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30/06/2017 | FRANCE | N°15BX02632

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 30 juin 2017, 15BX02632


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, d'un montant total de 35 093 euros, auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1304590 du 23 juin 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 23 juillet 2015, 5 janvier 2016 et 13 avril 2017, Mme C...

B..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, d'un montant total de 35 093 euros, auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1304590 du 23 juin 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 23 juillet 2015, 5 janvier 2016 et 13 avril 2017, Mme C...B..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 23 juin 2015 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, d'un montant total de 35 093 euros, auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la doctrine admet que, lorsque le contrat d'agent commercial s'est poursuivi pendant au moins deux ans, l'indemnité de résiliation bénéficie du régime des plus-values professionnelles ; en vertu de cette doctrine, la rupture d'un contrat d'agent commercial de plus de deux ans s'assimile à la perte d'un élément d'actif immobilisé ; l'indemnité qui lui a versée au titre de l'article L. 134-12 du code de commerce, alors que son contrat d'agent commercial était conclu depuis plus de deux ans, doit ainsi être analysée comme la contrepartie d'un élément d'actif incorporel ; cette indemnité doit, dès lors, bénéficier du régime fiscal des plus-values professionnelles prévu par l'article 39 duodecies du code général des impôts ; l'interprétation autonome ainsi faite par la doctrine est opposable à l'administration fiscale ; le juge n'est pas tenu par les termes d'un contrat ;

- elle disposait, durant l'exécution de son contrat d'agent commercial, d'une clientèle propre et personnelle ; la rupture de son contrat doit dès lors s'analyser comme une cession de branche d'activité complète au sens de l'article 238 quindecies du code général des impôts ; cette analyse a été retenue par la jurisprudence en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;

- les termes du protocole d'accord conclu le 21 décembre 2011 révèlent que l'indemnité visait à compenser la perte d'exploitation de la quote-part de clientèle lui appartenant.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 décembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics (direction du contrôle fiscal sud-ouest) conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- nonobstant le régime fiscal qui lui est appliqué, l'indemnité d'éviction prévue par le code de commerce ne constitue pas la perte d'un élément d'actif incorporel, mais bien la réparation du préjudice subi lié à une perte d'activité ; la doctrine invoquée ne contredit pas cette position ;

- le protocole transactionnel conclu entre Mme B...et la société Luxottica France précise expressément que la somme versée l'est en réparation du préjudice résultant de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune ;

- la requérante n'était pas propriétaire de sa clientèle ; la rupture de contrat d'agent commercial n'a ainsi pas entraîné un transfert de patrimoine ; l'indemnité en cause ne peut dès lors bénéficier du régime d'exonération prévu par l'article 238 quindecies du code général des impôts.

Un mémoire, présenté par le ministre des finances et des comptes publics (direction du contrôle fiscal sud-ouest), a été enregistré le 28 juillet 2016.

Par ordonnance du 27 avril 2017, la clôture d'instruction a été reportée au 5 mai 2017 à 12 heures.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,

- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B...relève appel du jugement n° 1304590 du 23 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, d'un montant total de 35 093 euros, auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2012.

Sur l'application de la loi fiscale :

2. D'une part, aux termes de l'article 238 quindecies du code général des impôts :

" I. - Les plus-values soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies et réalisées dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole à l'occasion de la transmission d'une entreprise individuelle ou d'une branche complète d'activité autres que celles mentionnées au V sont exonérées pour : 1° La totalité de leur montant lorsque la valeur des éléments transmis servant d'assiette aux droits d'enregistrement mentionnés aux articles 719, 720 ou 724 ou des éléments similaires utilisés dans le cadre d'une exploitation agricole est inférieure ou égale à 300 000 euros (...) ". L'article 39 quindecies de ce code dispose : " I. 1. Sous réserve des dispositions des articles 41, 151 octies et 210 A à 210 C, le montant net des plus-values à long terme fait l'objet d'une imposition séparée au taux de 16 %. " .

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 134-1 du code de commerce : " L'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux (...). ". L'article L. 134-11 de ce code dispose : " Un contrat à durée déterminée qui continue à être exécuté par les deux parties après son terme est réputé transformé en un contrat à durée indéterminée. Lorsque le contrat d'agence est à durée indéterminée, chacune des parties peut y mettre fin moyennant un préavis. Les dispositions du présent article sont applicables au contrat à durée déterminée transformé en contrat à durée indéterminée. Dans ce cas, le calcul de la durée du préavis tient compte de la période à durée déterminée qui précède. La durée du préavis est d'un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée, de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes. (...) Ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque le contrat prend fin en raison d'une faute grave de l'une des parties ou de la survenance d'un cas de force majeure.". Selon l'article L. 134-12 du même code : " En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi. (...) ".

4. Il résulte de l'instruction que MmeB..., qui exerce l'activité d'agent commercial à titre indépendant, a conclu le 23 octobre 2011 avec la société Oakley Europe un contrat d'agent commercial portant sur la distribution de produits conçus par la société Oakley Inc, contrat qui a par la suite été transmis à la société Luxottica France. A la suite de la rupture de ce contrat, la société Luxottica France et Mme B...ont conclu le 21 décembre 2011 un protocole d'accord transactionnel qui prévoit notamment le versement au profit de Mme B...d'une somme de 118 854 euros au titre de l'indemnité prévue par l'article L. 134-12 du code de commerce en réparation du préjudice résultant de " la perte des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune ". Cette indemnité, versée à Mme B...en 2012, a été déclarée par l'intéressée et, à hauteur d'une somme de 116 406 euros, a été taxée au taux réduit de 16 % applicable aux plus-values professionnelles et soumise aux prélèvements sociaux. Mme B...demande la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui en ont résulté, qui se montent respectivement à 17 825 euros et 17 268 euros, en faisant valoir que ladite indemnité, destinée à compenser la perte de l'élément incorporel d'actif que constituait sa clientèle, doit être qualifiée de plus-value à long terme au sens des dispositions précitées de l'article 39 quindecies du code général des impôts et bénéficier de l'exonération prévue par le 1° du I de l'article 238 quindecies dudit code.

5. MmeB..., qui a été imposée sur la base de ses propres déclarations, supporte la charge de la preuve en vertu de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales. Si elle fait valoir qu'elle a cédé une clientèle qui lui était " propre et personnelle " à la société Luxottica France, les prestations d'un agent commercial sont, en vertu de l'article L. 134-1 précité du code de commerce, accomplies au nom et pour le compte du mandant, de sorte que l'agent commercial n'est pas propriétaire de la clientèle de ce dernier. Au demeurant, il ne résulte nullement des termes du protocole d'accord susmentionné, qui précise que l'indemnité est versée en application de l'article L. 134-12 du code de commerce aux fins de réparer le préjudice résultant de la rupture du contrat d'agent commercial, que les parties audit protocole auraient en réalité entendu conclure une convention de cession de clientèle.

6. Par suite, et ainsi que l'ont estimé les premiers juges, la requérante n'établit pas que l'indemnité perçue en contrepartie de la cessation de l'exercice de son mandat d'agent commercial aurait constitué le prix de cession d'une branche complète d'activité et serait ainsi au nombre des plus-values exonérées en application des dispositions de l'article 238 quindecies précité du code général des impôts.

Sur l'application de la doctrine administrative :

7. La décision de rescrit n° 2006/26 du 28 mars 2006, qui a été publiée au BOFIP (BOI-BNC-BASE-20-20 n°570), prévoit que : " Dès lors qu'il agit comme mandataire au nom et pour le compte de son mandant, l'agent commercial n'est pas titulaire d'une clientèle qui lui est propre. / Il en résulte que l'indemnité perçue de son mandant à l'occasion de la rupture unilatérale de son contrat (en application des dispositions prévues à l'article L. 134-12 du code de commerce) ne constitue pas, en principe, la contrepartie de la perte d'un élément de l'actif incorporel, mais a seulement pour objet de réparer le préjudice consécutif à la perte de son activité. / Par conséquent, ce versement, qui représente pour l'agent commercial l'indemnisation de la perte de ses recettes professionnelles à la suite de la rupture de son contrat, doit être, en principe, imposé comme un produit courant. / Toutefois, eu égard aux critères posés par la jurisprudence, il a paru possible d'admettre que l'indemnité de résiliation perçue de son mandant à titre individuel par un agent commercial pourra bénéficier d'une taxation au taux réduit en tant que plus-value professionnelle à condition que le contrat ait été conclu depuis au moins deux ans. / Cette solution est applicable aux contentieux en cours ou à naître. Il convient de préciser que les sommes perçues à l'occasion de la cession à un tiers par un agent commercial, après accord de son mandant du droit de présentation attaché au contrat d'agence (en application des dispositions prévues à l'article L. 134-13 du code de commerce), bénéficient d'ores et déjà du régime d'imposition des plus-values professionnelles. ".

8. Si Mme B...invoque, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscale, le bénéfice de cette doctrine, il résulte de l'instruction que l'administration en a fait application en taxant l'indemnité compensatrice en litige au taux réduit des plus-values professionnelles. Cette doctrine, qui doit être interprétée de manière stricte, ne saurait être interprétée comme rendant également applicable, par dérogation à la loi fiscale, à l'indemnité compensatrice de la rupture d'un contrat d'agent commercial, le régime d'exonération des plus-values tel qu'il est défini par les dispositions précitées du 1° du I de l'article 238 quindecies dudit code. Le moyen ne peut dès lors, en tout état de cause, qu'être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, dès lors, être accueillies.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2017 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 30 juin 2017.

Le rapporteur,

Marie-Pierre BEUVE DUPUYLe président,

Aymard de MALAFOSSE

Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 15BX02632


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX02632
Date de la décision : 30/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-05 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices non commerciaux.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre DUPUY
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS QUESNEL ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-06-30;15bx02632 ?
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