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27/06/2017 | FRANCE | N°15BX03147

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 27 juin 2017, 15BX03147


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner l'Etat à lui verser une somme de 25 000 euros en réparation du préjudice découlant de la faute de l'administration qui lui a infligé, le 21 décembre 2011, une sanction disciplinaire de troisième groupe, rapportée le 30 avril 2012.

Par un jugement n°1300373 en date du 11 juin 2015, le tribunal administratif de la Martinique a condamné l'Etat à payer à Mme C...la somme de 1 500 euros en réparation de son préjudice mora

l et des troubles dans les conditions de l'existence et rejeté le surplus de sa req...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner l'Etat à lui verser une somme de 25 000 euros en réparation du préjudice découlant de la faute de l'administration qui lui a infligé, le 21 décembre 2011, une sanction disciplinaire de troisième groupe, rapportée le 30 avril 2012.

Par un jugement n°1300373 en date du 11 juin 2015, le tribunal administratif de la Martinique a condamné l'Etat à payer à Mme C...la somme de 1 500 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles dans les conditions de l'existence et rejeté le surplus de sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 septembre 2015, Mme B...C..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 juin 2015 du tribunal administratif de la Martinique en tant qu'il limite à 1 500 euros le montant de son indemnisation et de condamner l'Etat à lui payer la somme de 25 000 euros en réparation de son préjudice ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le ministre de la défense a commis une faute à son encontre lui infligeant par un arrêté en date du 21 décembre 2011 une sanction disciplinaire de troisième groupe, arrêté qui a, par la suite, été rapporté par cette même administration le 30 avril 2012 ;

- elle ne pouvait ni chercher un emploi pendant la période d'éviction illicite, ni même solliciter le revenu de remplacement de Pôle Emploi puisqu'elle restait liée à l'administration ;

- l'administration l'a maintenue pendant plus de six mois dans un état de précarité, pendant lequel elle a subi différents préjudices ;

- la privation de revenus n'a pu qu'accentuer ses difficultés financières ;

- le versement de la somme de 15 629,74 euros au titre des arriérés de traitement est intervenu trop tard pour permettre un prélèvement bancaire le 5 juillet 2012 ;

- les attestations de proches relatives à des prêts personnels n'ont pu être établies qu'une fois l'illégalité de la sanction reconnue ;

- la sanction a augmenté considérablement le syndrome anxio-dépressif dont elle souffrait ;

- les premiers juges ont insuffisamment estimé les troubles dans les conditions de l'existence et le préjudice moral dont elle a souffert.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 novembre 2016, le ministre de la défense conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 18 novembre 2016, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 16 janvier 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Philippe Delvolvé ;

- et les conclusions de M. David Katz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C...a été recrutée en qualité d'assistante de service social du ministère de la défense et des anciens combattants en 1998. Elle a été affectée depuis 2004 à l'échelon national de la Martinique avec pour mission d'assurer le soutien des effectifs du Comgend de la base navale de Fort-de-France. Par un arrêté en date du 21 décembre 2011, le ministre de la défense lui a infligé la sanction disciplinaire de l'exclusion temporaire de fonctions d'un an assortie d'un sursis de six mois. Par une ordonnance n° 1200225 du 3 avril 2012, le tribunal administratif de la Martinique a suspendu l'exécution de cet arrêté. Par un arrêté du ministre de la défense en date du 30 avril 2012, l'arrêté du 21 décembre 2011 a été rapporté et Mme C... a été réintégrée dans ses fonctions à compter du 11 janvier 2012. Par une ordonnance n° 1200224 du 15 juin 2012, le tribunal administratif de la Martinique a constaté le retrait de la décision en litige et prononcé un non-lieu à statuer sur la requête à fin d'annulation, à fin de réintégration et à fin de versement des traitements échus depuis le début de la mesure d'exclusion temporaire. Mme C...a présenté le 17 janvier 2013 une demande tendant à l'indemnisation des préjudices qu'elle prétend avoir subis en raison de la sanction qui lui a été infligée et qui a été ensuite retirée. Elle relève appel du jugement en date du 11 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a limité le montant de son indemnisation à la somme de 1 500 euros.

Sur la responsabilité :

2. L'illégalité d'une décision constitue une faute de nature à engager la responsabilité d'une personne publique pour autant qu'elle ait été à l'origine d'un préjudice direct et certain.

3. Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, il résulte de l'instruction que le tribunal administratif de la Martinique a suspendu l'exécution de l'arrêté du 21 décembre 2011 prononçant à l'encontre de Mme C...une exclusion temporaire de fonctions d'un an assortie d'un sursis de six mois au motif que les moyens tirés de ce que qu'il était insuffisamment motivé, entaché d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation étaient propres à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cette sanction. Le ministre de la défense, qui a retiré cette dernière postérieurement à la suspension de cet arrêté, ne conteste pas plus en appel qu'en première instance l'illégalité de la sanction en litige. C'est donc à bon droit que le tribunal administratif de La Martinique a retenu que l'Etat devait être tenu pour responsable des préjudices causés par cette décision illégale.

Sur les préjudices :

4. Mme C...soutient que si la sanction en litige n'est pas à l'origine de l'état anxiodépressif dont elle souffrait préalablement comme en attestent deux certificats médicaux établis les 10 novembre 2010 et 9 avril 2011, elle a néanmoins aggravé sa dépression. Cependant, aucun élément ne vient attester l'existence d'une telle aggravation.

5. Mme C...ne conteste pas le versement d'une somme de 15 629,74 euros qui correspondait à son droit d'être indemnisée à hauteur des traitements qu'elle aurait pu percevoir pendant la période de son exclusion, soit du 11 janvier au 31 mai 2012. Elle soutient, comme en première instance, qu'elle a droit à être indemnisée de son préjudice financier au double motif qu'elle a dû solliciter l'aide financière de sa famille et de ses amis et que, faisant l'objet d'une mesure d'interdiction bancaire, elle n'a pu honorer ses crédits immobiliers contractés auprès de la banque postale.

6. Cependant, et ainsi que l'a retenu le tribunal administratif de la Martinique, si l'intéressée produit des attestations de reconnaissance de dettes émanant de sa soeur, d'un ami, de son beau-frère et de sa belle-soeur, celles-ci, datées des 18 juillet, 20 juillet et 20 août 2012, sont postérieures non seulement à l'arrêté du 30 avril 2012 rapportant la décision du 21 décembre 2011 mais également au versement par l'administration de la somme de 15 629,74 euros au titre de la perte des rémunérations mentionnée sur son bulletin de paye de juin 2012. Elle ne peut donc être regardée comme établissant le lien entre le préjudice qu'elle allègue et la faute de l'administration. En tout état de cause, Mme C..., qui a obtenu en première instance la condamnation de l'administration à l'indemniser de ses troubles dans ses conditions d'existence, n'apporte aucune précision sur la nature et l'étendue du préjudice autre qu'elle aurait subi du fait de ces prêts. Ses conclusions sur ce point doivent, par suite, être rejetées.

7. S'agissant des difficultés d'ordre bancaire, Mme C...n'établit nullement l'existence d'un lien de causalité entre la privation de traitement pendant six mois et les difficultés bancaires qu'elle invoque. Elle ne remet pas en cause les constatations faites par les premiers juges selon lesquelles par un courrier en date du 20 janvier 2012 adressé à sa banque, Mme C...a fait état d'un plan amiable en précontentieux en date du 18 novembre 2011 ayant pour objet " l'apurement de [ses ] impayés " et demandant le report des échéances. Elle n'établit pas davantage que la date de l'interdit bancaire correspond à la période pendant laquelle elle a été privée de traitements, ni que le prélèvement en date du 5 juillet 2012 rejeté par sa banque soit justifié par l'absence de traitements sur son compte bancaire dès lors que le rejet de ce prélèvement est postérieur à l'arrêté du 30 avril 2012 rapportant la décision

du 21 décembre 2011 mais également au versement par l'administration de la somme de 15 629,74 euros correspondant à son droit d'être indemnisée à hauteur des traitements qu'elle aurait pu percevoir pendant la période de son exclusion.

8. Il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges auraient fait une mauvaise appréciation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis par Mme C... en lui allouant à ce titre une somme de 1 500 euros.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a limité le montant de son indemnisation à la somme de 1 500 euros.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme C...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme B...C...et au ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Gil Cornevaux, président-assesseur,

M. Philippe Delvolvé, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 juin 2017.

Le rapporteur,

Philippe DelvolvéLe président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Delphine Céron

La République mande et ordonne au ministre des armées, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme,

Le greffier

Delphine Céron

2

No 15BX03147


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX03147
Date de la décision : 27/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Préjudice.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Philippe DELVOLVÉ
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : CELENICE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-06-27;15bx03147 ?
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