La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/02/2017 | FRANCE | N°15BX01884

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 21 février 2017, 15BX01884


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MM. E...et C...D..., L..., A...et K...D..., G...H...et I...B...ont demandé au tribunal administratif de Fort-de-France de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Martinique et le centre hospitalier de Colson à leur payer des indemnités d'un montant total de 100 000 euros en réparation du préjudice résultant pour eux du décès de M. F...D....

Par un jugement n° 1400291 du 12 mars 2015, le tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

:

Par une requête enregistrée le 5 juin 2015 sous forme de télécopie, régularisée le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MM. E...et C...D..., L..., A...et K...D..., G...H...et I...B...ont demandé au tribunal administratif de Fort-de-France de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Martinique et le centre hospitalier de Colson à leur payer des indemnités d'un montant total de 100 000 euros en réparation du préjudice résultant pour eux du décès de M. F...D....

Par un jugement n° 1400291 du 12 mars 2015, le tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 juin 2015 sous forme de télécopie, régularisée le 15 juin suivant, les consortsD..., représentés par la société Juriscarib, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Fort-de-France du 12 mars 2015 ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet, née le 18 février 2014, du centre hospitalier de Colson et de le condamner à leur payer des indemnités d'un montant total de 100 000 euros ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Colson les dépens de l'instance et la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau,

- et les conclusions de M. David Katz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. F...D..., âgé de cinquante-cinq ans et présentant des troubles psychiatriques, était placé au foyer d'accueil médicalisé Bel Air Village au Morne Vert, établissement social et médico-social géré par le centre hospitalier de Colson. Le 23 septembre 2011, le pensionnaire a quitté le réfectoire vers 16 heures 15 et rejoint sa chambre. Vers 18 heures, un autre pensionnaire, qui avait proposé à ses deux soeurs lui rendant visite d'aller chercher leur frère, est revenu en annonçant que celui-ci gisait sur le sol dans un tel état qu'il le croyait mort. Une aide médico-psychologique s'est immédiatement rendue sur les lieux et a alerté l'infirmière. Celle-ci a placé la victime en position latérale de sécurité et a recherché en vain des signes vitaux. N'ayant pu joindre ni le médecin de garde, ni le cadre de santé, qui n'étaient pas de permanence sur les lieux, elle a indiqué à ses soeurs que leur frère avait eu un " grave malaise ", s'est opposée à leur entrée dans sa chambre et a appelé les secours vers 18 heures 30. Finalement joint par le SAMU et arrivé sur les lieux vers 18 heures 50, le médecin de garde a confirmé le décès. Cet évènement a donné lieu à un rapport de prise en charge établi le jour même, cosigné par les quatre membres de l'équipe médicale présents, à une note du directeur du centre hospitalier de Colson du 26 septembre 2011 et à un rapport du directeur d'astreinte du même jour. Le 25 septembre, les proches de la victime ont saisi le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Fort-de-France, qui a diligenté une enquête et notamment fait pratiquer, le 7 octobre suivant, une autopsie qui a établi l'origine naturelle du décès, occasionné par un oedème pulmonaire massif avec syndrome d'inhalation bronchique dit syndrome de Mendelson ou " fausse route ". Sur la base de cette autopsie, d'un examen anatomo-pathologique et d'une expertise toxicologique, le procureur a ensuite procédé au classement sans suite de l'affaire le 24 juillet 2012. Le père de la victime, M. E...D..., son frère, M. C...D..., ses trois soeurs, Mmes Marie-Angèle, A...et K...D...et ses deux nièces, Mmes H...et B...ont saisi le tribunal administratif de Fort-de-France d'une demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Colson à réparer leur préjudice moral par l'allocation d'indemnités d'un montant total de 100 000 euros. Ils relèvent appel du jugement du 12 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Fort-de-France, a, après avoir mis hors de cause le centre hospitalier universitaire de la Martinique, rejeté leur demande.

Sur la responsabilité pour faute :

2. Le I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique prévoit que la responsabilité de tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins peut être engagée en cas de faute. Si les requérants, qui persistent en appel à invoquer le défaut de " surveillance médicale " ont entendu invoquer la faute médicale et les dispositions précitées du code de la santé publique, ils n'assortissent ce moyen que de précisions relatives, non à des fautes lors de la prise en charge ou du traitement du patient mais à des fautes dans l'organisation et le fonctionnement du service. S'ils soutiennent en particulier que le décès a été rendu possible par une mauvaise organisation du service et le défaut de surveillance des malades, les fautes alléguées ne peuvent engager la responsabilité de l'établissement médico-social que si la réalité d'un lien de causalité direct et certain entre ces fautes et le décès du patient est établie.

3. En premier lieu, le rapport d'autopsie, confirmé sur ce point par l'examen anatomo-pathologique, a révélé que M.D..., décédé des conséquences de l'entrée dans les bronches et les poumons de liquide gastrique imputable à des convulsions, un malaise ou des troubles du rythme cardiaque avec oedème pulmonaire cardiogénique, bénéficiait d'un traitement neuroleptique et sédatif pouvant contribuer à l'aggravation de sa dépression respiratoire. Toutefois, comme le fait valoir le défendeur sans être contredit sur ce point, le pensionnaire résidait au foyer depuis près de trois ans sans qu'aucun précédent n'ait été signalé et faisait l'objet d'une surveillance dont il n'est pas établi que, compte tenu de son état de santé, elle eût dû être plus étroite. L'expertise toxicologique n'a au demeurant relevé aucune substance médicamenteuse ou stupéfiante. Enfin, le membre de l'équipe qui avait croisé le résident avant son décès, vers 14 heures 30, n'avait pas relevé de problème particulier, ce qui n'est pas sérieusement contredit par les requérants qui se bornent à invoquer une " obligation de sécurité ".

4. En deuxième lieu, l'article D. 344-5-13 du code de l'action sociale et des familles prévoit que l'équipe pluridisciplinaire comprend ou associe : " 1° Au moins un membre de chacune des professions suivantes : a) Médecin généraliste ; b) Educateur spécialisé ; c) Moniteur éducateur ; d) Assistant de service social ; e) Psychologue ; f) Infirmier ; g) Aide-soignant ; h) Aide médico-psychologique ; i) Auxiliaire de vie sociale (...) ". Aux termes de l'article D.344-5-14 du même code : " Lorsque la taille de l'établissement ou du service ou le nombre de personnes accompagnées ne permettent pas la constitution totale de l'équipe pluridisciplinaire, l'établissement ou le service peut : 1° Passer des conventions avec d'autres établissements et services sociaux et médico-sociaux ; 2° Etre membre d'un groupement de coopération (...) ". Ni ces dispositions ni le règlement de fonctionnement de l'établissement, ni aucun autre texte ne prévoient la présence simultanée de tous les membres de l'équipe pluridisciplinaire susmentionnée au sein de l'établissement. En tout état de cause, à les supposer établies, ni la situation de sous-effectif ni l'absence de la convention prévue par l'article D. 344-5-14 du code de la santé publique ne sauraient caractériser à elles seules, sans être corroborées par aucun autre élément ou précision, un lien de causalité avec le décès résultant, ainsi qu'il a été dit au point 1 d'un oedème pulmonaire massif avec syndrome d'inhalation qualifié de mort naturelle. Alors que quatre membres de l'équipe médicale étaient présents le 23 septembre 2011, une infirmière, une aide-soignante, une aide médico-psychologique et un agent des services hospitaliers, les requérants se bornent à invoquer sans davantage de précisions " la responsabilité fondée sur une obligation de moyens " et le manque d'effectifs de l'établissement sans alléguer que sa capacité d'accueil, l'état de santé de ses pensionnaires ou toute autre circonstance aurait nécessité le renforcement de ces effectifs. Surtout, ainsi qu'il a été dit, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction et n'est même pas allégué qu'à la supposer établie, l'insuffisance des effectifs aurait rendu possible le décès du pensionnaire ou aurait privé celui-ci d'une chance de survie. Enfin, les consorts D...se bornent à soutenir sans plus de précisions que l'établissement hospitalier qui " ne vérifie pas les compétences de ses personnels est fautif en cas de dommage ", sans apporter d'élément de nature à remettre en cause les compétences professionnelles des membres de l'équipe présents le jour du décès et en tout état de cause sans indiquer en quoi les insuffisances alléguées auraient pu occasionner le décès de leur parent ou lui faire perdre une chance de survivre.

5. Enfin, aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés (...) Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables (...)". Il résulte des termes mêmes de ces dispositions qu'elles s'appliquent, non à l'information des proches en cas de décès d'un malade, mais aux actes médicaux proposés à ce malade ou à son tuteur. S'il est vrai qu'en délivrant à Mmes D...des informations erronées sur l'état de leur frère décédé depuis plus de deux heures et en leur laissant supposer qu'il était encore en vie, l'infirmière, qui a d'ailleurs admis ses difficultés à gérer la situation, a pu manquer, par maladresse et inexpérience, tant à ses obligations déontologiques qu'aux prescriptions de l'article R. 1112-69 du code de la santé publique, il ne résulte pas de l'instruction que cette faute serait à l'origine du préjudice moral allégué, occasionné par le décès d'un proche, que les intéressées se bornent à invoquer tant en première instance qu'en appel. Par ailleurs, si l'infirmière, estimant notamment qu'il appartenait au seul médecin de garde de constater légalement le décès, les a empêchées en dépit de leurs menaces et protestations, d'entrer dans la chambre de leur frère, selon les déclarations non contredites de l'établissement " pour des raisons sanitaires et de dignité du résident " pendant la réalisation des premiers gestes de toilette, une telle mesure, également justifiée par l'application du protocole prévu en cas de mort suspecte préconisant notamment de fermer la chambre à clé et l'article III du règlement de fonctionnement de l'établissement interdisant l'entrée des visiteurs dans les chambres, ne révèle de la part de l'équipe en place, qui a dû en outre rassurer les autres pensionnaires, aucune faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier à l'égard de MmesD..., qui ont d'ailleurs été prises en charge vers 19 heures 50 par l'infirmière coordinatrice, dès son arrivée.

Sur la responsabilité sans faute :

6. Il résulte des termes mêmes des dispositions de l'article 1384 du code civil selon lesquelles : " On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre ou des choses que l'on a sous sa garde " qu'elles sont inapplicables au présent litige, ce qui n'est pas contesté par les requérants qui se prévalent des principes généraux dont s'inspirent ces dispositions. Ils n'assortissent d'ailleurs ce moyen d'aucune précision autre que celle tenant à l'engagement de " la responsabilité fondée sur la garde " dès lors qu'ils ont " confié " au centre hospitalier de Colson la " garde " de la victime.

7. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté leur demande indemnitaire. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'affaire, de mettre à leur charge la somme demandée sur le même fondement par le centre hospitalier de Colson. Aucun dépens n'ayant été exposé pour la présente instance, les conclusions présentées à ce titre ne peuvent être accueillies.

DECIDE :

Article 1er : La requête des consorts D...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier de Colson présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

2

N° 15BX01884


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award