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30/01/2017 | FRANCE | N°15BX00889

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 30 janvier 2017, 15BX00889


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler les décisions implicites nées du silence gardé par l'administration sur ses demandes d'aménagement de son poste ou de reclassement, formulées en dernier lieu le 27 mars 2012 et le 27 août 2012, et de prescrire sa réintégration sur un emploi compatible avec son état de santé ainsi que la reconstitution de sa carrière et son traitement depuis janvier 2011.

Par un jugement n° 1202255 du 29 décembre 2014, le tribunal administratif de P

au a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler les décisions implicites nées du silence gardé par l'administration sur ses demandes d'aménagement de son poste ou de reclassement, formulées en dernier lieu le 27 mars 2012 et le 27 août 2012, et de prescrire sa réintégration sur un emploi compatible avec son état de santé ainsi que la reconstitution de sa carrière et son traitement depuis janvier 2011.

Par un jugement n° 1202255 du 29 décembre 2014, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 mars 2015, et par trois mémoires complémentaires, enregistrés les 22 mai 2015 et 20 janvier 2016, M.C..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 29 décembre 2014 ;

2°) d'annuler les décisions implicites de refus d'aménagement de poste ou de reclassement ;

3°) d'enjoindre à l'administration de procéder à sa réintégration sur un poste de travail compatible avec son état de santé et à la reconstitution de sa carrière à compter du mois de janvier 2011.

Il soutient que :

- les premiers juges ont entaché leur appréciation d'erreur de droit, dès lors que les agissements dont il est victime relèvent du harcèlement moral, pour lesquels son administration était tenue de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, et que ces agissements présentent un caractère répétitif ;

- l'administration n'a jamais répondu à ses différentes demandes d'aménagement de poste ou de reclassement au titre de la protection fonctionnelle à laquelle il a droit ;

- l'administration a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne tenant pas compte de ses problèmes anxio-dépressifs liés au harcèlement moral dont il est victime, alors que les avis médicaux qu'il produits confirment la réalité de sa pathologie et ont préconisés un aménagement de son poste de travail ;

- le non aboutissement de son affectation en qualité d'opérateur au centre d'ingénierie et de gestion du trafic situé à Toulouse, du fait de l'administration, qui lui a imposé une contrainte d'élection de domicile non prévue par la fiche de poste, et sa stagnation au tableau d'avancement entre 2009 et 2012, sont constitutifs d'agissements relevant d'une situation de harcèlement moral ;

- en refusant de prendre les mesures appropriées à la préservation de sa santé, l'administration a méconnu l'étendue de son obligation de protection de la santé des fonctionnaires, instituée par l'article 2-1 du décret du 28 mai 1982, qui est une obligation de résultat ;

- l'administration a commis une erreur de droit liée à la méconnaissance des articles 1er et 2 du décret du 30 novembre 1984 au titre de son obligation de reclassement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2016, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, et le ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité, concluent au rejet de la requête de M.C....

Ils font valoir que les moyens invoqués par M. C...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

- la loi n° 84-16 du 11 juillet 1984 modifiée ;

- le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique ;

- le décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C...a été affecté, entre le 1er avril 2007 et le 25 novembre 2014, date de son admission à la retraite, en qualité d'agent d'exploitation spécialisé des travaux publics de l'Etat au sein du centre d'exploitation et d'intervention d'Auch, rattaché au district ouest de la direction interdépartementale des routes sud-ouest. Il a bénéficié de congés pour maladie ordinaire du 10 novembre 2011 au 21 février 2013. Par courriers du 27 mars 2012 et du 27 août 2012, M. C...a demandé l'aménagement de son poste de travail ou son reclassement, sur le fondement de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, en raison des risques pour sa santé auxquels il estimait être exposé. M. C...relève appel du jugement du 29 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions implicites nées du silence gardé par l'administration sur ses demandes d'aménagement de son poste de travail ou de reclassement, formulées en dernier lieu le 27 mars 2012 et le 27 août 2012.

2. Aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de l'article 178 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) ". Aux termes de l'article 11 de la même loi : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire. (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) ". En vertu de l'article 2-1 du décret du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique : " Les chefs de service sont chargés, dans la limite de leurs attributions et dans le cadre des délégations qui leur sont consenties, de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité ". Les faits de harcèlement moral définis à l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 sont au nombre des agissements ouvrant droit, pour les fonctionnaires qui en sont victimes, au bénéfice de la protection prévue à l'article 11 de ladite loi.

3. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de faits susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'employeur et de ceux de ses agents sous sa responsabilité auxquels il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.

4. Si le requérant soutient qu'il subit depuis octobre 2011 des faits répétés de harcèlement moral qui sont au nombre des agissements ouvrant droit à la protection fonctionnelle, les deux attestations qu'il produits, rédigées le 17 février 2014 par des collègues, alors même qu'elles attestent de relations de travail difficiles, ne sont pas suffisantes pour établir, ni l'existence de faits de harcèlement moral à son encontre, ni leur caractère répétitif.

5. Si M. C...produit plusieurs certificats médicaux circonstanciés faisant état de l'installation d'un état anxio-dépressif, ces certificats, notamment celui du docteur Mattar du 27 mai 2013 mentionnant une " note persécutive avec une symptomatologie anxio-dépressive ", et celui du docteur Trapé du 19 mars 2014 qui évoque " un vécu de harcèlement moral ", s'ils établissent un lien entre cet état et les difficultés professionnelles rencontrées par M. C...depuis 2011, se bornent en cela à relayer les propos et le ressenti de l'intéressé.

6. Au titre des faits de harcèlement moral dont il dit avoir été victime, M. C...se prévaut du non aboutissement de son affectation comme opérateur au centre d'ingénierie et de gestion du trafic de Toulouse, à laquelle l'administration aurait fait obstacle en posant comme condition un changement de domicile que la fiche de poste ne mentionne pas. Une telle exigence, dont il est soutenu qu'elle est justifiée par les contraintes afférentes au poste d'opérateur sollicité, ne saurait être regardée comme procédant d'une situation de harcèlement moral à son encontre. Le requérant soutient également que son rang de classement au tableau d'avancement au titre de l'année 2012 au grade de chef d'équipe d'exploitation l'aurait privé injustement d'une chance de promotion. L'administration fait valoir, sans être contredite sur ce point, qu'il s'est vu proposer, compte tenu de son rang de classement au tableau d'avancement au titre de l'année 2009, un poste de chef d'équipe à titre de promotion. Ainsi, l'administration produit une argumentation qui démontre que les agissements dénoncés par M. C...étaient justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement moral.

7. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier des avis du comité médical départemental des 29 janvier 2013 et 25 juin 2013, ainsi que de l'avis médical rendu le 2 août 2012 par le médecin de prévention, que M. C...a été déclaré apte à l'exercice de ses fonctions, sous réserve qu'il reste libre d'assister ou non aux réunions de travail. Les aménagements du poste de M. C...ont donné lieu à des consignes adressées le 28 juin 2013 au supérieur hiérarchique de l'intéressé par l'adjoint au chef de district, tendant à ce que M. C...reste libre d'assister ou non aux réunions, à ce qu'il soit libre d'être présent ou non à l'embauche du matin avec ses collègues, à ce que les consignes individuelles lui soient données directement par le chef d'équipe et à ce qu'il dispose d'un vestiaire séparé de ceux de ses collègues. Il ressort notamment d'un courriel adressé à l'administration le 1er août 2013, que le médecin de prévention a confirmé que les aménagements du poste de travail de M.C..., destinés à éviter les contacts anxiogènes avec certains de ses collègues, étaient conformes à ses précédentes préconisations médicales. L'administration, dans ces conditions, doit être regardée comme ayant répondu à ses demandes d'aménagement de poste. Il n'est pas davantage établi que l'administration aurait refusé de prendre les mesures appropriées à la préservation de sa santé et ainsi méconnu les dispositions de l'article 2-1 du décret du 28 mai 1982 susvisé.

8. Enfin, M. C...se prévaut dans ses dernières écritures, de ce que l'administration a méconnu son obligation de reclassement, instituée par les articles 1er et 2 du décret du 30 novembre 1984. Compte tenu de ce qui précède et, en tout état de cause, M. C... a été déclaré apte à l'exercice de ses fonctions sous réserve d'aménagements de son poste de travail, dont il n'est pas établi que l'administration ne les aurait pas respectés.

9. Il résulte de tout ce qui précède que les éléments dont M. C...fait état ne permettant pas de faire présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral au sens des dispositions précitées de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, l'administration a pu légalement refuser à l'intéressé le bénéfice de la protection fonctionnelle.

10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions de M.C..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions tendant à ce que l'administration procède à sa " réintégration " sur un poste de travail compatible avec son état de santé et à la reconstitution de sa carrière, ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M.C..., au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, et au ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.

Délibéré après l'audience du 3 janvier 2017 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Pierre Bentolila, premier conseiller,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 30 janvier 2017.

Le rapporteur,

Florence Rey-GabriacLe président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, et au ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité,, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

2

N° 15BX00889


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX00889
Date de la décision : 30/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07-10-005 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Garanties et avantages divers. Protection contre les attaques.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SELARL MONTAZEAU et CARA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-01-30;15bx00889 ?
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