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03/07/2017 | FRANCE | N°15BX02287

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 03 juillet 2017, 15BX02287


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D...a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner Pôle emploi Martinique à lui verser la somme de 27 563,91 euros au titre de l'allocation de solidarité spécifique qui ne lui pas été versée entre 2006 et 2013, somme à assortir des intérêts légaux capitalisés à compter du 5 octobre 2006, la somme de 2 902,15 euros, correspondant au différé de retraite non perçu au 28 février 2015, la somme de 5 664 euros au titre de l'aide au logement qu'il n'a pu percevoir depuis le 1er

novembre 2012, la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour so...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D...a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner Pôle emploi Martinique à lui verser la somme de 27 563,91 euros au titre de l'allocation de solidarité spécifique qui ne lui pas été versée entre 2006 et 2013, somme à assortir des intérêts légaux capitalisés à compter du 5 octobre 2006, la somme de 2 902,15 euros, correspondant au différé de retraite non perçu au 28 février 2015, la somme de 5 664 euros au titre de l'aide au logement qu'il n'a pu percevoir depuis le 1er novembre 2012, la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour son préjudice matériel et la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour son préjudice moral.

Par un jugement n° 1300293 du 12 mars 2015, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté la demande de M. D...comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2015, M.D..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 12 mars 2015 ;

2°) de condamner Pôle Emploi à lui verser la somme de 27 563,91 euros, au titre de l'allocation de solidarité spécifique qui ne lui pas été versée entre 2006 et 2013, somme à assortir des intérêts moratoires cumulés pour chacune des échéances mensuelles de paiement, la somme de 2 902,15 euros, correspondant au différé de retraite non perçu au 28 février 2015, la somme de 5 664 euros au titre de l'aide au logement qu'il n'a pu percevoir depuis le 1er novembre 2012, la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour son préjudice matériel et la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour son préjudice moral ;

3°) de mettre à la charge de Pôle Emploi la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a retenu une solution d'incompétence, dès lors que la décision de Pôle Emploi du 14 février 2013 lui refusant le versement de l'ASS relève de la question de l'ouverture de ses droits, et non des modalités de paiement ; le tribunal administratif était donc compétent, comme le précise d'ailleurs la mention des délais et voies de recours figurant sur la décision ;

- quand bien même le droit à bénéficier de l'ASS lui avait été reconnu dès 2006, il s'est en réalité trouvé confronté, du fait de l'intervention de la décision du 14 février 2013, à un refus d'ouverture de ses droits ; en effet, les décisions lui ayant accordé un droit à l'ASS pour les périodes allant du 5 octobre 2006 au 11 février 2014 lui ont bel et bien ouvert ce droit, alors que, par sa décision du 14 février 2013, Pôle Emploi agit comme si ces droits n'avaient pas été ouverts, question qui relève donc de la compétence du juge administratif ;

- dans l'hypothèse où il serait prescrit à bénéficier de l'ASS, sa demande indemnitaire relève bien de la compétence de la juridiction administrative, puisque cette privation d'un droit résulte d'une faute de Pôle Emploi, qui avait l'obligation de l'informer lors de sa fin de droit à l'allocation chômage, de l'ouverture de ses droits à l'ASS ; il a été victime d'un manque d'information de la part de Pôle Emploi et demande la réparation de ce préjudice.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2016, Pôle Emploi Martinique conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. D...la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- M. D...a été tardif à contester l'avis du 14 février 2013 ; à la date d'introduction de son recours, il était forclos ;

- en outre, l'appel lui-même est irrecevable en raison de sa tardiveté ;

- le juge administratif n'est pas compétent en l'espèce ; dès lors que le contentieux est apparu non pas à partir d'une décision prise par le DDTEFP, mais d'une erreur de gestion de l'Assédic, personne morale de droit privé, le contentieux relève alors du juge judiciaire, comme l'a précisé le Tribunal des conflits ;

- par deux décisions des 2 et 3 août 2012, Pôle Emploi Martinique a reconnu au requérant le droit au bénéfice de l'ASS ; ces deux décisions ne contestent donc pas le principe de l'ouverture des droits ; l'action engagée par M. D...est donc une simple action en paiement, à l'égard de laquelle seul le juge judiciaire est compétent.

Par une lettre en date du 14 juin 2017, la cour a informé les parties qu'en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, elle était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'incompétence de la cour en tant que juge d'appel, en vertu des dispositions du 1° de l'article R. 811-1 du code de justice administrative et de l'article 16-II du décret n° 2013-730 du 13 août 2013 portant modification du code de justice administrative.

Par un mémoire, enregistré le 16 juin 2017, M. D...a répondu au moyen d'ordre public soulevé par la cour en concluant à ce que l'affaire soit transmise au Conseil d'Etat. Il fait valoir que sa requête porte bien sur un contentieux d'ouverture des droits à l'ASS et que le jugement du tribunal administratif encourt la cassation pour violation de la loi.

Par une décision en date du 7 mai 2015, l'aide juridictionnelle totale a été accordée à M.D....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 2013-730 du 13 août 2013 portant modification du code de justice administrative (partie réglementaire) ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,

- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A...D..., né en 1949, qui s'est retrouvé sans emploi en 2003, a perçu l'allocation de retour à l'emploi (ARE) du 3 novembre 2003 au 4 novembre 2006, date à laquelle ses droits au bénéfice de cette allocation ont pris fin. Il a déposé une demande d'attribution de l'allocation spécifique de solidarité (ASS) le 12 janvier 2011. Faisant valoir qu'il n'avait cependant jamais perçu cette allocation, il a formé devant le tribunal administratif un contentieux indemnitaire à l'encontre de Pôle Emploi Martinique. Il fait appel du jugement du tribunal administratif de la Martinique du 12 mars 2015, qui a rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître, en réitérant ses prétentions indemnitaires.

Sur les fins de non-recevoir opposées par Pôle Emploi Martinique :

2. En premier lieu, M. D...n'ayant pas formé de recours en excès de pouvoir à l'encontre de la décision de Pôle Emploi Martinique en date du 14 février 2013, qui lui aurait opposé la prescription du paiement de l'ASS, mais un contentieux indemnitaire, il n'était pas tardif, le 13 mai 2013, à introduire un recours de ce type devant le tribunal administratif de la Martinique.

3. En second lieu, M. D...s'est vu attribuer, au titre de l'appel, le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 mai 2015. La date à laquelle cette décision lui a été notifiée n'étant pas établie faute de preuve d'un envoi en recommandé, il n'était pas non plus tardif à introduire sa requête d'appel le 13 juillet 2015.

4. Il résulte de ce qui précède que les fins de non-recevoir opposées par Pôle Emploi Martinique doivent être écartées.

Sur la compétence de la juridiction administrative :

5. Aux termes de l'article L. 5312-12 du code du travail : " Les litiges relatifs aux prestations dont le service est assuré par l'institution, pour le compte de l'organisme chargé de la gestion du régime d'assurance-chômage, de l'Etat ou du Fonds de solidarité prévu à l'article L. 5423-24 sont soumis au régime contentieux qui leur était applicable antérieurement à la création de cette institution ". Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 13 février 2008 relative à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi dont elles sont issues, que le législateur a souhaité que la réforme, qui s'est notamment caractérisée par la substitution de Pôle emploi à l'Agence nationale pour l'emploi et aux Assedic, reste sans incidence sur le régime juridique des prestations et sur la juridiction compétente pour connaître du droit aux prestations, notamment sur la compétence de la juridiction judiciaire s'agissant des prestations servies au titre du régime d'assurance-chômage. Ainsi, si les litiges relatifs aux modalités de paiement de l'allocation de solidarité spécifique, quelle que soit la nature juridique de l'organisme, relèvent de la compétence judiciaire, ceux concernant l'ouverture du droit à cette allocation ressortissent à la compétence du juge administratif.

6. Il résulte de l'instruction que M. D...n'a sollicité le bénéfice de l'ASS que le 12 janvier 2011. Par une décision du 14 mars 2013, qui est la plus récente des décisions de Pôle Emploi Martinique figurant au dossier, cet organisme lui a fait savoir que sa demande de paiement de cette allocation était prescrite en janvier 2011 et " qu'il en résulte que vous ne pouvez prétendre à une ouverture de droit de manière rétroactive ". Par suite, cette décision doit être regardée comme retirant les décisions antérieures de Pôle Emploi lui ayant annoncé qu'il était admis à bénéficier de l'ASS et comme refusant à M. D...l'ouverture de droits au versement de cette allocation. Dans ces conditions, M. D...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a décliné sa compétence au profit du juge judiciaire.

7. Il résulte de ce qui précède que le jugement en date du 12 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a rejeté à tort la requête de M. D...comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître, doit être annulé.

Sur la compétence du tribunal administratif :

8. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative dans rédaction issue de l'article 4 du décret n° 2013-730 du 13 août 2013 portant modification dudit code : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. / Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : 1° Sur les litiges relatifs aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l'aide ou de l'action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d'emploi, mentionnés à l'article R. 772-5, y compris le contentieux du droit au logement défini à l'article R. 778-1 ", dispositions qui, conformément à l'article 16-II du décret du 13 août 2013, s'appliquent aux décisions des tribunaux administratifs rendues à compter du 1er janvier 2014.

9. La demande présentée devant le tribunal tendait à la réparation de préjudices nés de manquements commis, selon M. D..., par Pôle Emploi dans son devoir d'information et de conseil sur les conditions d'octroi de l'allocation spécifique de solidarité et était relative aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l'aide ou de l'action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d'emploi. Le litige dont le tribunal était saisi relevait donc du 1° de l'article R. 811-1 du code de justice administrative. Par suite, le tribunal statue sur ce type de demande en premier et dernier ressort.

10. Il résulte de la compétence du juge administratif, telle qu'elle a été définie aux points 5 à 7, qu'il y a lieu de renvoyer l'affaire au tribunal administratif de la Martinique pour qu'il y soit statué.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de M.D..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Pôle Emploi Martinique à verser à M. D...la somme demandée au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1300293 du 12 mars 2015 du tribunal administratif de la Martinique est annulé.

Article 2 : Le jugement de l'affaire est renvoyé au tribunal administratif de la Martinique.

Article 3 : Les conclusions de M. D...présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions présentées par Pôle emploi au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D...et à Pôle Emploi Martinique.

Délibéré après l'audience du 19 juin 2017 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller,

M. Axel Basset, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 juillet 2017.

Le rapporteur,

Florence Rey-GabriacLe président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre du travail, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

2

N° 15BX02287


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX02287
Date de la décision : 03/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SELARL AMCOR JURISTES et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-07-03;15bx02287 ?
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