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27/07/2017 | FRANCE | N°17BX00820

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 27 juillet 2017, 17BX00820


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2016 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1700104 du 20 février 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 mars 2017, M.

A...D..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 février 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2016 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1700104 du 20 février 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 mars 2017, M. A...D..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 février 2017 du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) d'annuler ledit arrêt ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'un an, dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de le munir d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté est entaché d'incompétence de son signataire ; en effet, la délégation consentie au secrétaire général de la préfecture est trop large ;

- le refus de séjour est insuffisamment motivé ; contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, le tribunal devait se prononcer sur ce moyen ; or la décision de refus de séjour vise les articles L. 743-1 et L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dispositions inapplicables compte tenu de ce que sa demande d'asile a été déposée avant le 1er novembre 2015 ; les dispositions applicables, à savoir les articles L. 742-3 et L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicables ne sont en revanche pas visées, de sorte que le refus de séjour n'est pas motivé en droit ;

- le préfet ayant examiné sa situation au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le refus de séjour devait également être motivé sur ce point ; or, en l'absence de référence à son état de santé, alors pourtant que la décision de rejet de la Cour nationale du droit d'asile fait expressément référence à son syndrome post-traumatique, la décision n'est pas suffisamment motivée ; le refus de séjour ne procède ainsi pas d'un examen approfondi de sa situation ;

- l'administration ayant apprécié sa situation au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le tribunal devait examiner le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations ;

- le refus de séjour a été pris en méconnaissance des dispositions des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il réside en France depuis trois ans, et sa présence n'est pas constitutive d'une menace pour l'ordre public ; il souffre d'un syndrome post-traumatique pour lequel il est suivi en France ; son traitement médical, qui associe traitement médicamenteux et consultations médicales, ne peut être poursuivi dans son pays d'origine, lieu des traumatismes à l'origine de ses troubles ; il souffre en outre d'une pathologie hépatique ;

- le refus de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle compte tenu de l'état de stress post-traumatique dont il est atteint ; les médicaments qui lui sont prescrits en France ne sont pas autorisés en Géorgie, et les molécules en cause n'y sont pas disponibles ;

- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale ;

- l'obligation de quitter le territoire français aurait dû être précédée de la saisine pour avis du médecin de l'agence régionale de santé, alors même, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, qu'il n'avait pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade ; en effet, l'administration, destinataire de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, disposait d'éléments d'information suffisamment précis quant à sa situation médicale ;

- l'obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le tribunal ne s'est pas prononcé sur le point tenant à l'impossibilité de soigner en Géorgie compte tenu de ce que sa pathologie est en lien avec les évènements traumatisants vécus dans ce pays ;

- l'obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance des stipulations des articles 2, 3, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu de son état de santé et de l'impossibilité d'envisager un retour en Géorgie ;

- la décision fixant le pays de renvoi est privée de base légale ;

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; en effet, compte tenu de son engagement au sein du MNU, il risque de subir des traitements inhumains en cas de retour en Géorgie.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 mai 2017, le préfet de la Vienne conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé et s'en remet à ses écritures produites devant le tribunal.

Par une ordonnance du 18 avril 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 29 mai 2017 à 12 heures.

Un mémoire présenté le 29 mai 2017 par le préfet de la Vienne n'a pas été communiqué.

Par une décision du 20 avril 2017, le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale a été accordé à M.D....

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.D..., ressortissant géorgien né le 5 décembre 1986, est entré en France le 20 août 2013 selon ses déclarations et a présenté le 19 septembre 2013 une demande d'asile, qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 mai 2015, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 29 août 2016. Par un arrêté du 5 décembre 2016, le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. M. D...relève appel du jugement n° 1700104 du 20 février 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En vertu du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la carte de résident est délivrée de plein droit, sauf menace pour l'ordre public et sous réserve de la régularité du séjour, à l'étranger reconnu réfugié en application du livre VII du code. Le 1° de l'article L. 313-13, pour sa part, prévoit que la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est, sauf menace pour l'ordre public, délivrée de plein droit à l'étranger qui s'est vu accorder le bénéfice de la protection subsidiaire en application de l'article L. 712-1 du code. Saisi d'une demande d'autorisation de séjour présentée uniquement au titre de l'asile ou de la protection subsidiaire, le préfet n'est pas tenu d'examiner d'office si le demandeur est susceptible de se voir délivrer une autorisation de séjour à un autre titre. Sont inopérants, devant le juge de l'excès de pouvoir, les moyens de légalité interne qui, sans rapport avec la teneur de la décision, ne contestent pas utilement la légalité des motifs et du dispositif qui sont ceux de la décision administrative attaquée. En revanche, lorsque le préfet, statuant sur la demande de titre de séjour, examine d'office si l'étranger est susceptible de se voir délivrer un titre sur un autre fondement que l'asile, tous les motifs de rejet de la demande, y compris donc les motifs se prononçant sur les fondements examinés d'office par le préfet, peuvent être utilement contestés devant le juge de l'excès de pouvoir. Il en va, par exemple, ainsi si la décision de refus de titre de séjour a pour motif que le demandeur n'entre dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour de plein droit ou que le refus ne porte pas d'atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. D...a saisi le préfet de Vienne d'une demande d'autorisation de séjour présentée uniquement au titre de l'asile ou de la protection subsidiaire. Il ressort également de la rédaction de l'arrêté attaqué que ladite autorité s'est bornée à rejeter cette demande en tirant les conséquences du rejet de la demande d'asile formulée par l'intéressé, sans examiner d'office s'il était susceptible de se voir délivrer un titre de séjour sur un autre fondement, et a examiné sa situation privée et familiale au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au stade du prononcé de l'obligation de quitter le territoire français. Dès lors, ainsi que l'a estimé le premier juge, les moyens invoqués à l'appui du refus de séjour litigieux, tirés de la méconnaissance desdites stipulations et des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, étaient inopérants, de sorte que le tribunal n'était pas tenu d'y répondre.

4. En revanche, le préfet de la Vienne n'était pas en situation de compétence liée pour refuser l'autorisation de séjour présentée par le requérant au titre de l'asile ou de la protection subsidiaire. Le moyen tiré du défaut de motivation en droit de ce refus n'était donc pas inopérant. Or, le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen. Le jugement doit, par suite, être annulé.

5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Poitiers.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté pris dans son ensemble :

6. Par un arrêté du 10 avril 2016, publié au recueil spécial n° 86-2016-110 des actes administratifs, le préfet de la Vienne a donné délégation de signature pour l'ensemble des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à M. Emile Soumbo, secrétaire général de la préfecture. Ainsi, et eu égard au caractère suffisamment précis de cette délégation, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté comme manquant en fait.

En ce qui concerne la légalité du refus de séjour :

7. En premier lieu, la décision de refus d'autorisation de séjour au titre de l'asile ou de la protection subsidiaire vise l'article L. 314-11 8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatif à la délivrance de la carte de résident à l'étranger reconnu réfugié, ainsi que l'article L. 313-13 1° du même code, relatif à la délivrance de la carte de séjour temporaire mention "vie privée et familiale" à l'étranger qui s'est vu accorder le bénéfice de la protection subsidiaire. Le requérant fait valoir que l'arrêté vise les articles L. 743-1 et L.743-3 dudit code, relatifs au droit au maintien en France d'un demandeur d'asile durant l'examen de sa demande et à son obligation de quitter le territoire en cas de rejet de cette demande, articles qui n'étaient pas applicables à la situation du requérant compte tenu de la date de dépôt de sa demande d'asile. Cependant, lesdits articles, dont la teneur est au demeurant la même que celle des articles L. 742-3 et L. 742-7 dudit code applicables aux demandes d'asile déposées, comme en l'espèce, avant le 1er novembre 2015, ne constituent pas le fondement en droit de la décision de refus de séjour litigieuse. Ainsi, et dès lors que les considérations de droit appropriées fondant le refus de séjour attaqué sont dûment mentionnées dans l'arrêté, l'erreur dont le requérant fait état n'affecte pas la motivation en droit de la décision de refus de séjour.

8. En deuxième lieu, saisi d'une demande d'autorisation de séjour présentée uniquement au titre de l'asile ou de la protection subsidiaire, le préfet de la Vienne n'était pas tenu d'examiner d'office si M. D...était susceptible de se voir délivrer une autorisation de séjour à un autre titre.

9. En troisième lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point 3, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sont inopérants. Il en va de même des moyen tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du même code et de l'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de M.D..., moyens qui sont sans rapport avec la teneur de la décision de refus d'autorisation de séjour au titre de l'asile ou de la protection subsidiaire dont il a fait l'objet.

En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, la décision de refus de séjour n'étant pas illégale, le moyen tiré de l'illégalité de cette décision, invoqué par voie d'exception à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, doit être écarté.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...)10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Aux termes de l'article R. 511-1 du même code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues aux trois premiers alinéas de l'article R. 313-22 ". Enfin, aux termes de l'article R. 313-22 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général (...) ".

12. Il résulte de ces dispositions que, même si elle n'a pas été saisie d'une demande de titre de séjour fondée sur les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative qui dispose d'éléments d'informations suffisamment précis et circonstanciés établissant qu'un étranger résidant habituellement sur le territoire français est susceptible de bénéficier des dispositions protectrices du 10° de l'article L. 511-4 du même code, avant de prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire, doit saisir le médecin de l'agence régionale de santé pour avis dans les conditions prévues aux trois premiers alinéas de l'article R. 313-22 dudit code.

13. D'une part, il est constant que les certificats médicaux dont le requérant se prévaut, faisant état d'un syndrome post-traumatique, n'ont pas été portés à la connaissance de l'administration avant l'édiction de l'arrêté litigieux. La circonstance que la décision de la Cour nationale du droit d'asile rejetant sa demande d'asile mentionne l'un de ces certificats ne saurait être regardée, à elle seule, comme un élément d'information suffisamment précis et circonstancié porté à la connaissance de l'autorité préfectorale. Dans ces conditions, ladite autorité n'était pas tenue, avant de prononcer la mesure d'éloignement litigieuse, de saisir pour avis le médecin de l'agence régionale de santé.

14. D'autre part, les éléments médicaux versés au dossier, dont il ressort au demeurant que le traitement médicamenteux prescrit à M. D...est d'une efficacité limitée, ne permettent pas d'établir que l'absence de prise en charge médicale de l'intéressé pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, et alors même que les médicaments qui lui sont actuellement prescrits ne seraient pas distribués en Géorgie, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Vienne aurait, en prononçant la mesure d'obligation de quitter le territoire français contestée, méconnu les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

15. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l' exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

16. M. D...fait valoir qu'il réside en France depuis trois ans, que sa présence n'est pas constitutive d'une menace pour l'ordre public et qu'il souffre d'un syndrome post-traumatique pour lequel il bénéficie en France d'un traitement médical, traitement qui ne pourrait être poursuivi en Géorgie, lieu des traumatismes à l'origine de ses troubles et où le traitement médicamenteux qui lui est prescrit n'est pas disponible. Il ressort cependant des pièces du dossier que le requérant, entré récemment en France à l'âge de 26 ans, est célibataire et sans charge de famille. Si sa soeur vit en France, cette dernière fait aussi l'objet d'une mesure d'éloignement. Enfin, les seuls éléments versés au dossier ne permettent ni de tenir pour établi que le syndrome dont il est atteint trouverait son origine dans les évènements traumatisants que l'intéressé affirme avoir vécus dans son pays d'origine, ni, ainsi qu'il a été dit, de démontrer la gravité d'une interruption du traitement médicamenteux qui lui est prescrit. Dans ces conditions, l'obligation de quitter le territoire français en litige ne peut être regardée comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise.

17. En quatrième lieu, aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. (...) ".

18. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, le requérant n'établit nullement que, eu égard à son état de santé, la mesure d'éloignement attaquée serait contraire à ces stipulations.

19. En cinquième lieu, le moyen tiré de ce que la décision obligeant M. D...à quitter le territoire français serait contraire aux stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas assorti de précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.

20. Enfin, M. D...ne peut utilement se prévaloir, à l'appui de la contestation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, distincte de celle fixant le pays de renvoi, de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

21. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient le requérant, le refus de séjour et la mesure d'éloignement ne sont pas entachés d'illégalité. Le moyen tiré du défaut de base légale de la décision fixant le pays de renvoi ne peut dès lors qu'être écarté.

22. En deuxième lieu, la décision contestée vise notamment l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et mentionne que M. D...n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à ces stipulations en cas de retour dans son pays d'origine. Cette décision est, par suite, suffisamment motivée.

23. Enfin, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

24. M. D...soutient qu'il risque de subir des traitements prohibés par les stipulations précitées en cas de retour en Géorgie. Il expose qu'il s'était engagé au sein du Mouvement national uni (MNU), qu'il a été séquestré et torturé puis libéré à la faveur de son engagement à témoigner contre des dirigeants du MNU concernant une cache d'armes dont il était le gardien, et que, n'ayant pas témoigné, il encourt un risque de représailles, risque qui serait accru du fait de la victoire du parti Rêve géorgien aux élections législatives d'octobre 2016. Toutefois, le requérant, dont la demande d'asile a d'ailleurs été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, n'apporte pas d'éléments probants ou nouveaux de nature à établir la réalité des risques allégués. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

25. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté attaqué.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

26. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par le requérant, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies.

Sur l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par le requérant au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1700104 du tribunal administratif de Poitiers du 20 février 2017 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D...devant le tribunal administratif de Poitiers et le surplus de ses conclusions devant la cour sont rejetées.

Article 3: Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2017 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 juillet 2017.

Le rapporteur,

Marie-Pierre BEUVE DUPUYLe président,

Aymard de MALAFOSSE

Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX00820


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX00820
Date de la décision : 27/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre DUPUY
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : SCP BREILLAT DIEUMEGARD MASSON

Origine de la décision
Date de l'import : 04/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-07-27;17bx00820 ?
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