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02/05/2017 | FRANCE | N°15BX01317

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 02 mai 2017, 15BX01317


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une ordonnance du 10 février 2014, le président de la 5ème section du tribunal administratif de Paris a transmis au tribunal administratif de Basse-Terre la requête de M. D... C..., tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 janvier 2012 par lequel le ministre de la culture et de la communication l'a révoqué de ses fonctions à titre disciplinaire.

Par un jugement n° 1400139 du 19 février 2015, le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté la demande de M.C....

Procédure devant la

cour :

Par une requête enregistrée sous forme de télécopie le 16 avril 2015, régularisé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une ordonnance du 10 février 2014, le président de la 5ème section du tribunal administratif de Paris a transmis au tribunal administratif de Basse-Terre la requête de M. D... C..., tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 janvier 2012 par lequel le ministre de la culture et de la communication l'a révoqué de ses fonctions à titre disciplinaire.

Par un jugement n° 1400139 du 19 février 2015, le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté la demande de M.C....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous forme de télécopie le 16 avril 2015, régularisée le 30 juin suivant, M.C..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 février 2015 du tribunal administratif de Basse-Terre ;

2°) de condamner l'Etat à lui payer le montant correspondant aux rémunérations dues à compter de l'année 2006 jusqu'au 8 février 2012, assorti des intérêts légaux à compter du recours initial ;

3°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 31 janvier 2012 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.

Il soutient que :

- le tribunal n'a pas tenu compte des motifs évoqués dans ce dossier ;

- sa requête présentée le 4 avril 2012 était recevable ;

- il est fondé, en application de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, à réclamer les montants dus de janvier 2006 à février 2012 ;

- le ministre, qui a méconnu les prescriptions susmentionnées, ne pouvait, en vertu du principe "nemo auditur propriam turpitudinem allegans", engager une procédure disciplinaire et faire application du décret du 25 octobre 1984 ;

- les fautes ont été commises en dehors du service.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2015, le ministre de la culture et de la communication, représenté par Me A...E..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation du requérant à payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- les moyens de légalité externe invoqués après l'expiration du délai de recours contentieux ne sont pas recevables ;

- à supposer même que l'intéressé aurait été effectivement privé de sa rémunération, les dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, qui ont vocation à prévoir les modalités de rémunération des fonctionnaires suspendus, sont sans incidence sur la légalité de la sanction ;

- cette sanction est proportionnée à la gravité des fautes, incompatibles avec les fonctions d'accueil de l'intéressé ; aucun texte n'oblige l'autorité disciplinaire à rechercher d'autres affectations compatibles.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau,

- et les conclusions de M. David Katz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêt du 12 janvier 2010 de la cour d'assises de la Guadeloupe, devenu définitif, M. C..., agent public depuis l'année 1977, alors adjoint technique d'accueil, de surveillance et de magasinage de 1ère classe du ministère de la culture, a été reconnu coupable de viols commis de 2000 à 2005 sur la personne d'une mineure de quinze ans et condamné à une peine de dix ans de réclusion criminelle. A compter du mois de janvier 2006, M. C...a été placé en détention provisoire, puis incarcéré. En avril 2010, le ministre de la culture a engagé à son encontre une procédure disciplinaire à l'issue de laquelle il l'a révoqué par un arrêté du 25 mai 2011. Saisi d'un recours gracieux, il a, le 3 août 2011, annulé cet arrêté comme entaché d'un vice de procédure, réintégré administrativement l'intéressé à compter du 26 mai 2011, puis repris la procédure disciplinaire, avant de prendre, le 31 janvier 2012, un nouvel arrêté de révocation. M. C...relève appel du jugement du 19 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de cette sanction, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui payer les rémunérations dues du 1er janvier 2006 au 8 février 2012.

2. Si M.C..., qui soutient sans autres précisions que le tribunal n'a pas " tenu compte des motifs évoqués dans ce dossier ", a entendu invoquer l'irrégularité du jugement au regard des prescriptions de l'article L. 9 du code de justice administrative, les premiers juges ont répondu de manière suffisante à l'ensemble des moyens soulevés.

3. Si le requérant persiste en appel à invoquer l'irrégularité de l'avis du conseil de discipline du 25 janvier 2012, qui n'aurait pas été émis à la majorité de ses membres, en violation des prescriptions de l'article 8 du décret du 25 octobre 1984, sa requête introductive d'instance du 4 avril 2012 n'était assortie que de moyens de légalité externe. Le moyen de légalité externe susmentionné, invoqué dans ses écritures du 1er octobre suivant, après l'expiration du délai du recours contentieux de deux mois, a le caractère d'une prétention nouvelle qui, présentée tardivement, n'est pas recevable.

4. L'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires prévoit, en cas de faute grave, y compris pour une infraction de droit commun, que son auteur peut être suspendu par l'autorité disciplinaire qui saisit sans délai le conseil de discipline, et précise que la situation du fonctionnaire suspendu doit être " définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si à l'expiration de ce délai aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions ". Si M. C...invoque le principe "nemo auditur", la méconnaissance à la supposer établie à l'encontre de l'intéressé, qui ne pouvait en tout état de cause être réintégré dans son emploi en raison des poursuites pénales dont il faisait l'objet, des obligations prévues par les dispositions précitées de l'article 30 qui ont pour objet d'écarter l'intéressé du service en attendant l'achèvement de la procédure disciplinaire et de limiter les effets de la suspension, est en tout état de cause sans incidence sur la légalité de la sanction, qui n'est pas fondée sur ces dispositions. Au surplus, il ne ressort d'aucune pièce du dossier et n'est d'ailleurs pas allégué que l'intéressé aurait fait l'objet d'une mesure conservatoire prise dans l'intérêt du service. Est également sans incidence la circonstance, à la supposer établie, que d'autres agents ayant commis des faits " bien plus graves " auraient été maintenus en position d'activité.

5. En vertu de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983, toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. L'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat prévoit que " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. Premier groupe : - l'avertissement ; - le blâme. Deuxième groupe : - la radiation du tableau d'avancement ; - l'abaissement d'échelon ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; - le déplacement d'office. Troisième groupe : - la rétrogradation ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans. Quatrième groupe : - la mise à la retraite d'office ; - la révocation (...) ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

6. Si M.C..., qui soutient que " le ministre n'a aucun argument concret et direct pour justifier sa décision ", a entendu contester la matérialité des faits, celle-ci est établie par les constatations du juge pénal. Même commis en dehors du service, ses agissements, de nature à porter la déconsidération sur l'administration et ses agents, pouvaient légalement justifier une sanction disciplinaire, ce qu'il ne conteste d'ailleurs pas. Dans les circonstances de l'affaire, eu égard à la nature et à la gravité des faits, et en dépit de la possibilité d'affectation de l'intéressé dans des postes sans contact avec le public, la sanction ultime de la révocation n'est pas disproportionnée.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la sanction.

8. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. C..., n'appelle aucune mesure d'exécution au sens de l'article L. 911-1 du code de justice administrative. Si le requérant, qui n'invoque d'ailleurs pas ces dispositions et n'a pas perçu son traitement en l'absence de service fait résultant de sa détention provisoire puis de son incarcération, demande la condamnation de l'Etat à lui payer une indemnité égale au montant dont il estime avoir été illégalement privé " au regard de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 " pour la période " de janvier 2006 à février 2012 ", de telles conclusions, insusceptibles de se rattacher à l'exécution du présent arrêt ou du jugement contesté, ne peuvent être accueillies.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, soit condamné à payer à M. C...la somme qu'il demande sur le fondement des dispositions abrogées de l'article 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'affaire, de condamner le requérant à payer à l'Etat la somme que demande le ministre sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le ministre de la culture et de la communication au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C...et au ministre de la culture et de la communication.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Gil Cornevaux, président assesseur,

Mme Marie-Thérèse Lacau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 mai 2017.

Le rapporteur,

Marie-Thérèse Lacau Le président,

Elisabeth Jayat Le greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de la culture et de la communication en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 15BX01317


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX01317
Date de la décision : 02/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Sanctions.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'annulation - Pouvoirs du juge.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Marie-Thérèse LACAU
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : TROUPE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-05-02;15bx01317 ?
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