétents de l'association ou encore, inscrire en comptabilité des dépenses faites sur le compte bancaire " direction ", engagées dans l'intérêt purement personnel du directeur, et sans respecter la procédure des dépenses instituées, ni procéder à des paiements de factures dont l'utilité des dépenses n'était manifestement pas justifiée pour l'association.

14. La circonstance que les faits reprochés à Mme B...auraient pour origine des ordres donnés par le directeur n'est pas de nature à exonérer l'intéressée de sa responsabilité. En effet, au regard de son expérience et de son statut de cadre de haut niveau, il devait être attendu de Mme B...qu'elle ne se comporte pas, en ces occasions, comme un simple agent d'exécution, ce qu'elle n'était assurément pas comme l'a d'ailleurs relevé la chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Pau dans son arrêt du 20 septembre 2011. Elle aurait dû, au contraire, avant de se plier aux demandes de son directeur, vérifier que celui-ci était en droit d'obtenir le paiement des sommes demandées à titre de remboursement de frais de mission et de rachat de " jours de RTT ". De manière plus générale, il incombait à Mme B...de vérifier que les demandes du directeur étaient conformes aux règles régissant l'emploi des fonds mis à la disposition de la mission locale des Landes et d'informer, le cas échéant, le président ou la présidente délégué de cette structure d'éventuels manquements à ces règles.

15. Il est vrai qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...a pris attache, au mois d'avril 2010, auprès d'un délégué syndical, cependant étranger à la mission locale des Landes, pour évoquer devant lui, en des termes d'ailleurs généraux, des " problèmes financiers " mettant en cause le directeur de la mission. Toutefois, ce n'est que tardivement, le 17 septembre 2010 qu'elle a officiellement informé sa hiérarchie des dysfonctionnements sur l'utilisation du compte bancaire " direction ", lorsqu'elle a eu connaissance qu'une enquête était en cours. A ce titre, eu égard aux responsabilités confiées par la mission locale des Landes à MmeB..., la circonstance qu'un commissaire aux comptes et qu'un cabinet d'expertise comptable aient auparavant validé annuellement les comptes de la mission n'est pas de nature à effacer ses fautes, ni même à en atténuer la gravité ;

16. S'il est vrai que l'article 11 des statuts de la mission locale landaise stipule que son trésorier est chargé de tenir une comptabilité régulière et d'effectuer les paiements, cette circonstance n'est pas davantage de nature à exonérer Mme B...de sa responsabilité propre. Il ressort, en effet, des pièces du dossier que les décisions prises par le trésorier, voire par le président de la mission, le sont sur la base des éléments présentés par MmeB..., chargée de la gestion quotidienne de la vie administrative et financière de la mission et en mesure, à ce titre, de posséder ou de réclamer tous les éléments d'informations propre à garantir que les dépenses exposées l'étaient dans le respect des règles de fonctionnement de la mission locale des Landes.

17. Il résulte de tout ce qui précède que les faits invoqués par la requérante pour sa défense ne sont pas de nature à l'exonérer de sa responsabilité et que les faits reprochés à Mme B... sont constitutives de fautes d'une gravité suffisante, au regard de son niveau de responsabilité et de son expérience, pour justifier la demande tendant à son licenciement. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 janvier 2012, du ministre chargé du travail, annulant la décision de l'inspecteur du travail du 13 juillet 2011 et autorisant son licenciement de la mission locale des Landes.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme B...au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la mission locale des Landes et de mettre à la charge de Mme B...une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Mme B...versera à la mission locale des Landes la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 16BX00527


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX00527
Date de la décision : 18/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute. Absence de faute d'une gravité suffisante.


Composition du Tribunal
Président : M. PEANO
Rapporteur ?: M. Henri de LABORIE
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : LE CORNO CABINET JURIPUBLICA

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-10-18;16bx00527 ?
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