La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/06/2017 | FRANCE | N°17BX00169

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 30 juin 2017, 17BX00169


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...F...A...'oh a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 17 juin 2016 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1600943 du 27 octobre 2016, le tribunal administratif de Limoges a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 janvier

2017, Mme B...F...A...'oh, représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugeme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...F...A...'oh a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 17 juin 2016 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1600943 du 27 octobre 2016, le tribunal administratif de Limoges a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 janvier 2017, Mme B...F...A...'oh, représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 octobre 2016 du tribunal administratif de Limoges ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour, ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation, dans un délai de vingt jours à compter de la notification de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le refus de séjour ne vise pas les articles L. 121-1 et L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet n'a pas instruit sa demande de séjour en qualité de parent d'un enfant mineur citoyen de l'Union européenne ; elle avait produit la carte d'identité espagnole de son fils à l'appui de sa demande, laquelle était ainsi fondée sur lesdites dispositions ;

- elle remplit les conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 121-1 et l. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 20 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; elle travaille sous couvert d'un contrat à durée indéterminée depuis le 6 juillet 2015 et perçoit un revenu brut mensuel de 1 183, 20 euros ; elle produit une attestation d'assurance maladie pour ses enfants et elle-même ;

- le refus de séjour a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; elle travaille sous couvert d'un contrat à durée indéterminée, est insérée, a à sa charge ses deux enfants mineurs dont l'un est de nationalité espagnole, ainsi que ses deux soeurs qui sont scolarisées en France en classes de première et terminale ; sa mère vit en Espagne ; elle a quitté le Cameroun et n'y a plus d'attache ;

- le refus de séjour pris au titre des dispositions de l'article L. 313-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est entaché d'une erreur de droit, le préfet s'étant cru lié par l'avis émis par les services de la DIRECCTE, renonçant à exercer son pouvoir de régularisation ;

- le refus de séjour a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ; l'intérêt de ses enfants est qu'elle soit en situation régulière et subvienne à leurs besoins ;

- le refus de séjour repose sur une erreur de fait ; son fils Prince n'a en effet pas la double nationalité camerounaise et espagnole ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est privée de base légale ;

- la décision d'éloignement ne pouvait être fondée sur les dispositions de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle est mère d'un ressortissant communautaire ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et repose sur une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 avril 2017, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requérante, compte tenu de la composition de son foyer, ne justifie pas de ressources suffisantes pour prétendre à la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'un ressortissant de l'Union européenne ;

- le fils de la requérante de nationalité espagnole a aussi la nationalité camerounaise ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnues ; la requérante, entrée en France récemment, est célibataire ; son fils ainé vit au Cameroun, ses demi-soeurs vivant en France sont majeures ;

- la requérante ne démontre pas être exposée à des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ;

- il ne s'est pas estimé lié par l'avis de la DIRECCTE et a procédé à un examen particulier de la situation de la requérante ;

- sa décision, qui n'a pas pour effet de séparer la requérante de ses enfants, dont la scolarisation est récente, n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il n'a pas commis d'erreur de droit en prononçant l'obligation de quitter le territoire français litigieuse, laquelle n'est pas privée de base légale et ne procède pas d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par une ordonnance du 24 avril 2017, la clôture d'instruction a été reportée au 19 mai 2017 à 12 heures.

Par une décision du 30 décembre 2016, le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale a été accordé à MmeA...'oh.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- les arrêts de la Cour de justice de l'Union Européenne C-413/99 du 17 septembre 2002, C- 200/02 du 19 octobre 2004, C-34/09 du 8 mars 2011, C-86/12 du 10 octobre 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,

- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. MmeA...'oh, ressortissante camerounaise titulaire d'une carte de séjour délivrée par l'Espagne valable jusqu'au 2 août 2015, est arrivée en France en décembre 2013 selon ses déclarations, avec deux de ses enfants, Jason, né le 20 juillet 2012, et Prince Aaron, né le 4 mai 2009, qui est de nationalité espagnole. Elle a sollicité par courrier du 5 juin 2015 son admission au séjour et s'est vue opposer, par un arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 17 juin 2016, un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français. Elle relève appel du jugement n° 1600943 du 27 octobre 2016, par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 20 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Il est institué une citoyenneté de l'Union. Est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un État membre. La citoyenneté de l'Union s'ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas. 2. Les citoyens de l'Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par les traités. Ils ont, entre autres: a) le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ; [...] Ces droits s'exercent dans les conditions et limites définies par les traités et par les mesures adoptées en application de ceux-ci. ". Aux termes de l'article 7 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, intitulé " Droit de séjour de plus de trois mois " : " 1. Tout citoyen de l'Union a le droit de séjourner sur le territoire d'un autre État membre pour une durée de plus de trois mois: [...] b) s'il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale de l'État membre d'accueil au cours de son séjour, et d'une assurance maladie complète dans l'État membre d'accueil [...] 2. Le droit de séjour prévu au paragraphe 1 s'étend aux membres de la famille n'ayant pas la nationalité d'un État membre lorsqu'ils accompagnent ou rejoignent dans l'État membre d'accueil le citoyen de l'Union, pour autant que ce dernier satisfasse aux conditions énoncées au paragraphe 1, points a), b) ou c) ". Ces dispositions combinées, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, notamment dans les arrêts visés ci-dessus, confèrent au ressortissant mineur d'un Etat membre, en sa qualité de citoyen de l'Union, ainsi que, par voie de conséquence, au ressortissant d'un Etat tiers, parent de ce mineur et qui en assume la charge, un droit de séjour dans l'Etat membre d'accueil à la double condition que cet enfant soit couvert par une assurance maladie appropriée et que le parent qui en assume la charge dispose de ressources suffisantes. L'Etat membre d'accueil, qui doit assurer aux citoyens de l'Union la jouissance effective des droits que leur confère ce statut, ne peut refuser à l'enfant mineur, citoyen de l'Union, et à son parent, le droit de séjourner sur son territoire que si l'une au moins de ces deux conditions, dont le respect permet d'éviter que les intéressés ne deviennent une charge déraisonnable pour ses finances publiques, n'est pas remplie. Dans pareille hypothèse, l'éloignement forcé du ressortissant de l'Etat tiers et de son enfant mineur ne pourrait, le cas échéant, être ordonné qu'à destination de l'Etat membre dont ce dernier possède la nationalité ou de tout Etat membre dans lequel ils seraient légalement admissibles.

3. En premier lieu, le courrier du 5 juin 2015 par lequel MmeA...'oh a demandé son admission au séjour ne précise pas le fondement de cette demande et fait notamment état, ainsi que le relève l'arrêté querellé, de la présence en France d'un enfant mineur de nationalité espagnole. Ainsi que l'a d'ailleurs expressément admis le préfet de la Haute-Vienne dans son mémoire en défense produit devant le tribunal, cette demande doit ainsi être regardée comme tendant à la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'ascendant d'un citoyen de l'Union européenne. L'arrêté attaqué, qui mentionne qu'au soutien de sa demande, MmeA...'oh met en avant la présence en France de deux de ses enfants dont l'un a la double nationalité espagnole et camerounaise et indique que " l'intéressée ne remplit aucune condition permettant la délivrance d'un titre de séjour en France ", rejette la demande de séjour présentée par la requérante notamment en tant qu'elle est fondée sur sa qualité de mère d'un enfant mineur citoyen de l'Union européenne. Par suite, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les moyens invoqués par MmeA...'oh à l'appui de la contestation de ce refus de titre de séjour étaient inopérants.

4. En deuxième lieu, la jouissance effective du droit de séjour dans l'Etat membre d'accueil par un citoyen de l'Union européenne mineur implique nécessairement le droit pour celui-ci d'être accompagné par la personne qui en assure effectivement la garde. MmeA...'oh tire ainsi de sa qualité de mère d'un enfant mineur, citoyen de l'Union, le droit de séjourner en France, Etat membre d'accueil, sous la double condition de disposer de ressources suffisantes et d'une couverture d'assurance maladie appropriée.

5. Si le préfet de la Haute-Vienne ne conteste ni que MmeA...'oh a la garde du jeuneE..., de nationalité espagnole et camerounaise, ni que cet enfant est couvert par une assurance maladie appropriée, ce dont il est au demeurant justifié, il fait en revanche valoir qu'elle ne peut prétendre séjourner sur le territoire français en sa qualité de mère d'un mineur, citoyen de l'Union, dès lors qu'elle ne justifie pas de ressources suffisantes au regard de la composition de son foyer.

6. Il ressort des pièces du dossier que le foyer de MmeA...'oh est composé d'elle-même, ses deux enfants, Jason et Prince Aaron, et de ses deux demi-soeurs, nées les 21 janvier 1996 et 21 novembre 1998. La requérante travaille depuis le 6 juillet 2015 comme femme de chambre sous couvert d'un contrat à durée indéterminée, et est qualifiée d' " employée modèle " par une attestation de son employeur du 21 juillet 2016. Cette activité lui procure des ressources stables et régulières d'un montant mensuel moyen d'environ 950 euros. Dans ces conditions, la charge que le foyer de MmeA...'oh est susceptible de faire peser sur les finances publiques françaises ne peut être regardée comme déraisonnable au sens des stipulations précitées. Il suit de là que MmeA...'oh est, en sa qualité de mère d'un enfant mineur, citoyen de l'Union, en droit de prétendre à la délivrance d'un titre de séjour. Les décisions l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi sont, par suite, privées de base légale.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que MmeA...'oh est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 17 juin 2016.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Compte tenu des motifs sur lesquels elle repose, l'annulation de l'arrêté attaqué implique nécessairement que soit délivré un titre de séjour à MmeA...'oh. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de délivrer ce titre dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. MmeA...'oh s'étant vue accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, il n'y a pas lieu de faire droit à ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1600943 du tribunal administratif de Limoges du 27 octobre 2016 et l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 17 juin 2016 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Vienne de délivrer un titre de séjour à Mme A...'oh dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M B...F...A...'oh, au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2017 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 juin 2017.

Le rapporteur,

Marie-Pierre BEUVE DUPUYLe président,

Aymard de MALAFOSSE

Le greffier,

Virginie C...

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX00169


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX00169
Date de la décision : 30/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre DUPUY
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : MARTY

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-06-30;17bx00169 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award