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03/07/2017 | FRANCE | N°16BX03835

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 03 juillet 2017, 16BX03835


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

La Société Eiffage Construction Midi-Pyrénées a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse d'ordonner une expertise, au contradictoire de l'Université Toulouse 1 Capitole, de Grafton Architects, de la société Rfr, des Souscripteurs du Lloyd's de Londres, représentés par leur mandataire général pour leurs opérations en France, la société Lloyd's France Sas, la société Socotec France, la société Athegram Amo et la société Vigneu et Zilio, la société TPF-I, et autres

, aux fins pour l'expert de se prononcer sur les désordres rencontrés dans le cadre de l...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

La Société Eiffage Construction Midi-Pyrénées a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse d'ordonner une expertise, au contradictoire de l'Université Toulouse 1 Capitole, de Grafton Architects, de la société Rfr, des Souscripteurs du Lloyd's de Londres, représentés par leur mandataire général pour leurs opérations en France, la société Lloyd's France Sas, la société Socotec France, la société Athegram Amo et la société Vigneu et Zilio, la société TPF-I, et autres, aux fins pour l'expert de se prononcer sur les désordres rencontrés dans le cadre de la construction de l'école d'économie de Toulouse.

Par une ordonnance n° 1500684 du 15 avril 2015 le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15BX01465 du 23 décembre 2015 la cour a annulé l'ordonnance du 15 avril 2015 du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse et a renvoyé l'affaire devant le tribunal administratif.

Par une ordonnance n° 1500684 du 18 novembre 2016, le président du tribunal administratif de Toulouse, juge des référés, a ordonné une expertise.

Procédure devant la cour :

Par une requête n° 16BX03835 du 2 décembre 2016, l'Université Toulouse 1 Capitole, a demandé à la fois la suspension sur le fondement de l'article R. 533-2 du code de justice administrative et l'annulation de l'ordonnance du 18 novembre 2016.

Cette requête a été pour ce qui concerne les conclusions à fins de suspension, rejetée par une ordonnance du 9 janvier 2017 du juge des référés de la cour.

Restent donc en litige, les conclusions de l'Université Toulouse 1 Capitole tendant à l'annulation de l'ordonnance du 18 novembre 2016.

Par une requête, enregistrée le 2 décembre 2016 et complétée par des mémoires des 15 décembre 2016 et des 13 mars 2017 (deux mémoires) et des 24 avril et 27 avril 2017 (mémoires non communiqués), l'Université Toulouse I Capitole (UT 1), représentée par MeA..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) à titre principal, l'annulation de l'ordonnance du 18 novembre 2016 du président du tribunal administratif de Toulouse et le rejet des demandes de la société Eiffage.

2°) à titre subsidiaire, à ce que l'expertise soit étendue, à la question de l'indemnisation par d'UT 1 des entreprises titulaires des différents marchés publics de travaux pour le préjudice subi du fait de l'ajournement de ces travaux, pour l'augmentation du coût des ouvrages du fait de la nécessité de travaux de reprise et de travaux modificatifs, l'augmentation du coût du marché de prestations intellectuelles dont la durée d'exécution doit être prolongée, pour les pertes de financement par le FEDER du fait des retards pris par le chantier, et à la question de l'ensemble des préjudices subis par UT 1 et causés par l'exécution défaillante du marché de maitrise d'oeuvre ;

3°) à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Eiffage en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- au titre de la régularité de l'ordonnance, cette ordonnance est insuffisamment motivée au sens de l'article 9 du code de justice administrative, dès lors que le juge des référés ne s'est pas prononcé sur les conclusions subsidiaires présentées devant le tribunal administratif, tenant à la question de l'indemnisation d'UT 1 par les entreprises titulaires des différents marchés publics de travaux pour le préjudice subi du fait de l'ajournement de ces travaux, pour l'augmentation du coût des ouvrages des travaux de reprise et des travaux modificatifs, l'augmentation du coût du marché de prestations intellectuelles dont la durée d'exécution doit être prolongée, pour les pertes de financement par le FEDER du fait des retards pris par le chantier, et de l'ensemble des préjudices subis par UT 1 et causés par l'exécution défaillante du marché de maitrise d'oeuvre ;

- la réalisation de l'expertise ne présente pas d'utilité au sens de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, dès lors qu'en premier lieu l'arrêt de la Cour du 23 décembre 2015 en annulant l'ordonnance du 15 avril 2015 au motif de l'absence de communication du mémoire dans lequel était soulevé l'absence d'utilité des opérations d'expertise, a nécessairement considéré qu'ordonner une expertise n'avait pas d'utilité ;

- l'autorité de la chose jugée impose donc de considérer que le recours à une expertise ne présente aucune utilité ;

- l'absence d'utilité d'une expertise est de toute façon démontrée par le fait qu'Eiffage a signé une transaction avec l'université de Toulouse Capitole le 26 mai 2015, qui rend sans objet l'expertise dès lors que par l'article 1er de cette transaction, Eiffage s'engageait à reprendre les travaux au plus tard le 28 septembre 2015, ce qui a été fait le 14 septembre 2015, ces travaux étant en cours ;

- par ailleurs, la société Eiffage a produit les plans de méthode relatifs à la démolition du dallage pour le renforcement des fondations, les devis relatifs à la reprise en sous-oeuvre, le planning prévisionnel pour le renforcement des fondations ;

- un marché complémentaire a été passé entre UT 1 et Eiffage, le 14 décembre 2015 pour la réalisation des travaux de reprise des fondations ;

- deux marchés complémentaires ont par ailleurs été passés, les 15 avril et 18 juillet 2016, pour le renforcement des ouvrages déjà construits ;

- la réalisation d'une expertise aurait pour effet de ralentir le chantier, les entreprises risquant d'attendre les résultats de l'expertise alors que l'école d'économie doit être opérationnelle en septembre 2018 ;

- la société Eiffage poursuit par ailleurs ses études d'exécution relatives à la superstructure, et un nouveau calendrier d'exécution sera notifié aux entreprises ;

- par ailleurs, l'expertise n'a pas lieu d'être, faute de réclamation formée sur le fondement de l'article 50 du cahier des clauses administratives générales travaux ;

- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où l'ordonnance du tribunal administratif ne serait pas annulée, l'expertise devrait, pour une mission qui ne devrait pas excéder six mois, compte tenu des impératifs de livraison de l'ouvrage, être étendue, à la question de l'indemnisation par UT 1 des entreprises titulaires des différents marchés publics de travaux pour le préjudice subi du fait de l'ajournement de ces travaux, pour l'augmentation du coût des ouvrages des travaux de reprise et des travaux modificatifs, l'augmentation du coût du marché de prestations intellectuelles dont la durée d'exécution doit être prolongée, pour les pertes de financement par le FEDER du fait des retards pris par le chantier, et de l'ensemble des préjudices subis par UT 1 et causés par l'exécution défaillante du marché de maitrise d'oeuvre.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 janvier 2017, la compagnie Maaf Assurances représentée par MeG..., demande sa mise hors de cause et à ce que soit mise à la charge de l'Université Toulouse I Capitole, la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que si elle a été mise en cause, en sa qualité d'assureur de la société AWP, elle ne peut plus être mise en cause dès lors qu'elle n'est plus l'assureur de cette société depuis le 23 avril 2009.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 février 2017, les souscripteurs du Lloyd's de Londres (anciens assureurs des sociétés RFR Sas et RFR Go +, maitres d'oeuvre) représentés par MeE..., demandent le rejet de la requête de l'Université Toulouse I Capitole.

La société fait valoir que compte tenu des divergences existantes, et du fait que la transaction conclue entre Eiffage et l'Université, n'est pas opposable aux autres intervenants, une expertise s'avère indispensable.

Par un mémoire enregistré le 24 février 2017, la SMABTP (assureur de l'Université) représentée par MeB..., demande l'annulation de l'ordonnance du 18 novembre 2016 du président du tribunal administratif de Toulouse en ce qu'il n'a pas prononcé sa mise hors de cause, et à être mise hors de cause.

Elle fait valoir qu'elle ne peut être attraite aux opérations d'expertise dès lors que la mise en jeu du contrat d'assurance ne pourrait intervenir que si la garantie décennale était actionnée, ce qui ne peut être le cas, faute de réception de l'ouvrage.

Par un mémoire enregistré le 27 février 2017, la société AXA (assureur de l'Université) représentée par MeP..., s'en remet à titre principal, à la sagesse de la cour et subsidiairement dans l'hypothèse où serait confirmée la réalisation de l'expertise, demande à être mise hors de cause compte tenu de la transaction entre l'université et Eiffage et des clauses du contrat d'assurance la liant à l'université, qui excluent notamment la couverture des conséquences de l'ajournement des travaux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2017, la compagnie d'Assurances Allianz Iard, représentée par MeG..., indique qu'en sa qualité d'assureur de la société Gleeds Paris, elle ne s'oppose pas à la réalisation d'une expertise.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2017, la société Athegram Amo et la compagnie d'Assurances Allianz Iard, son assureur, représentés par MeI..., demandent de considérer que l'expertise est inutile, et demande par ailleurs de mettre à la charge de la société Eiffage et des autres constructeurs la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire enregistré le 3 avril 2017, la société Socotec représentée par Me R..., indique s'en rapporter à la sagesse de la cour et fait par ailleurs valoir qu'il n'appartient pas au contrôleur technique d'apposer son visa sur les plans d'exécution.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 avril 2017, la société TPF-I représentée par MeM..., demande le rejet de la requête de l'UT 1 Capitole et à ce qu'il soit mis à sa charge la somme de 1 500 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire du 26 mai 2017, la mutuelle des architectes français (MAF) représentée par MeK..., s'en rapporte à l'arrêt de la cour, et fait valoir que sa garantie devra s'appliquer dans les limites et conditions du contrat, qui contient une franchise et un plafond de garantie unique opposable aux tiers lésés.

Par un mémoire du 31 mai 2017, la société Eiffage, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête de l'UT 1 Capitole et à la confirmation de l'ordonnance du tribunal administratif.

La société Eiffage, qui indique que les opérations d'expertise doivent commencer le 7 juin 2017, fait valoir que l'université Toulouse I était à l'origine favorable à l'expertise, avant de se rétracter ; contrairement à ce que soutient l'université, l'arrêt de la cour n'a pas l'autorité de la chose jugée dans le cadre de la présente instance ; si l'université soutient par ailleurs, que l'expertise n'aurait plus d'utilité compte tenu du protocole signé entre Eiffage et l'université, l'ensemble des préjudices subis par Eiffage n'ont pas été réparés ; l'expertise conserve son utilité au regard des fautes commises par l'un des membres de la maitrise d'oeuvre, au détriment tant d'Eiffage, que de l'université Toulouse Capitole ; le protocole passé entre Eiffage et l'université, ne porte que sur la somme de 308 783 euros, correspondant à des dépenses hors marchés, correspondant au coût de réalisation des études d'exécution, alors que la somme de 2 millions et 313 221,59 euros, ne vise qu'à la réparation du préjudice causé par l'interruption des travaux pour la période du 29 septembre 2014 au 6 mai 2015 ; la somme de 2,74 millions d'euros hors taxes, qui se rapporte aux conséquences et aux manquements commis par la société RFR et les sous-traitants, n'a notamment pas été réparée par le protocole ; l'utilité de l'expertise parait incontestable, dès lors que la seule la période précédant l'ajournement des travaux a fait l'objet d'une indemnisation ; le marché complémentaire d'un montant de 2,249 millions d'euros, ne peut être regardé contrairement à ce que soutient l'université, comme attribuant une compensation à Eiffage, dès lors que ce marché porte sur des travaux de reprise du marché initial ; l'absence de présentation par Eiffage d'une réclamation préalable, sur le fondement de l'article 50.1 du cahier des clauses administratives générales Travaux, ne saurait par ailleurs faire obstacle à ce que soit ordonnée une expertise ; l'expertise permettra de déterminer l'augmentation de la masse des travaux de reprise, l'allongement des délais, et les conséquences financières des ajournements et retards ; si la société Socotec demande sa mise hors de cause, elle a finalement accepté d'examiner les plans d'exécution et a remis en cause les plans d'exécution du 27 août 2014, ce qui a abouti à l'interruption du chantier ;

Un mémoire a été enregistré le 2 juin 2017, rectifié le 7 juin 2017, pour Grafton Architectes et la société Vigneu et Zilo, représentées par MeL....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Bentolila,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant l'université Toulouse 1, de Me J..., représentant Lloyd's de Londres, de MeC..., représentant la société Athegram Amo, de Me M..., représentant la société TPF-I, de MeD..., représentant la société Eiffage construction Midi-Pyrénées, de Me de la Marque, représentant les sociétés construction Saint-Eloi, ETP, Del Tedesco, Comey, Sol français, CFA, Realco, Id Verde et Eiffage énergie Termie Sud-ouest, et les groupements Rouzes-ETP et Roudié-Sol français, de MeO..., représentant la société Ineo GDF Suez, et de MeP..., représentant la compagnie Axa assurances.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de la construction de l'école d'économie de Toulouse, l'université Toulouse I Capitole, assistée par la société Athegram en qualité d'assistant maître d'ouvrage, en a confié la maîtrise d'oeuvre à un groupement constitué du cabinet d'architecte Grafton, mandataire du groupement, et du bureau d'études RFR. Pour la réalisation de leur mission, le cabinet Grafton a sous-traité au cabinet Vigneu et Zilio l'exécution de la mission DET, et la société RFR a sous-traité à la société Rfr Go+ la mission " EXE ", comprenant notamment l'établissement de toutes les études d'exécution. Le lot n°1 " gros oeuvre " et le lot n° 2 B " revêtement sur étanchéité ", ont été attribués à la société Eiffage. Le début des travaux a été fixé au 7 janvier 2013, et le délai de réalisation à vingt-neuf mois. Compte tenu d'une durée de trois mois de la période de préparation, de cinq mois des études d'exécution et de cinq mois de la mission de synthèse, le démarrage des travaux de réalisation du lot n° 1 aurait dû intervenir en mars 2013 pour se terminer à la fin du mois de juin 2014. Le retard dans la remise des études d'exécution et de synthèse, et les erreurs dans les études fournies ont le 11 septembre 2014 conduit le maître d'ouvrage à prononcer l'ajournement des travaux à compter du 29 septembre 2014 jusqu'au 5 janvier 2015, date reculée jusqu'au début du mois d'avril 2015 par un courrier du 4 décembre 2014. Le 21 juillet 2014 un premier état estimatif des préjudices que la société Eiffage Construction Midi-Pyrénées estimait avoir subi du fait de ces retards a été adressé au maître d'ouvrage. Par une ordonnance du 15 avril 2015 le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de la société Eiffage du 27 février 2015 tendant à ordonner une expertise. Par un arrêt n° 15BX01465 du 23 décembre 2015 la Cour a annulé l'ordonnance du 15 avril 2015 du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse et renvoyé l'affaire devant le tribunal. Par une ordonnance n° 1500684 du 18 novembre 2016, le président du tribunal administratif de Toulouse, juge des référés, a ordonné une expertise. Par une requête du 2 décembre 2016, l'Université Toulouse 1 Capitole, a demandé à la fois la suspension (sur le fondement de l'article R 533-2 du code de justice administrative) et l'annulation de l'ordonnance du 18 novembre 2016 Les conclusions à fins de suspension présentées dans cette requête ont été rejetées par une ordonnance du 9 janvier 2017 du juge des référés de la cour. Restent donc en litige, les conclusions de la requête de l'Université Toulouse 1 (UT 1) Capitole tendant à l'annulation de l'ordonnance du 18 novembre 2016 ainsi que les conclusions présentées par les sociétés d'assurance MAAF, SMABTP et AXA tendant à être mises hors de cause.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée du 18 novembre 2016 :

2. L'Université Toulouse 1 fait valoir sur le fondement de l'article L. 9 du code de justice administrative que l' ordonnance serait insuffisamment motivée, dès lors que le juge des référés ne s'est pas prononcé sur les conclusions subsidiaires présentées par l'Université Toulouse 1 devant le tribunal administratif relatives à la question de l'indemnisation par l'Université Toulouse 1 des entreprises titulaires des différents marchés publics de travaux des préjudices subis du fait de l'ajournement de ces travaux, de l'augmentation du coût des ouvrages des travaux de reprise et des travaux modificatifs, de l'augmentation du coût du marché de prestations intellectuelles dont la durée d'exécution doit être prolongée, des pertes de financement par le FEDER du fait des retards pris par le chantier, et de l'ensemble des préjudices subis par l'Université Toulouse 1 et causés par l'exécution défaillante du marché de maitrise d'oeuvre.

3. Toutefois, l'ordonnance attaquée en indiquant dans l'article 7 de ses motifs, que " (...) la demande d'expertise apparait utile pour déterminer les conséquences sur l'économie générale du marché des retards consécutifs aux difficultés des études d'exécution (...) ", et dans l'article 3 de son dispositif que la mission de l'expert désigné par cette ordonnance, consistera notamment " plus généralement " à " (...) recueillir tous éléments et faire toutes autres constatations utiles de nature à éclairer le tribunal dans son appréciation des responsabilités éventuellement encourues et des préjudices subis (...) ", a nécessairement englobé notamment ce qui était demandé par l'Université Toulouse 1 à titre subsidiaire dans ses conclusions, par rapport à ses conclusions principales tendant au rejet de la demande d'expertise. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité de l'ordonnance du 18 novembre 2016 doit être écarté.

Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée du 18 novembre 2016 :

Sur les conclusions présentées par l'Université Toulouse 1 Capitole relatives à l'utilité de l'expertise :

4. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction. Il peut notamment charger un expert de procéder, lors de l'exécution de travaux publics, à toutes constatations relatives à l'état des immeubles susceptibles d'être affectés par des dommages ainsi qu'aux causes et à l'étendue des dommages qui surviendraient effectivement pendant la durée de sa mission (...) ". L'octroi d'une mesure d'expertise est subordonné à son utilité pour le règlement d'un litige principal, utilité appréciée en tenant compte, notamment, de l'existence d'une perspective contentieuse recevable, des possibilités ouvertes au demandeur pour arriver au même résultat par d'autres moyens, de l'intérêt de la mesure pour le contentieux né ou à venir.

5. L'Université Toulouse 1 fait en premier valoir que la Cour dans son arrêt n°15BX01465 du 23 décembre 2015 aurait implicitement admis l'absence d'utilité au sens des dispositions précitées, de l'expertise et que cet arrêt du 23 décembre 2015 aurait l'autorité de la chose jugée dans le cadre de la présente instance. Toutefois, par cet arrêt du 23 décembre 2015, la cour a seulement annulé l'ordonnance du 15 avril 2015 du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, pour irrégularité au regard du principe du contradictoire dès lors que l'ordonnance du tribunal administratif rejetant la demande d'expertise, se fondait sur un moyen soulevé par la société RFR dans un mémoire enregistré devant le tribunal administratif le 25 mars 2015 et n'ayant pas été communiqué aux autres parties à l'instance. Dans cet arrêt du 23 décembre 2015, la cour sans procéder à l'évocation, a renvoyé l'affaire devant le tribunal administratif de Toulouse, et ne s'est pas prononcée sur la question de l'utilité de la demande d'expertise. Le moyen tiré de l'autorité de la chose jugée doit donc être écarté.

6. En deuxième lieu, l'Université Toulouse 1 fait valoir que compte tenu de la transaction conclue avec Eiffage le 26 mai 2015, le prononcé d'une expertise n'aurait plus d'utilité, dès lors que par l'article 1er de cette transaction, Eiffage s'engageait à reprendre les travaux au plus tard le 28 septembre 2015, ce qui a été effectivement fait le 14 septembre 2015, ces travaux étant en cours, que la société Eiffage a produit les plans de méthode relatifs à la démolition du dallage pour le renforcement des fondations, les devis relatifs à la reprise en sous-oeuvre, le planning prévisionnel pour le renforcement des fondations et que trois marchés complémentaires ont été passés entre l'Université Toulouse 1 et Eiffage et que par l'article 2 de la transaction du 26 mai 2015, en contrepartie de la reprise des travaux par Eiffage, prévue par l'article 1er de la transaction, l'université de Toulouse Capitole s'engageait de son côté, à verser à Eiffage la somme de 308 783 euros au titre des études réalisées avant le 29 septembre 2014 et une " indemnité définitive et irrévocable, non révisable, pour ajournement des travaux du 29 septembre 2014 à la date de reprise des travaux ", pour un montant total de 2 313 221 euros. Toutefois, l'article 3 de la transaction, indiquait que " pour les autres chefs de préjudice subis par EIFFAGE ou le maitre d'ouvrage antérieurement à la signature du présent protocole en raison des difficultés rencontrées dans la production des études d'exécution à charge de la maitrise d'oeuvre et plus généralement pour le règlement de tout autre différend, les parties se réservent le droit d'exercer ou de poursuivre toute action juridictionnelle qu'elles estimeront utile, à l'exception des actions relatives au montant des études réalisées avant le 29 septembre 2014 et au montant total de l'indemnité définitive d'ajournement, lesquelles ont donné lieu à la transaction visée (à l'article 2) ". La société Eiffage indique au demeurant, par le mémoire susvisé du 31 mai 2017, que le protocole conclu avec l'université Toulouse n'a pas entendu réparer l'ensemble des préjudices subis par Eiffage et que l'expertise conserve son utilité au regard des fautes commises par l'un des membres de la maitrise d'oeuvre, au détriment tant d'Eiffage, que de l'université Toulouse Capitole. Eiffage indique que le protocole passé entre Eiffage et l'université, ne porte que sur la somme de 308 783 euros, correspondant à des dépenses hors marchés, correspondant au coût de réalisation des études d'exécution, alors que la somme de 2.313.221 euros, ne vise qu'à la réparation du préjudice causé par l'interruption des travaux pour la période du 29 septembre 2014 au 6 mai 2015 et que la somme de 2,74 millions d'euros hors taxes, qui se rapporte aux conséquences et aux manquements commis par la société RFR et les sous-traitants, n'a notamment pas été réparée par le protocole. Il apparait donc que la transaction, n'a pas procédé au règlement financier de l'ensemble des points sur lesquels pourrait apparaitre une contestation entre l'université de Toulouse Capitole et Eiffage et en tout état de cause comme le font valoir différentes parties ou intervenants dans la présente instance, cette transaction n'est pas opposable aux autres constructeurs. Dans ces conditions, cette transaction n'est pas de nature à rendre inutile la demande d'expertise présentée par EIFFAGE, d'autant que la transaction elle-même prévoit dans son article 4 la possibilité d'y recourir (à l'expertise) en " cas de désaccord entre l'entreprise et la maitrise d'oeuvre sur le prix et/ ou le délai de réalisation de ces travaux ".

7. En troisième lieu, la circonstance invoquée par l'Université Toulouse 1 Capitole selon laquelle la réalisation d'une expertise sur le chantier de l'Ecole d'économie de Toulouse aurait pour effet de retarder l'exécution des travaux, n'est pas établie par l'instruction, alors qu'au contraire la demande d'expertise présentée par la société Eiffage devant le tribunal administratif de Toulouse se fondait sur les retards pris dans l'exécution des travaux. En tout état de cause, l'utilité de l'expertise au sens des dispositions précitées de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée comme il a été dit, en tenant compte, notamment, de l'existence d'une perspective contentieuse recevable, des possibilités ouvertes au demandeur pour arriver au même résultat par d'autres moyens, de l'intérêt de la mesure pour le contentieux né ou à venir et donc des intérêts juridiques des parties et non au regard des inconvénients pratiques posés par la réalisation d'une expertise.

8. Enfin, en dernier lieu, la circonstance alléguée par l'université selon laquelle l'expertise ne pouvait être ordonnée, faute de réclamation présentée sur le fondement de l'article 50 du cahier des clauses administrative générales travaux, ne peut être qu'écartée, l'absence de présentation d'une réclamation se trouvant sans incidence sur la possibilité de présenter une réclamation. L'université Toulouse 1 Capitole n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort, que le tribunal administratif a rejeté ses conclusions.

Sur les conclusions tendant à la mise hors de cause :

Sur les conclusions présentées par Maaf Assurances :

9. Si par un mémoire du 27 janvier 2017, la compagnie Maaf Assurances, demande sa mise hors de cause au motif qu'elle n'était pas l'assureur de la société AWP lors de l'exécution des travaux, l'ordonnance en litige dans son considérant 4 a mis hors de cause Maaf Assurances pour ce motif tiré de ce qu'elle n'était plus l'assureur de la société AWP. Faute en appel par les autres parties, de demander l'annulation de l'ordonnance du 18 novembre 2016 en tant qu'elle prononce la mise hors de cause de Maaf Assurances, les conclusions présentées en appel par Maaf Assurances ne peuvent être que rejetées.

Sur les conclusions présentées par AXA :

10. Si AXA fait valoir que compte tenu de la transaction entre l'université et Eiffage, l'expertise serait inutile, l'existence de cette transaction comme il est indiqué au point 6 du présent arrêt, ne rend pas inutile la réalisation d'une expertise. Par ailleurs AXA fait valoir que le contrat d'assurance la liant à l'Université Toulouse 1, exclurait dans ses clauses la couverture des risques qui seraient en cause dans l'expertise notamment ceux relatifs aux conséquences de l'ajournement des travaux, et demande dès lors à ne pas être attraite aux opérations d'expertise. Toutefois, alors que n'est pas en jeu dans le présent litige, l'interprétation du contrat d'assurance entre AXA et l'Université Toulouse 1, en l'état, AXA ne peut compte tenu notamment du caractère général de l'expertise, portant sur un litige relevant au moins pour partie de la compétence de la juridiction administrative, être regardée comme se trouvant étrangère aux opérations d'expertise. C'est donc à bon droit que par l'ordonnance attaquée du 18 novembre 2016, le président du tribunal, juge des référés, a rejeté la demande de mise hors de cause présentée par AXA.

Sur les conclusions présentées par la SMABTP :

11. La SMABTP soutient qu'elle ne pouvait être attraite aux opérations d'expertise dès lors que le contrat d'assurance la liant à UT 1 ne relevait que de la garantie décennale, laquelle n'avait pas à être actionnée, faute de réception des travaux..Toutefois, alors même que la réception des travaux ne serait pas intervenue pour toute ou partie des ouvrages, la SMABTP en sa qualité d'assureur dommages-ouvrages d'Université Toulouse 1, ne peut compte tenu notamment de ce que l'expertise porte sur la réalisation du gros oeuvre, être regardée comme se trouvant étrangère aux opérations d'expertise. C'est donc à bon droit que par l'ordonnance attaquée du 18 novembre 2016, le président du tribunal, juge des référés, a rejeté la demande de mise hors de cause présentée par la SMABTP.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, de rejeter l'ensemble des conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'Université Toulouse I Capitole et les conclusions présentées par MAAF Assurances, AXA, et la SMABTP sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Eiffage Construction Midi-Pyrénées, à l'Université Toulouse I Capitole, à la société Realco, à la société Construction Saint-Eloi, à la société Rouzes mandataire du groupement Rouzes-ETP à la société ETP, à la Société Del Tedesco, à la société Comey, au groupement Roudie - Sol Français, à la société Sol Français, à la société CFA, à la société Eiffage Energie Termie Sud-Ouest, à la société Id Verde anciennement Iss Espaces Verts, à la société TPF-I, à la Grafton architects, à Me N...H...en qualité de liquidateur de la société Rfr, à la société Les souscripteurs du Lloyd's de Londres, représentés par leur mandataire général, pour leurs opérations en France, la société Lloyd's France Sas, à la société Socotec France, à la société Athegram Amo, à la société Vigneu et Zilio, à la société Gleeds Paris, à la société AWP, à BDS Partnership LTD, à la société SMAC, à la société Malet Toulouse Nord, à la société Bourdarios, à la société Ineo GDF Suez, à la société Dekra Agence Midi-Pyrénées, à la compagnie Axa Assurances, à la compagnie AIG Europe LTD, à la compagnie Allianz Iard, à la compagnie Maaf Assurances, à QBE Assurances, à la mutuelle des architectes français, à la société Travelers compagnie d'assurance, à la société Mutuelle d'assurance Bâtiments et des travaux. Copie en sera transmise à M. F...Q..., expert.

Délibéré après l'audience 6 juin 2017, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Pierre Bentolila, premier conseiller,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 3 juillet 2017.

Le rapporteur,

Pierre BentolilaLe président,

Pierre LarroumecLe greffier,

Cindy Virin La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

2

N° 16BX03835


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX03835
Date de la décision : 03/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

39-03-01-02-01 Marchés et contrats administratifs. Exécution technique du contrat. Conditions d'exécution des engagements contractuels en l'absence d'aléas. Marchés. Mauvaise exécution.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : CABINET CLAMENS CONSEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-07-03;16bx03835 ?
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