La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/06/2017 | FRANCE | N°17BX00940

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 19 juin 2017, 17BX00940


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 5 août 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ", l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1603796 du 21 février 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par u

ne requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 28 mars et 15 mai 2017, Mme A...D..., rep...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 5 août 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ", l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1603796 du 21 février 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 28 mars et 15 mai 2017, Mme A...D..., représenté par MeF..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 21 février 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 août 2016 du préfet de la Haute-Garonne susmentionné ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de renouvellement de son titre séjour est insuffisamment motivée au regard de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 dès lors qu'elle ne tient pas compte des éléments qu'elle a produit quant au caractère réel et sérieux de ses études et ses liens personnels et familiaux en France ;

- cette décision est entachée de plusieurs erreurs de fait concernant son âge à son arrivée en France ainsi que l'existence de ses liens personnels et familiaux en France et dans son pays d'origine ;

- cette décision est entachée d'erreur de droit dès lorsqu'elle remplissait les deux conditions prévues par les articles 9 de la convention franco-togolaise et L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour se voir délivrer un titre de séjour étudiant, le préfet s'étant borné en l'espèce à lui opposer l'absence du caractère réel et sérieux de ses études qui n'est pourtant pas prévu par ces textes ;

- le préfet s'est estimé tenu par l'avis défavorable de la commission du titre de séjour laquelle s'est fondée à tort sur le motif tiré de ce qu'elle n'a pas de liens en France alors que l'ensemble des membres de sa famille sont de nationalité française et qu'elle est très proche de son demi-frère français à proximité duquel elle réside ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur le caractère réel et sérieux de ses études dès lors qu'elle a obtenu une licence en matière de finance ainsi qu'un diplôme en comptabilité et gestion et qu'elle est inscrite dans une formation pour obtenir un diplôme supérieur de comptabilité et de gestion dont la session d'examen a eu lieu au mois d'octobre 2016. L'absence de succès dans ses études depuis l'année scolaire 2012-2013 s'explique, d'une part, par le fait qu'elle a été très perturbée par l'accident dont a été victime son demi-frère et qui a nécessité son hospitalisation du 25 avril 2013 à novembre 2014 et l'a rendu tétraplégique, ce qui constitue un cas de force majeure et, d'autre part, par le fait que le cursus en comptabilité qu'elle suit depuis sa réorientation est très complexe et se caractérise ainsi par un très faible taux de réussite à cet examen (de l'ordre de 30 %) ;

- en outre, le tribunal s'est borné à relever qu'elle n'avait obtenu qu'un diplôme au cours de ses dix années d'études, pour confirmer l'absence de sérieux de celles-ci, alors qu'elle a validé au total six années d'études avant de s'inscrire au diplôme supérieur de comptabilité et de gestion (DSCG) ;

- par ailleurs, l'une de ses amies a obtenu le renouvellement de son titre de séjour en dépit du fait qu'elle n'ait, elle-même, pas réussi à valider son diplôme ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation de son intégration en France, où elle réside depuis douze années sans être jamais retournée dans son pays d'origine depuis l'année 2007, et où se trouvent de nombreux membres de sa famille ainsi que le patrimoine immobilier acquis par son père ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que ses attaches familiales se trouvent en France et que l'ensemble des membres de sa famille sont de nationalité française. A cet égard, sa mère de nationalité togolaise est décédée et elle n'entretient pas de lien intense avec ses demi-frère résidant au Togo, sachant que son demi-frère résidant en France est titulaire d'une carte d'handicapé, ce qui démontre la nécessité de sa présence auprès de celui-ci ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée en fait au regard de la loi du 11 juillet 1979 dès lors qu'elle ne mentionne pas les raisons pour lesquelles l'administration a pris une telle mesure à laquelle elle n'était pourtant pas tenue ;

- cette décision est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a pas été précédée de la procédure contradictoire prévue par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 et qu'elle n'a pas pu présenter ses observations orales ;

- cette décision est dépourvue de base légale dans la mesure où la décision de refus de séjour est illégale ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour les mêmes motifs que ceux évoqués précédemment ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire est entachée d'un défaut de motivation en droit et en fait dès lors qu'elle ne fait pas référence à l'ensemble de sa situation personnelle alors que le préfet doit démontrer qu'il a procédé à un examen particulier ;

- cette décision est entachée d'un vice de procédure dès lors que ses observations n'ont pas été recueillies préalablement à son édiction ;

- le préfet s'est estimé à tort en situation de compétence liée en n'examinant pas la possibilité de lui accorder un délai de départ supérieur à trente jours ;

- cette même décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que sa situation personnelle justifie qu'un délai supérieur à un mois lui soit octroyé ;

- la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'un défaut de motivation en fait dès lors qu'elle ne fait pas référence aux risques qu'elle encourt en cas de retour dans son pays d'origine, ce qui révèle un défaut d'examen de sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mai 2017, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.

Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 18 mai 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention franco-togolaise du 13 juin 1996 relative à la circulation et au séjour des personnes, dont la ratification a été autorisée par la loi n° 98-327 du 1er avril 1998, publiée par le décret n° 2001-1268 du 20 décembre 2001 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée, désormais reprise dans le code des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée, désormais reprise dans le code des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B...a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeD..., ressortissante togolaise née le 20 novembre 1987 à Adidogome (Togo), est entrée régulièrement en France le 5 septembre 2005 sous couvert de son passeport revêtu d'un visa étudiant délivré par le Consulat de France à Lomé. Le 15 janvier 2016, elle a sollicité le renouvellement du titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant " qui lui avait été délivré à compter du 11 octobre 2005 puis renouvelé sans discontinuer depuis lors, sur le fondement de l'article 9 de la convention franco-togolaise du 13 juin 1996 relative à la circulation et au séjour des personnes. L'intéressée résidant en France depuis plus de dix ans, son dossier de demande a été soumis au préalable à la commission du titre de séjour, saisie sur le fondement de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. A suite de l'avis défavorable rendu par cette instance consultative le 15 juin 2016, le préfet de la Haute-Garonne a, par un arrêté du 5 août 2016, refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A...D...relève appel du jugement du 21 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté préfectoral.

Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire :

2. Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 18 mai 2017. Par suite, ses conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont devenues sans objet.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la décision de refus de renouvellement de titre de séjour :

3. En premier lieu, l'arrêté du 5 août 2016 vise les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 9 de la convention franco-togolaise du 13 juin 1996 ainsi que les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à la situation de MmeD.... Il mentionne, rappel fait des conditions dans lesquelles l'intéressée est entrée en France et s'y est maintenue en qualité d'étudiante, qu' " elle ne démontre pas avoir créé sur le territoire national des liens personnels et familiaux d'une intensité et d'une stabilité telles qu'ils pourraient justifier sa régularisation, alors qu'elle a conservé de très importantes attaches familiales dans son pays d'origine, à savoir, selon ses déclarations (...), ses parents et ses trois demi-frères français " et que " célibataire et sans charge de famille, elle n'établit pas être dans l'impossibilité de poursuivre sa vie ailleurs qu'en France, et notamment au Togo, où elle a vécu la majeure partie de sa vie et où elle n'est pas isolée ". Ce même arrêté précise " qu'au terme de dix années d'études, [elle] a obtenu un diplôme de niveau Licence en comptabilité et gestion " et qu'elle " n'établit pas le caractère réel et sérieux de ses études compte tenu de l'absence de succès ou de progression significatifs depuis l'année scolaire 2012-2013. Ainsi, et contrairement à ce que soutient l'appelante, le préfet de la Haute-Garonne, qui n'était pas tenu de reprendre de manière exhaustive l'ensemble des éléments relatifs à sa situation personnelle, a suffisamment motivé en fait la décision de refus de renouvellement du titre de séjour contenue dans l'arrêté contesté. Par suite, le moyen tiré de ce que ladite décision serait insuffisamment motivée au regard de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 susvisée doit être écarté.

4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Garonne se serait estimé lié par l'avis défavorable rendu le 15 juin 2016 par la commission du titre de séjour, saisie sur le fondement de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans les conditions susexposées et qu'il aurait, ce faisant, entaché la décision de refus de séjour d'erreur de droit.

5. En troisième lieu, en vertu de l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers et les conditions de délivrance de ces titres s'appliquent " sous réserve des conventions internationales ". Aux termes de l'article 9 de la convention franco-togolaise du 13 juin 1996 susvisée : " Les ressortissants de chacun des États contractants désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation dans des disciplines spécialisées qui n'existent pas dans l'État d'origine sur le territoire de l'autre État doivent, outre le visa de long séjour prévu à l'article 4, justifier d'une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi, ou d'une attestation d'accueil de l'établissement où s'effectue le stage ainsi que, dans tous les cas, de moyens d'existence suffisants. / Les intéressés reçoivent un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite effective des études ou du stage et de la possession de moyens d'existence suffisants. ". Contrairement à ce que soutient la requérante, il résulte de ces stipulations que le renouvellement du titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant " est subordonné, notamment, à la justification par son titulaire de la réalité et du sérieux des études qu'il a déclaré accomplir. Dès lors, il appartient à l'administration, saisie d'une telle demande de renouvellement de ce titre de séjour, de rechercher, à partir de l'ensemble du dossier et sous le contrôle du juge, si l'intéressé peut être raisonnablement regardé comme poursuivant effectivement des études.

6. Il est constant qu'après avoir étudié, au cours des trois années universitaires 2005/2006, 2006/2007 et 2007/2008, au sein de l'institut supérieur européen de gestion, école de commerce privée, au terme desquelles elle a validé une troisième année en finances, non reconnue, Mme D...s'est inscrite, au cours des deux années suivantes 2008/2009 et 2009/2010, à l'école supérieure privée de commerce et de gestion avant d'obtenir un diplôme de niveau licence en matière de comptabilité et de gestion au cours de la sixième année 2010/2011. Toutefois, et ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal, l'intéressée n'est pas parvenue à obtenir le diplôme supérieur de comptabilité et de gestion (DSCG) au terme des quatre années universitaires 2011/2012, 2012/2013, 2013/2014 et 2014/2015 où elle était inscrite à cet effet au sein de l'institut Limayrac. En outre, Mme D...s'est bornée à produire aux services préfectoraux, dans le cadre de sa demande de renouvellement de son titre de séjour, une confirmation de son inscription pour les épreuves de ce même diplôme pour l'année 2015/2016, prévues selon ses propres dires au mois d'octobre 2016. Ainsi, à la date de l'arrêté contesté, le 5 août 2016, la requérante ne justifiait plus d'aucune progression dans ses études depuis cinq années consécutives. Si Mme D...se prévaut de ce qu'elle a été confrontée à des difficultés personnelles, à la suite de l'accident dont a été victime son demi-frère et qui a nécessité son hospitalisation du 25 avril 2013 à novembre 2014, cette circonstance ne saurait, à elle seule, expliquer un tel manque de progression, notamment au cours des années universitaires 2011/2012 et 2012/2013. Dans ces conditions, et nonobstant les circonstances que le pourcentage de réussite au diplôme supérieur de comptabilité et de gestion serait faible et que l'une de ses amies aurait obtenu le renouvellement de son titre de séjour en dépit d'une non-validation de son diplôme, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas commis d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation en refusant de lui renouveler le titre de séjour sollicité au motif tiré de ce que Mme D...ne justifiait pas du caractère réel et sérieux de ses études.

7. En quatrième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant pour contester le refus de renouvellement d'un titre de séjour en qualité d'étudiant, qui, ainsi qu'il a été dit au point 5, résulte seulement d'une appréciation de la réalité et du sérieux des études. Au demeurant, la circonstance que cette décision mentionne à tort, d'une part, que l'intéressée, née le 20 novembre 1987, était âgée de dix-huit ans lors de son entrée en France le 5 septembre 2005, et non de 17 ans et dix mois et que, d'autre part, ses deux parents résident au Togo alors que sa mère est décédée, sont sans incidence sur sa légalité dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que de telles erreurs factuelles aient influé sur l'appréciation portée par l'autorité préfectorale lors du refus de renouvellement de son titre de séjour.

8. En cinquième lieu, Mme D...se prévaut de ce qu'elle est bien intégrée en France, où elle réside depuis douze années sans être jamais retournée dans son pays d'origine depuis l'année 2007, et où se trouvent de nombreux membres de sa famille ainsi que le patrimoine immobilier acquis par son père, retourné pour sa part au Togo, où il a donné naissance à trois autres enfants. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en refusant de lui renouveler son titre de séjour, le préfet de la Haute-Garonne ait commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de ce refus sur la situation personnelle de l'intéressée.

En ce qui concerne les autres décisions contenues dans l'arrêt contesté :

9. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. ". En vertu du II de ce même article : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. (...) / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) / L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office. (...) ".

10. En premier lieu, il résulte de qui a été dit précédemment que la décision refusant le renouvellement du titre de séjour de Mme D...n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale doit être écarté.

11. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes des dispositions précitées du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'obligation de quitter le territoire prononcée à l'encontre d'un étranger à qui est opposé un refus de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de ce refus dès lors que, comme en l'espèce, ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives permettant de l'assortir d'une mesure d'éloignement ont été rappelées. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de Mme D...est entachée d'une insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté.

12. En troisième lieu, il ressort des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Par suite, l'appelante ne peut utilement invoquer, au soutien de ses conclusions aux fins d'annulation de la mesure d'éloignement prise à son encontre, la méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, désormais reprises par les articles L. 121-1 et L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration, en vertu desquelles : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. ".

13. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1.- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2.- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

14. Mme D...soutient que ses attaches familiales se trouvent en France et que l'ensemble des membres de sa famille sont de nationalité française. Elle se prévaut tout particulièrement de ce que sa mère de nationalité togolaise est décédée, qu'elle n'entretient pas de liens intenses avec ses demi-frères résidant au Togo, et que son demi-frère résidant en France est titulaire d'une carte d'handicapé et a besoin de sa présence à ses côtés afin de soulager sa propre mère. Toutefois, et ainsi qu'il a déjà été dit, l'intéressée, qui n'a jamais sollicité de titre de séjour en considération de ses liens personnels et familiaux, n'a été admise à séjourner sur le sol français qu'en tant qu'étudiante et n'avait pas vocation à s'y maintenir à l'issue de ses études. En outre, il ressort des pièces du dossier que MmeD..., célibataire et sans enfant à charge, n'est pas dépourvue de liens familiaux dans son pays d'origine, où résident son père et ses trois demi-frères. Enfin, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, l'intéressée, qui ne réside pas avec son demi-frère, tétraplégique, de nationalité française, dont elle déclare être proche, n'apporte aucun élément de nature à établir que sa présence à ses côtés serait indispensable. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la mesure d'éloignement contestée n'a pas porté au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, ladite décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa vie personnelle ou ses études lesquelles, ainsi qu'il a déjà été dit au point 6, n'ont enregistré aucune progression depuis l'année universitaire 2011/2012.

15. En cinquième lieu, il résulte des dispositions, précitées au point 9, que lorsque l'autorité administrative prévoit qu'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement dispose du délai de départ volontaire de trente jours, qui est le délai normalement applicable, ou d'un délai supérieur, elle n'a pas à motiver spécifiquement sa décision. Dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité formelle entachant la décision d'octroi d'un délai de départ volontaire à Mme D...doit être écarté.

16. En sixième lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que l'autorité préfectorale a examiné la possibilité d'octroyer à Mme D...un délai de départ volontaire supérieur à la durée de trente jours mentionnée par le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il a ainsi procédé à un examen particulier de sa situation personnelle. En outre, MmeD..., qui n'avait pas à être invitée au préalable à présenter ses observations, ne démontre pas que les circonstances de l'espèce justifiaient qu'un délai supérieur à trente jours dût lui être accordé pour exécuter la mesure d'éloignement dont elle a fait l'objet. La décision d'octroi d'un délai de départ volontaire de trente jours n'est donc pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

17. En septième et dernier lieu, l'arrêté contesté, qui vise notamment les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relève que l'intéressée est une ressortissante de nationalité togolaise faisant l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français et qu'elle n'établit pas être exposée à des peines ou traitements personnels réels et actuels contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La décision fixant le pays de renvoi qu'il contient comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui la fondent. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de ladite décision doit être écarté.

18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme D...tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D...est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera transmise au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2017, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. C...E..., premier conseillé,

M. Axel Basset, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 19 juin 2017.

Le rapporteur,

Axel B...Le président,

Pierre LarroumecLe greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

2

N° 17BX00940


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX00940
Date de la décision : 19/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Axel BASSET
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : DAVID-ESPOSITO

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-06-19;17bx00940 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award