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25/10/2016 | FRANCE | N°16BX00676

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 25 octobre 2016, 16BX00676


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 14 août 2015 par lequel le préfet de Tarn-et-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1504021 du 26 janvier 2016, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 14 août 2015, a enjoint au préfet de Tarn-et-Garonne de réexaminer la situation de M. A...et, dans l'attente, de

lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, et a mis à la charge de l'Etat la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 14 août 2015 par lequel le préfet de Tarn-et-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1504021 du 26 janvier 2016, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 14 août 2015, a enjoint au préfet de Tarn-et-Garonne de réexaminer la situation de M. A...et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à l'avocat de l'intéressé en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 février 2016, le préfet de Tarn-et-Garonne demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 26 janvier 2016.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 entré en vigueur le 1er janvier 1994 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Laurent Pouget a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., de nationalité marocaine, est entré régulièrement en France le 30 septembre 2009 sous le couvert d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant ", valant titre de séjour d'une durée d'un an. Il a par la suite bénéficié d'un renouvellement de son titre de séjour " étudiant " jusqu'au 17 octobre 2011 mais sa nouvelle demande de renouvellement de ce titre, formulée le 7 novembre 2011, a été rejetée par un arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 16 décembre 2011, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Toulouse du 21 juin 2012 puis par un arrêt de la cour du 2 avril 2013. A la suite de son mariage avec une compatriote, le 17 décembre 2011, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale " qui lui a été refusée par un arrêté du 2 juillet 2013 du préfet de Tarn-et-Garonne dont la légalité a également été confirmée par un jugement définitif du tribunal administratif de Toulouse du 6 février 2014. Enfin, M. A...a sollicité le 21 mai 2015 son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 14 août 2015, le préfet de Tarn-et-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai à destination de son pays d'origine. Le 31 août 2015, M. A...a saisi le tribunal administratif de Toulouse aux fins d'annulation de cet arrêté. Le préfet de Tarn-et-Garonne relève appel du jugement du 26 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 14 août 2015.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Pour annuler l'arrêté en litige, les premiers juges ont considéré que la décision de refus de séjour porte une atteinte disproportionnée au droit de M. A...au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard notamment à la durée du séjour de l'intéressé en France ainsi que de l'ancienneté et de la stabilité de la communauté de vie avec son épouse, qui réside régulièrement sur le sol national.

3. L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

4. M. A...fait valoir qu'il réside depuis six ans en France, où il est parfaitement intégré et a épousé en 2011 une compatriote, titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 28 juin 2017, avec laquelle il a eu deux enfants nés respectivement en 2012 et 2014. Toutefois, il n'établit pas avoir développé des liens d'une intensité particulière en France hors de cette cellule familiale. Ainsi l'intéressé, qui a fait l'objet de deux précédents arrêtés portant obligation de quitter le territoire français auxquels il n'a pas déféré, ne justifie pas d'une insertion dans la société française par la seule production de deux contrats et d'un certificat de travail saisonniers portant sur de très courtes périodes au cours des années 2011 et 2013. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier qu'il dispose d'attaches familiales et personnelles fortes dans son pays d'origine, où il a séjourné jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans et où vivent ses parents ainsi que ses six frères et soeurs, avec lesquelles il n'établit pas ne plus avoir de relations. Il ressort enfin des pièces produites par le préfet, et non contredites, que son épouse, également de nationalité marocaine ainsi qu'il a été dit, est sans profession et ne justifie pas elle-même d'une intégration particulièrement aboutie en France. Dans ces conditions, et compte tenu également du jeune âge des enfants du couple, aucune circonstance particulière ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue au Maroc. Par suite, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, la décision refusant à M. A...la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de Tarn-et-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont fait droit au moyen soulevé par M. A...et tiré de ce que le refus de délivrance d'un titre de séjour avait porté une atteinte excessive au droit au respect de la vie privée et familiale de M.A....

6. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif de Toulouse.

Sur le surplus des moyens de la demande :

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté pris dans son ensemble :

7. Il ressort des pièces versées au dossier que M. Jean-Michel Delvert, secrétaire général et signataire de l'arrêté attaqué, a reçu délégation du préfet de Tarn-et-Garonne par un arrêté AP82-PREF- 2015-05-061 en date du 28 mai 2015 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, disponible en particulier sous sa forme électronique, lui permettant de signer les arrêtés contestés. Ainsi le moyen tiré du vice de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.

8. Le refus de séjour attaqué vise l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ainsi que les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquels le préfet s'est fondé. Il rappelle les conditions de l'entrée et du séjour en France de M.A..., notamment le fait qu'il a déjà fait l'objet de deux mesures d'éloignement, qu'il ne se prévaut pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels, que son épouse et ses enfants ont la même nationalité que lui, qu'il a la possibilité de revenir en France au titre de la procédure de regroupement familial et précise sa situation personnelle ainsi que la présence de membres de sa proche famille dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le préfet a suffisamment motivé sa décision. La motivation de l'obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement du 3° du I de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile se confond avec celle du refus du titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas de mention spécifique, dès lors que, comme c'est le cas en l'espèce, ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives permettant de l'assortir d'une mesure d'éloignement ont été rappelées. Enfin, l'arrêté contesté, qui vise l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et relève que le requérant n'établit pas être exposé à des traitements visés par ces stipulations en cas de retour dans son pays d'origine, est également suffisamment motivé en ce qui concerne la fixation du pays de renvoi. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cet arrêté doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité du refus de séjour :

9. En premier lieu, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 ".

10. Contrairement à ce que soutient M.A..., il ressort des termes de l'arrêté contesté que le préfet de Tarn-et-Garonne ne s'est pas abstenu d'examiner la possibilité de régulariser sa situation au regard des dispositions précitées et a pris en compte l'ensemble des circonstances invoquées par l'intéressé avant de rejeter sa demande d'admission au séjour.

11. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative doit d'abord vérifier si des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifient la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale ", ensuite, en cas de motifs exceptionnels, si la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " est envisageable. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard à la situation de M. A...telle qu'elle a été décrite précédemment, qu'en estimant que cette situation ne justifiait pas la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet ait commis une erreur manifeste d'appréciation.

12. En second lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention de New York du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu 'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

13. Le refus de séjour litigieux n'a ni pour objet ni pour effet de séparer les jeunes enfants de M. A...de leurs parents dès lors que, ainsi qu'il a été dit, la cellule familiale pourra se reconstituer dans le pays d'origine de ces derniers, où ces enfants pourront débuter normalement leur scolarité. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance par le préfet de Tarn-et-Garonne des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté. La même décision ne méconnaît pas, en tout état de cause, l'article 9 de cette convention.

En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

14. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 4 et 13, il y a lieu d'écarter les moyens tirés, à l'encontre de cette décision, de l'atteinte disproportionnée portée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale tel que garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la méconnaissance des articles 3-1 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

15. Les moyens tirés, à l'encontre de cette décision, de l'atteinte excessive portée au droit de M. A...au respect de sa vie privée et familiale et de la méconnaissance des articles 3-1 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 4 et 13.

16. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de Tarn-et-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 14 août 2015, lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A...et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

17. Le présent arrêt qui annule le jugement attaqué et rejette la demande de M. A...n'appelle pas de mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de Tarn-et-Garonne de procéder au réexamen de sa situation ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

18. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées au titre du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif n° 1504021 du 26 janvier 2016 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Toulouse ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.

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N° 16BX00676


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 16BX00676
Date de la décision : 25/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : DALBIN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-10-25;16bx00676 ?
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