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30/06/2017 | FRANCE | N°17BX00363

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 30 juin 2017, 17BX00363


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 3 avril 2015 par laquelle le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1502372 du 22 décembre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 2 et 17 février 2017, Mme B...A..., représentée par Me Landete, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce ju

gement du 22 décembre 2016 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler ladite décision ;

3°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 3 avril 2015 par laquelle le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1502372 du 22 décembre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 2 et 17 février 2017, Mme B...A..., représentée par Me Landete, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 décembre 2016 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler ladite décision ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour en qualité de membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne d'une durée de validité de cinq ans ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision est entachée d'incompétence de son signataire, à défaut, pour l'administration, d'établir la publication régulière de l'arrêté de délégation de signature ;

- elle a droit à un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 121-1 et L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en sa qualité de conjoint d'un ressortissant espagnol justifiant d'un droit au séjour en France ; son époux exerce une activité professionnelle en France, et cette activité n'est pas exercée à titre accessoire ; il a perçu d'avril 2014 à avril 2015 une rémunération se montant, en moyenne, à 1 045 euros net par mois, de sorte que la majorité des ressources du foyer ne provenait pas des aides sociales de l'Etat français ; les trois enfants du couple sont scolarisés en France ;

- sa situation a évolué depuis l'édiction de la décision attaquée ; son époux travaille depuis le 5 janvier 2017 sous couvert d'un contrat de travail à temps complet conclu pour une durée indéterminée, et elle bénéficie d'une promesse d'embauche ; sa famille ne constitue pas une charge déraisonnable pour le système d'aide sociale français ;

- le refus de séjour procède d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 avril 2017, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'il s'en remet à ses écritures produites devant le tribunal.

Par une ordonnance du 11 avril 2017, la clôture d'instruction a été reportée au 28 avril 2017 à 12 heures.

Par une décision du 23 février 2017, le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale a été accordé à MmeA....

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,

- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. MmeA..., ressortissante marocaine née le 20 juin 1977, a épousé le 28 mars 1997 M.C..., de nationalité espagnole, et trois enfants sont nés de cette union les 22 octobre 1998, 25 mai 2003 et 24 avril 2010. Elle est entrée en France en avril 2014 selon ses déclarations, et a sollicité, le 2 juin suivant, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 121-1 et L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en qualité de membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne. Par une décision du 3 avril 2015, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité. Mme A...relève appel du jugement n° 1502372 du 22 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; (...) 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2°(...)". Aux termes de l'article L. 121-3 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° ou 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois. S'il est âgé de plus de dix-huit ans ou d'au moins seize ans lorsqu'il veut exercer une activité professionnelle, il doit être muni d'une carte de séjour. Cette carte, dont la durée de validité correspond à la durée de séjour envisagée du citoyen de l'Union dans la limite de cinq années, porte la mention : " carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union. ". Il résulte de ces dispositions combinées que le ressortissant d'un Etat tiers ne dispose d'un droit au séjour en France en qualité de conjoint d'un ressortissant de l'Union européenne que dans la mesure où son conjoint remplit lui-même les conditions fixées au 1° ou au 2° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui sont alternatives et non cumulatives.

3. D'autre part, les dispositions du 1° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui assurent la transposition en droit interne de la directive n° 2004/38/CE, doivent être interprétées à la lumière du droit communautaire, et plus particulièrement de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés Européennes relative à la notion de " travailleur " au sens de l'article 39 CE, devenu article 45 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Il résulte notamment de la décision du 4 juin 2009, C-22/08 et C-23/08, " Athanasios Vatsouras et Josif Koupatantze " que doit être considérée comme " travailleur " toute personne qui exerce des activités réelles et effectives, à l'exclusion d'activités tellement réduites qu'elles se présentent comme purement marginales et accessoires.

4. Le préfet de la Gironde a refusé l'admission au séjour de Mme A...aux motifs, d'une part, que son époux, citoyen de l'Union européenne, ne travaillait qu'à titre accessoire, d'autre part, que le foyer constitué par son époux, elle-même et leurs trois enfants ne disposait pas de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système national d'aide sociale. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'à la date du 3 avril 2015 d'édiction de la décision attaquée, l'époux de Mme A...avait travaillé en France en qualité d'ouvrier agricole de janvier à juin 2014, en octobre 2014, puis de décembre 2014 à avril 2015, soit pendant douze mois sur une période de seize mois, et a bénéficié d'allocations de retour à l'emploi entre août et novembre 2014. Les bulletins de salaire versés au dossier révèlent que ce dernier a, au cours de la période durant laquelle il travaillait, perçu une rémunération mensuelle moyenne de l'ordre de 1 045 euros net et travaillé en moyenne entre 17 et 18 jours par mois. Les conditions d'activité de l'époux de Mme A...ne permettent ainsi pas de regarder son activité professionnelle comme purement marginale ou accessoire. L'époux de Mme A...devait, dès lors, être regardé comme exerçant en France une activité professionnelle réelle et effective et, par suite, comme remplissant la condition prévue au 1° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Mme A...est ainsi fondée à soutenir qu'elle remplissait les conditions prévues au 4° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour bénéficier d'un droit à séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois et qu'en lui opposant un refus de titre de séjour, le préfet de la Gironde a fait une inexacte application des dispositions précitées des articles L. 121-1 et L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Il résulte de ce qui précède que Mme A...est fondée à soutenir, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de la Gironde du 3 avril 2015.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Aux termes de l'article L. 121-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° ou 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois. / S'il est âgé de plus de dix-huit ans ou d'au moins seize ans lorsqu'il veut exercer une activité professionnelle, il doit être muni d'une carte de séjour. Cette carte, dont la durée de validité correspond à la durée de séjour envisagée du citoyen de l'Union dans la limite de cinq années, porte la mention : "carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union " (...) ". Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction saisie de conclusions en ce sens, prescrit par la même décision cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

7. Compte tenu de la durée du séjour envisagée pour l'époux de la requérante, titulaire depuis le 5 janvier 2017 d'un contrat de travail à temps complet pour une durée indéterminée comme ouvrier agricole, et pour les enfants du couple, ressortissants espagnols, scolarisés en France, la reconnaissance d'un droit au séjour à Mme A...en sa qualité de conjoint d'un citoyen de l'Union implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à l'intéressée une carte de séjour " membre de la famille d'un citoyen de l'Union " d'une durée de validité de cinq ans. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Gironde de procéder à la délivrance du titre sollicité dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée de 1 500 euros à verser à Me Landete, avocat de MmeA..., au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1502372 du tribunal administratif de Bordeaux du 22 décembre 2016 et la décision du préfet de la Gironde du 3 avril 2015 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à Mme A...une carte de séjour " membre de la famille d'un citoyen de l'Union " d'une durée de validité de cinq ans dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Landete, avocat de MmeA..., une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, au préfet de la Gironde et à Me Landete.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2017 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 juin 2017.

Le rapporteur,

Marie-Pierre BEUVE DUPUYLe président,

Aymard de MALAFOSSE

Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX00363


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX00363
Date de la décision : 30/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre DUPUY
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : LANDETE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-06-30;17bx00363 ?
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