La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/10/2017 | FRANCE | N°15BX03039

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 11 octobre 2017, 15BX03039


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Le Cormoran, venant aux droits de la société La Plage, a demandé, le 11 juin 2013, au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 8 février 2013 par lequel le maire de la commune de Saint-Clément-des-Baleines a interdit la sortie du camp de la Plage sur le chemin de la Conche à tous les véhicules non prioritaires, ensemble la décision en date du 10 avril 2013 rejetant le recours gracieux formé contre cet arrêté.

Par un jugement n° 1301251 du 9 juillet 2015, le tribuna

l administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Le Cormoran, venant aux droits de la société La Plage, a demandé, le 11 juin 2013, au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 8 février 2013 par lequel le maire de la commune de Saint-Clément-des-Baleines a interdit la sortie du camp de la Plage sur le chemin de la Conche à tous les véhicules non prioritaires, ensemble la décision en date du 10 avril 2013 rejetant le recours gracieux formé contre cet arrêté.

Par un jugement n° 1301251 du 9 juillet 2015, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 9 septembre 2015 et le 16 février 2017, la société Le Cormoran, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 9 juillet 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté municipal du 8 février 2013 ;

3°) de mettre à la charge de la commune une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement n'est pas suffisamment motivé en ce qui concerne la réponse apportée au moyen tiré de l'incompétence du maire et au moyen tiré du caractère non justifié de la mesure et de l'atteinte discriminatoire portée, par les décisions contestées, à la liberté de circulation ;

- le jugement a méconnu le principe de contradictoire dès lors qu'un mémoire produit par la commune après la clôture de l'instruction ne lui a pas été communiqué ;

- le jugement est entaché de contradiction de motifs ;

- l'arrêté du 8 février 2013 est illégal dès lors que le maire, qui s'est fondé sur les dispositions de l'article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales, n'était pas compétent pour édicter l'arrêté litigieux, en raison, notamment, de la localisation de la voie d'accès litigieuse en dehors de l'agglomération au sens de ces dispositions, le maire n'ayant pas, en outre, déterminé les limites de l'agglomération en méconnaissance des dispositions de l'article R. 411-2 du code de la route ; le maire a en réalité réglementé la sortie du terrain de camping, propriété privée, et non l'accès au domaine public routier ;

- la mesure de police est entachée d'erreur de fait dès lors que la sortie du camping par la rue de la Conche ne constitue pas une issue de secours ;

- elle est disproportionnée, n'est pas nécessaire et porte une atteinte excessive au droit d'accès des riverains par véhicules à moteur.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 janvier 2017, la commune de Saint-Clément-des-baleines, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société appelante une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle précise que :

- le jugement est suffisamment motivé, l'argument tiré de ce que le maire n'avait pas fixé les limites de l'agglomération, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 411-2 du code de la route n'ayant pas été soulevé devant les premiers juges, tandis que ces derniers ont bien opéré un contrôle de proportionnalité de la mesure et que le tribunal n'a pas à répondre à tous les arguments avancés par les parties ;

- en outre, aucune irrégularité ne réside dans la circonstance que le second mémoire de la commune, produit après la clôture automatique de l'instruction, n'a pas été communiqué, l'appelante ne démontrant pas que le tribunal se trouvait dans une hypothèse où il était tenu de le faire ;

- enfin, la critique du raisonnement retenu par les premiers juges, dirigée contre la portée erronée qui a été donnée à l'arrêté contesté, ne peut qu'être écartée, une éventuelle contrariété de motifs ne pouvant affecter que le bien-fondé d'un jugement ;

- le règlement pouvait être régulièrement fondé sur une autre base légale : l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ;

- les autres moyens soulevés par la société requérante, à l'encontre de l'arrêté municipal pris au titre de ses pouvoirs de police ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 17 février 2017, la date de clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 17 mars 2017 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la route ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvande Perdu, rapporteur,

- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la commune de Saint-Clément-des-Baleines.

1. La société à responsabilité limitée (SARL) La Plage qui exploitait le terrain de camping Airotel La Plage, sis 408 rue du Chaume, sur le territoire de la commune de Saint-Clément-des-Baleines (Charente-Maritime), a présenté, le 16 février 2012, une déclaration préalable de travaux concernant la " transformation d'une sortie piéton en une sortie voiture et piétons " donnant sur la rue de la Conche. Par un arrêté du 4 avril 2012, le maire de Saint-Clément-des-Baleines ne s'est pas opposé à ces travaux. Par un arrêté du 19 mai 2012, le maire a en revanche interdit la sortie sur ce chemin des véhicules des usagers du camping et, par un arrêté du 8 février 2013, abrogeant le précédent, il a reconduit l'interdiction de sortie de tous types de véhicule du camp de la Plage sur le chemin de la Conche, l'utilisation de l'accès n'étant tolérée " qu'en situation exceptionnelle (incendie, inondation etc. ) pour les véhicules d'urgence et de nécessité ". La société Le Cormoran, qui vient aux droits de la société La Plage, interjette appel du jugement du 9 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 8 février 2013 et de la décision du 10 avril 2013 par laquelle le maire a rejeté le recours gracieux formé à son encontre.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, la société Le Cormoran soutient que le jugement ne serait pas suffisamment motivé dès lors que les premiers juges n'auraient pas suffisamment explicité leur réponse au moyen tiré de l'incompétence du maire, et au moyen tiré du caractère non justifié de la mesure et de l'atteinte discriminatoire portée, par les décisions contestées, à la liberté de circulation. Toutefois, aux points 4 et 5 de leur décision, les premiers juges ont écarté chacun des moyens de façon suffisamment motivée, en particulier celui tiré de l'incompétence du maire pour édicter l'arrêté litigieux, l'argument tiré de ce que le maire n'avait pas fait usage des dispositions de l'article R. 411-2 du code de la route n'ayant, d'ailleurs, pas été soulevé en première instance, ainsi que les moyens par lesquels la nécessité et la proportionnalité de cette mesure de police étaient contestés. Ils ont nécessairement écarté le moyen relatif au caractère discriminatoire de la mesure en jugeant que l'interdiction n'excédait pas les sujétions que le maire pouvait imposer afin d'assurer la sécurité des usagers de la voie publique et expressément écarté le détournement de pouvoir en réponse au moyen selon lequel l'arrêté avait été pris pour satisfaire un intérêt privé. Les premiers juges, qui ne sont pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments invoqués par les parties, n'ont ainsi omis de répondre à aucun moyen ni entaché leur jugement d'un défaut de motivation.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Aux termes de l'article R. 613-2 du même code : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience (...) ". Aux termes de l'article R. 613-3 de ce code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que l'instruction est normalement close, à défaut d'ordonnance de clôture, trois jours francs avant la date de l'audience et, d'autre part, que, lorsque postérieurement à la clôture de l'instruction, le juge est saisi d'un mémoire émanant de l'une des parties à l'instance, il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de ce mémoire avant de rendre sa décision, ainsi que de le viser sans l'analyser.

5. Le jugement attaqué vise le second mémoire présenté par la commune de Saint-Clément-des-Baleines le 22 juin 2015, postérieurement à la clôture de l'instruction. De plus, il ne s'est pas fondé sur un élément nouveau qui aurait été présenté dans ce dernier mémoire. Le principe du contradictoire n'a pas été méconnu par le tribunal.

6. En troisième et dernier lieu, une contradiction de motifs ne peut être utilement invoquée pour contester la régularité du jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

7. Lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.

8. Aux termes de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est chargé (...) de la police municipale (...) " et aux termes de l'article L. 2212-2 de ce code : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment 1°) Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques (...) ". En appliquant ces dispositions, l'autorité municipale doit veiller à ce que les restrictions apportées à la liberté de circulation ne présentent pas un caractère excessif par rapport aux buts en vue desquelles elles ont été prises.

9. Selon l'article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction alors en vigueur : " Le maire exerce la police de la circulation sur les routes nationales, les routes départementales et les voies de communication à l'intérieur des agglomérations, sous réserve des pouvoirs dévolus au représentant de l'Etat dans le département sur les routes à grande circulation (...). ".

10. En premier lieu, l'arrêté litigieux a pour objet de limiter l'accès à la rue de la Conche des véhicules empruntant la sortie du camping " La Plage " qui débouche sur cette rue et, par suite, règlemente l'accès au domaine public routier, et non la circulation sur une voie privée de ce camping. Il interdit précisément l'utilisation de la sortie du camping débouchant sur la rue de la Conche aux véhicules non prioritaires en se fondant sur l'étroitesse du chemin de la Conche, sur la fragilité du sous-sol, et sur la gêne et le danger que représentent le passage des véhicules pour les vélos et les piétons.

11. Eu égard à l'objet de la mesure, la commune est fondée à soutenir que l'arrêté pouvait être fondé sur les dispositions précitées de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales. La commune est fondée à solliciter cette substitution de base légale dès lors que la société Le Cormoran n'est privée d'aucune garantie. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du maire de la commune ne peut qu'être écarté.

12. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que ledit camping dispose d'une autre sortie pour les véhicules de ses clients débouchant sur la rue du Chaume, dont rien ne permet de considérer qu'elle serait insuffisante y compris en haute saison.

13. En outre, il ressort des mêmes pièces que la rue de la Conche, même à sens unique, ne permet pas, compte tenu de son exiguïté, la circulation en toute sécurité de véhicules motorisés, de piétons et de vélos alors au surplus qu'il n'est pas contesté qu'il s'agit d'un parcours très prisé des touristes et des habitants de la commune, dans le prolongement même du site très touristique du Phare des baleines et à proximité d'une voie cyclable balisée et identifiée par des panneaux de circulation spécifiques. Et le busage du chemin au niveau de l'accès ne serait pas de nature à remédier à l'étroitesse de la voie sur le reste de la section empruntée par les usagers.

14. Ainsi, compte tenu de la capacité du camping " La Plage ", qui accueille un nombre important de vacanciers et de propriétaires de mobil-homes utilisant des véhicules motorisés et qui reste ouvert même en dehors de la saison estivale, la sortie de véhicules sur ce chemin serait de nature à entraîner une augmentation importante du trafic sur une voie inadaptée.

15. Par suite, l'arrêté qui autorise seulement l'utilisation du nouvel accès comme issue de service et de secours en cas d'urgence, était rendu nécessaire et, au regard des circonstances qui l'ont motivé et du but poursuivi, ne porte pas une atteinte excessive à la liberté de circulation ou au droit d'accès au camping.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la société Le Cormoran n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 8 février 2013 du maire de Saint-Clément-des-Baleines, et de la décision du 10 avril 2013 par laquelle le maire a rejeté le recours gracieux formé à son encontre.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Saint-Clément-des-Baleines, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la société Le Cormoran et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société appelante la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune et non compris dans les dépens, sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Le Cormoran est rejetée.

Article 2 : La société Le Cormoran versera à la commune de Saint-Clément-des-Baleines la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Le Cormoran et à la commune de Saint-Clément-des-Baleines.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

Mme Caroline Gaillard, assesseur,

Mme Sylvande Perdu, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 11 octobre 2017.

Le rapporteur,

Mme Sylvande Perdu

Le président,

M. Philippe Pouzoulet Le greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N°15BX03039


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX03039
Date de la décision : 11/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-04-01-01 Police. Police générale. Circulation et stationnement. Réglementation de la circulation.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Sylvande PERDU
Rapporteur public ?: Mme MUNOZ-PAUZIES
Avocat(s) : CABINET REPAIN - BABOULESSE

Origine de la décision
Date de l'import : 17/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-10-11;15bx03039 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award