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27/07/2017 | FRANCE | N°17BX00869

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 27 juillet 2017, 17BX00869


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 12 août 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a retiré son titre de séjour " étudiant ", lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1604162 du 21 février 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une req

uête et un mémoire enregistrés les 21 mars et 9 juin 2017, M. C...D..., représenté par Me A..., dema...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 12 août 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a retiré son titre de séjour " étudiant ", lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1604162 du 21 février 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 mars et 9 juin 2017, M. C...D..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 février 2017 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer une carte de séjour mention " salarié " ou, à défaut, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué, qui ne mentionne pas sa relation de concubinage avec une ressortissante française, est insuffisamment motivé ; bien que n'ayant pas été portée à la connaissance du préfet, cette situation de concubinage existait à la date de l'arrêté ;

- cette insuffisante motivation révèle l'absence d'examen sérieux de sa situation ;

- l'avis émis le 24 mars 2016 par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi portant refus d'autorisation de travail est entachée d'une erreur d'appréciation ; en effet, son emploi présente une spécificité particulière et il dispose d'une expérience de trois années, quand bien même cette expérience est sans lien avec les études qu'il a suivies ; son employeur atteste aujourd'hui qu'il rencontre des difficultés pour recruter un chef cuisinier spécialisé en cuisine japonaise ; l'illégalité de cet avis affecte la légalité du refus de séjour qui lui a été opposé en qualité de salarié ;

- ledit avis n'a pas été pris par le directeur et est donc irrégulier ;

- le préfet n'a pas réellement mis en oeuvre son pouvoir de régularisation ; en effet, les motifs de refus de régularisation à titre discrétionnaire sont relatifs aux critères de délivrance du titre de séjour " salarié " ; le préfet a ainsi commis une erreur de droit ;

- le refus de lui délivrer un titre de séjour " salarié " est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de fait en ce qu'elle mentionne, la présence de ses parents en Thaïlande, alors que son père est décédé ;

- l'obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il justifie entretenir une relation de concubinage avec une ressortissante franco-thaïlandaise qui poursuit ses études en France ; il justifie aussi des liens d'amitié tissés en France, de son insertion professionnelle ; enfin, son séjour en France est ancien ;

- la décision fixant le pays de renvoi est privée de base légale.

Par un mémoire en défense enregistré le 31 mai 2017, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête. Il soutient que, faute d'éléments nouveaux, il s'en remet à ses écritures produites devant le tribunal.

Par une ordonnance du 1er juin 2017, la clôture d'instruction a été reportée au 9 juin 2017 à 12 heures.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,

- et les conclusions de M. B...de la Taille Lolainville, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M.D..., ressortissant thaïlandais né le 5 août 1986, est entré en France le 13 mars 2009 et a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étudiant renouvelé jusqu'au 30 septembre 2016. Il a sollicité le 11 février 2016 la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié en se prévalant d'un contrat de travail à durée indéterminée, à temps complet, en qualité de " cuisinier chef maki " conclu depuis le 1er octobre 2015. Par un arrêté du 12 août 2016, le préfet de la Haute-Garonne lui a retiré son titre de séjour " étudiant ", au motif qu'il ne poursuivait plus d'études en France, lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. D... relève appel du jugement n° 1604162 du 21 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, il appartenait à M.D..., qui avait présenté une demande de titre de séjour en qualité de salarié, de porter à la connaissance du préfet tous éléments utiles à l'examen de sa situation. Or, le requérant ne conteste nullement qu'il n'avait pas fait état, lors de sa demande, de la relation de concubinage qu'il affirme entretenir avec une ressortissante franco-thaïlandaise. Dans ces conditions, la circonstance que l'arrêté attaqué, qui comporte l'ensemble des éléments de droit et de fait qui le fondent, ne mentionne pas cette relation, n'affecte pas sa motivation en fait, et ne révèle pas davantage que le préfet ne se serait pas livré à un examen sérieux de la situation de M.D....

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. / Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2 (...). L'article R. 5221-20 du code du travail dispose : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : / 1° la situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographie pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes de placement concourant au service public du placement pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; / 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule (...) ".

4. D'une part, à l'appui de sa contestation du refus de séjour qui lui a été opposé en qualité de salarié, le requérant fait valoir que l'avis défavorable émis le 24 mars 2016 par les services de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, est entaché d'incompétence de son auteur. Toutefois, si la faculté qu'ont les autorités publiques de s'entourer, avant de prendre les décisions relevant de leur compétence, de tels avis qu'elles estiment utile de recueillir, ne peuvent légalement s'exercer, lorsqu'une disposition réglementaire fixe les conditions dans lesquelles il est pourvu à son application, que suivant les modalités prévues par cette disposition, aucune disposition ne fixe les conditions dans lesquelles le préfet, saisi d'une demande de délivrance d'une carte de séjour sur le fondement de l'article L. 313-10 précité, recueille l'avis des services chargés du travail placé sous son autorité. Par suite, le moyen tiré de ce que le refus de séjour contesté serait entaché d'un vice de procédure tenant à l'incompétence de l'auteur de l'avis émis par les services du travail ne peut qu'être écarté.

5. D'autre part, le requérant, qui fait valoir que ledit avis émis par les services du travail est entaché d'une erreur d'appréciation, doit être regardé comme critiquant les motifs de cet avis dont le préfet de la Haute-Garonne, autorité à laquelle il appartenait de statuer sur la demande d'autorisation de travail en cause en vertu des dispositions précitées de l'article R. 5221-20 du code du travail, s'est approprié les termes. M. D...fait ainsi valoir qu'il est titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de " chef cuisinier maki ", métier spécifique pour lequel il dispose d'une expérience professionnelle de trois années, et ajoute que son employeur rencontre des difficultés à recruter sur ce poste compte tenu des compétences techniques particulières qu'il requiert. Toutefois, si l'employeur de l'intéressé fait état, dans une attestation du 2 janvier 2017, des difficultés à " trouver un cuisinier de même rang " et de la technicité du métier en cause, ces affirmations ne sont pas corroborées par des éléments probants tels que, notamment, le caractère infructueux d'une recherche effective auprès des organismes de placement pour recruter un cuisinier déjà présent sur le marché du travail, en méconnaissance des dispositions précitées du 1° de l'article R. 5221-11 du code du travail. Or, ce motif justifiait à lui seul le refus opposé par le préfet. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient M. D..., le refus de séjour en qualité de salarié qui lui a été opposé ne procède pas d'une inexacte application des dispositions précitées des articles L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et R. 5221-20 du code du travail.

6. En troisième lieu, il ne résulte nullement de la rédaction de l'arrêté que le préfet aurait renoncé à mettre en oeuvre son pouvoir discrétionnaire de régularisation.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Le requérant fait valoir qu'il réside en France depuis sept ans, qu'il entretient une relation de concubinage avec une ressortissante franco-thaïlandaise, qu'il est inséré professionnellement et qu'il a tissé des liens d'amitié sur le territoire français. Cependant, il ressort des pièces du dossier que M. D...n'a été autorisé à séjourner sur le territoire français que le temps d'y effectuer ses études. De plus, si les pièces produites, notamment des clichés photographiques, établissent qu'il entretient une relation amoureuse avec une ressortissante franco-thaïlandaise depuis 2012, les seules pièces versées au dossier ne permettent pas d'établir l'ancienneté de la vie commune alléguée, alors au demeurant que l'attestation de sa compagne indique que le requérant l'a " hébergée pendant plusieurs mois le temps de retrouver une stabilité financière " et que ce dernier a indiqué être, non pas en concubinage, mais célibataire sur le formulaire de demande de titre de séjour qu'il a renseigné le 10 février 2016. Le requérant ne peut davantage se prévaloir du pacte civil de solidarité conclu avec sa compagne le 21 septembre 2016, postérieurement à l'édiction de l'arrêté litigieux. Enfin, M. D...est sans charge de famille et dispose d'attaches en Thaïlande, où résident sa mère, son frère et sa soeur. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, et bien que l'intéressé justifie de son insertion dans la société française, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision et méconnaîtrait par suite les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté.

9. En cinquième lieu, compte-tenu de ce qui été dit précédemment, le refus de séjour attaqué ne repose pas sur une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de M. D...

10. En sixième lieu, M. D...soutient que le préfet a commis une erreur de fait en mentionnant dans sa décision décidant son éloignement du territoire français que ses parents résident en Thaïlande, alors que seule sa mère y réside, son père étant décédé. Toutefois, il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision s'il n'avait pas commis cette erreur de fait, laquelle est ainsi sans incidence sur la légalité de la décision d'éloignement contestée.

11. Enfin, il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision portant refus de séjour et la décision portant obligation de quitter le territoire français ne sont pas entachées d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi serait dépourvue de base légale doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, être accueillies.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2017 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 27 juillet 2017.

Le rapporteur,

Marie-Pierre BEUVE DUPUYLe président,

Aymard de MALAFOSSE

Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX00869


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX00869
Date de la décision : 27/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre DUPUY
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : T et L AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-07-27;17bx00869 ?
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