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05/12/2016 | FRANCE | N°16BX00114

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 05 décembre 2016, 16BX00114


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par jugement n° 1403403 du 21 avril 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 6 novembre 2009 du maire de la commune de Floirac refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la tentative de suicide de MmeA..., et lui a enjoint de prendre une décision reconnaissant cette imputabilité dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une décision n° 391191 du 7 janvier 2016 le Conseil d'État a transmis à la cour

la requête de la commune de Floirac tendant d'une part, à l'annulation du jugement du 21 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par jugement n° 1403403 du 21 avril 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 6 novembre 2009 du maire de la commune de Floirac refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la tentative de suicide de MmeA..., et lui a enjoint de prendre une décision reconnaissant cette imputabilité dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une décision n° 391191 du 7 janvier 2016 le Conseil d'État a transmis à la cour la requête de la commune de Floirac tendant d'une part, à l'annulation du jugement du 21 avril 2015 du tribunal administratif de Bordeaux annulant l'arrêté du 6 novembre 2009, d'autre part, au rejet de la demande de Mme A...devant le tribunal administratif de Bordeaux, et à ce que soit mis à la charge de cette dernière la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une requête, enregistrée le 22 juin 2015, et des mémoires, enregistrés le 22 septembre 2015 et les 24 mars et 8 juillet 2016, la commune de Floirac, représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 avril 2015 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) de rejeter la demande de Mme A...présentée devant le tribunal administratif de Bordeaux ;

3°) de mettre à la charge de Mme A...la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le harcèlement sexuel constitue une faute personnelle détachable des fonctions de l'élu et qui engage sa seule responsabilité : la requête de Mme A...est par suite mal dirigée ;

- la présomption d'accident de service impose au salarié de prouver le lien entre l'événement et son travail ;

- Mme A...elle même rattache cette tentative à un harcèlement moral dont elle ne peut apporter la preuve ;

- les deux refus d'obtempérer qui lui ont été reprochés ne sauraient révéler de harcèlement d'autant que toutes ses demandes de formation et d'avancement ont été satisfaites, malgré une manière de servir constamment insatisfaisante ;

- l'influence de ses difficultés familiales ne peut être écartée.

Par des mémoires enregistrés le 23 mai 2016 et le 12 août 2016, Mme A..., représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la commune de Floirac au titre des frais irrépétibles.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;

- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Antoine Bec,

- les conclusions de Mme Molina-Andréo, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant la commune de Floirac, et de Me E..., représentant MmeA....

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 6 novembre 2009, le maire de Floirac a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la tentative de suicide, commise le 28 avril 2009 par Mme B...A...sur le lieu de son travail et pendant ses horaires de service.

Par un arrêt du 16 juillet 2014 le Conseil d'Etat a annulé le jugement du 13 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de Mme A...tendant à l'annulation de cet arrêté, et a renvoyé l'affaire devant ce tribunal.

Par jugement n° 1403403 du 21 avril 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 6 novembre 2009 du maire de la commune de Floirac, et lui a enjoint de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de la tentative de suicide survenue le 28 avril 2009 dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

La commune de Floirac s'est pourvue devant le CE qui par décision n° 391191 du 7 janvier 2016 a transmis à la cour sa requête tendant d'une part, à l'annulation du jugement du 21 avril 2015 du tribunal administratif de Bordeaux annulant l'arrêté du 6 novembre 2009, d'autre part, au rejet de la demande de Mme A...présentée devant le tribunal administratif de Bordeaux.

Sur la fin de non recevoir opposée par la commune de Floirac :

2. La faute personnelle, détachable du service, que constitue le harcèlement sexuel dont Mme A...a été victime de 2000 à 2002 de la part d'un élu ne saurait faire obstacle à l'imputabilité au service dès lors qu'elle a été commise au cours et sur le lieu du service, à l'occasion de l'exercice de ses fonctions par l'élu en cause. La fin de non recevoir opposée par la commune de Floirac doit par suite être écartée.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L.27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...) ".

4. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service. Constitue ainsi un accident de service le suicide, ou la tentative de suicide, intervenu sur le lieu et dans le temps du service, et soit présentant un lien direct avec le service, soit étant dépourvu de circonstances particulières le détachant du service.

5. Mme A...a été victime, de 2000 à 2002, de harcèlement sexuel de la part du premier adjoint de la commune de Floirac, faits établis par la juridiction pénale pour lesquels l'intéressé a été condamné en dernier lieu par la cour d'appel de Bordeaux à deux années d'emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis. Mme A...a été placée en congé de longue durée de juin 2002 à octobre 2004 en raison de son état dépressif et a repris son activité à temps partiel thérapeutique.

Mme A...a tenté de se suicider le 28 avril 2009 sur son lieu de travail et pendant ses horaires de service. Bien que l'expert désigné par la commission de réforme eut conclu à l'existence d'un lien unique, direct et incontestable entre l'évènement du 28 avril 2009 et le service, et que la commission de réforme eut émis l'avis que la tentative de suicide était imputable au service, le maire de Floirac, par arrêté du 6 novembre 2009, a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de cet évènement.

6. S'il ressort des pièces du dossier que les difficultés relationnelles de Mme A...dans l'exercice de ses fonctions sont antérieures aux faits de harcèlement sexuel dont elle a été victime, la circonstance qu'elle n'a pas fait l'objet du harcèlement moral auquel elle impute son passage à l'acte, que sa fille et son gendre ont été incarcérés au mois de mars 2009, ou la persistance de ses difficultés relationnelles ne peuvent être regardées comme des circonstances particulières détachant du service la tentative de suicide, qui trouve sa cause dans le harcèlement sexuel dont elle a été victime et la dégradation de son état psychologique qui s'en est suivie et présente ainsi le caractère d'un accident de service.

7. Il résulte de ce qui précède que la commune de Floirac n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 6 novembre 2009.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de MmeA..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, une somme dont commune de Floirac demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens .

Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Floirac la somme de 1 500 euros à verser à Mme A...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Floirac est rejetée.

Article 2 : La commune de Floirac versera à Mme B...A...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Floirac et à Mme B...A....

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2016, à laquelle siégeaient :

M. Antoine Bec, président,

M. Pierre Bentolila, premier conseiller,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 5 décembre 2016.

L'assesseur le plus ancien dans l'ordre du tableau,

Pierre BentolilaLe président,

Antoine BecLe greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

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N° 16BX00114


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX00114
Date de la décision : 05/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07-01-01 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Statut général des fonctionnaires de l'État et des collectivités locales. Droits et obligations des fonctionnaires (loi du 13 juillet 1983).


Composition du Tribunal
Président : M. BEC
Rapporteur ?: M. Antoine BEC
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : CABINET LYON-CAEN THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-12-05;16bx00114 ?
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