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01/12/2016 | FRANCE | N°15BX03805

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 01 décembre 2016, 15BX03805


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Limoges la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2007 au 31 août 2010 et des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1201360 du 8 octobre 2015, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 27 novembre 2015 et le 18 juillet 2016, Mme C...représentée par MeA..., demande

à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 8 octobre 2015 ;

2°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Limoges la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2007 au 31 août 2010 et des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1201360 du 8 octobre 2015, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 27 novembre 2015 et le 18 juillet 2016, Mme C...représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 8 octobre 2015 ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités susmentionnés ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 7 500 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caroline Gaillard,

- et les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C...exerce l'activité d'agent commercial et de négociant en vins et spiritueux avec une clientèle principalement russe. En 2005, elle a pris à bail le château de Davignac (Corrèze), propriété de la SCI familiale. Elle y a fait réaliser des travaux de 2007 à 2009.

2. En 2010, l'entreprise de Mme C...a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2007 au 31 août 2010 au titre de la taxe sur la valeur ajoutée et sur les années 2007, 2008 et 2009 au titre des bénéfices retirés de ses activités non commerciale et commerciale. A l'issue de cette procédure, Mme C...s'est vu notifier des rappels de taxe sur la valeur ajoutée. Le service a notamment remis en cause la déduction de la taxe ayant grevé des travaux qu'il a regardés comme n'ayant pas été nécessaires à l'entreprise. La requérante relève appel du jugement du 8 octobre 2015 par lequel le tribunal a rejeté sa demande tendant à obtenir la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour ce motif qu'elle persiste à contester.

Sur l'intervention de la SAS Caves du château :

3. L'intervention de la SAS Caves du château est admise pour les motifs déjà pertinemment retenus par le tribunal aux points 2 et 3 du jugement en litige.

Sur la régularité du jugement :

4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ".

5. L'administration a présenté deux mémoires enregistrés au greffe du tribunal le 22 avril 2015 dont l'un se bornait à prendre acte du dernier mémoire des requérants et ne contenait aucun élément nouveau et l'autre mentionnait que la SAS Les Caves du Château, en l'absence de mandat régulier, ne pouvait pas se substituer à MmeC.... Toutefois, le tribunal s'est borné à admettre l'intervention de la société à l'instance, demandée par cette dernière, ainsi qu'il vient d'être mentionné. Dans ces conditions, le tribunal n'a pas méconnu le principe du contradictoire en ne communiquant pas ces deux mémoires.

6. En deuxième lieu, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à chaque élément de l'argumentation développée devant eux, ont suffisamment répondu au point 6 du jugement attaqué au moyen soulevé par Mme C...tiré de ce que l'administration avait mis en oeuvre implicitement la procédure de l'abus de droit. Le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'une insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté.

7. En troisième lieu, les moyens tirés de ce que le jugement serait entaché d'une erreur de fait et de contradiction de motifs ont trait au bien-fondé du jugement et non à sa régularité. Ils ne peuvent par suite qu'être écartés.

Au fond :

8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ".

9. En vertu de ces dispositions, l'administration est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables les actes passés par le contribuable dès lors que ces actes ont un caractère fictif ou, à défaut, n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé de tels actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles.

10. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a estimé, en se fondant sur les termes du bail emphytéotique conclu le 15 décembre 2005, les plans d'architecte du château et les interventions effectuées sur place par le service, que Mme C...occupait à titre personnel une part importante des surfaces qu'elle prétendait affectées à un usage professionnel et avait ainsi déduit à tort la taxe sur la valeur ajoutée grevant les travaux de rénovation effectués dans l'immeuble. L'administration a en conséquence remis en cause le remboursement de taxe sur la valeur ajoutée grevant les dépenses de travaux concernant les parties du château regardées à 80 % de l'immeuble comme affectées à un usage non professionnel. L'administration ne s'est donc pas fondée, même implicitement, sur le caractère fictif du bail conclu entre Mme C... et la SCI du château de Davignac ni n'a estimé que le bail n'avait été conclu que dans le but d'atténuer les charges fiscales des requérants. Le moyen tiré de ce que l'administration aurait implicitement retenu l'abus de droit et privé les requérants des garanties prévues par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales doit être écarté.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) ". Aux termes de l'article 230 de l'annexe II du code général des impôts : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les biens et services que les assujettis à cette taxe acquièrent ou qu'ils se livrent à eux-mêmes n'est déductible que si ces biens et services sont nécessaires à l'exploitation. Toutefois, la taxe ayant grevé les dépenses relatives à des biens et à des services ne peut donner lieu à déduction lorsque le pourcentage de l'utilisation de ces biens et services pour les besoins privés de l'assujetti ou pour ceux de son personnel ou plus généralement à des fins étrangères à son entreprise est supérieur à 90 % de leur utilisation totale (...) ".

12. Mme C...conteste l'estimation de l'administration selon laquelle seulement 20 % des surfaces habitables du château de Davignac ont été affectées à l'activité professionnelle de MmeC.... Elle soutient qu'en dehors d'un logement dit " réserve de jouissance " à son usage privé, l'immeuble était affecté à un usage principalement professionnel de bureaux et de réception.

13. Il résulte de l'instruction que, sur une superficie totale disponible de 471 m², la " réserve de jouissance " représente 45 m² et celle affectée aux bureaux, 78 m². L'administration a admis que 65 m² de parties communes (entrée, couloirs) pouvaient être regardés comme affectés à un usage mixte mais estimé que le surplus était en réalité affecté à la résidence des requérants.

14. Mme C...ne fournit aucune précision permettant d'infirmer ces constatations et de justifier que le château servait notamment à l'accueil des clients de Mme C... alors qu'aucun aménagement pour la réception professionnelle n'a été effectué, que le château situé en Haute-Corrèze est éloigné des régions viticoles comme des lieux de salons professionnels, que sa localisation ne présente d'ailleurs aucune facilité pour l'accès d'une clientèle internationale appelée à visiter les producteurs de vins et que Mme C...n'a pas pu justifier de la fréquence et de l'importance des réceptions professionnelles sur place nécessitées par son activité de négoce. Ainsi, aucun élément ne permet de justifier du caractère professionnel des surfaces à usage d'habitation au-delà de la limite de 20 % des surfaces affectées à un usage professionnel ou mixte admise par le service.

15. En troisième lieu, la requérante conteste l'application du 1 de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts, au motif que l'administration ne démontre pas qu'elle aurait utilisé le château à des fins étrangères à son activité à plus de 90 %. Mais le moyen ne peut qu'être écarté dès lors que le service n'a pas exclu le droit à déduction mais limité l'exercice de ce droit en fonction d'une utilisation du château à des fins non professionnelles fixé à 80 % des surfaces.

16. En dernier lieu, l'administration n'a pas dénié à Mme C...la qualité d'assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée l'autorisant à déduire la taxe sur la valeur ajoutée pour la part des travaux réalisés dans le château de Davignac, siège de son entreprise, au prorata des surfaces affectées à son activité économique. Par suite, la requérante ne peut utilement se prévaloir des règles de déduction applicables aux travaux préparatoires entrepris par un opérateur dans l'intention d'exploiter une activité économique taxable qui n'aurait pas débuté.

Sur les pénalités pour manquement délibéré :

17. Aux termes des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré / (...) ".

18. L'administration a justifié suffisamment les pénalités en litige au motif que Mme C... ne pouvait ignorer que les surfaces du château qu'elle s'était réservées pour un usage privatif excéderaient largement les surfaces affectées à son activité après achèvement des travaux et en se fondant sur l'importance des sommes en cause : elle a ainsi établi le caractère délibéré du manquement de la requérante à ses obligations fiscales.

19. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa requête. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE

Article 1er : L'intervention de la SAS Caves du Château est admise.

Article 2 : La requête de Mme D...épouse C...est rejetée.

N° 15BX03805


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX03805
Date de la décision : 01/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Analyses

19-04-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme MUNOZ-PAUZIES
Avocat(s) : FOURNOL

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-12-01;15bx03805 ?
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