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16/10/2017 | FRANCE | N°15BX03959

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 16 octobre 2017, 15BX03959


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du ministre du travail prise le 14 février 2014, retirant sa décision implicite du 16 décembre 2013, annulant la décision de l'inspecteur du travail du 31 juillet 2013 et autorisant son licenciement.

Par un jugement n° 1401097 du 13 octobre 2015, le tribunal administratif de Pau a annulé la décision du ministre du travail du 14 février 2014.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 dé

cembre 2015, la SARL Triangle Propreté, représenté par Me E...-F..., demande à la cour :

1°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du ministre du travail prise le 14 février 2014, retirant sa décision implicite du 16 décembre 2013, annulant la décision de l'inspecteur du travail du 31 juillet 2013 et autorisant son licenciement.

Par un jugement n° 1401097 du 13 octobre 2015, le tribunal administratif de Pau a annulé la décision du ministre du travail du 14 février 2014.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 décembre 2015, la SARL Triangle Propreté, représenté par Me E...-F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 13 octobre 2015 ;

2°) de rejeter la demande de première instance formée par MmeB... ;

3°) de mettre à la charge de Mme B...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le principe du contradictoire n'a pas été méconnu au détriment de MmeB... ; en vertu de la jurisprudence du Conseil d'Etat, le caractère contradictoire de l'enquête n'impose pas à l'administration de communiquer au salarié l'ensemble des pièces du dossier ; en l'espèce, la société Triangle Propreté n'a jamais remis au ministre les lettres de licenciement des autres salariés ; Mme B...n'a jamais formulé la moindre observation ni sollicité la copie des pièces dont elle aurait pu vouloir prendre connaissance, alors qu'elle a eu la liste des pièces transmises au ministre ; en outre, en sa qualité de déléguée du personnel, elle ne saurait valablement prétendre ne pas avoir été informée de la situation des autres salariés licenciés ; la procédure d'enquête contradictoire n'a donc pas été irrégulière ;

- le signataire de la décision attaquée n'était pas incompétent, il bénéficiait d'une délégation de signature régulière ;

- le retrait sa propre décision implicite de rejet par le ministre n'était pas illégal, dès lors que la décision de l'inspecteur étant illégale, le rejet implicite du recours hiérarchique l'était également, ce que le ministre a fait dans le délai de recours contentieux ;

- les faits reprochés sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement ; Mme B... a toujours refusé, malgré les mises en demeure qui lui ont été faites, d'apporter des précisions sur le nombre d'heures qu'elle effectuait auprès de ses autres employeurs, afin que la société Triangle Propreté puisse vérifier le respect des dispositions relatives aux durées maximales du travail, conformément aux articles L. 8261-1 et 2 du code du travail ; cette infraction est d'ailleurs réprimée par l'article R. 8262-2 du même code ; il s'agit d'une faute grave aux termes de la jurisprudence de la cour de cassation ;

- la seconde faute reprochée à Mme B...est issue du refus de sa nouvelle affectation ; celle-ci s'est bornée à rappeler ses disponibilités sans en apporter la justification ; elle a refusé toutes les propositions qui lui ont été faites, arguant en dernier lieu qu'il s'agissait d'une modification substantielle de son contrat de travail ;

- le licenciement de Mme B...est dépourvu de tout lien avec son mandat ; elle n'a été victime d'aucune discrimination ; à cet égard, l'inspecteur du travail a commis une erreur d'appréciation des faits ; d'autres salariés ont été licenciés, certains pour faute, d'autres pour motif économique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 février 2016, MmeB..., représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Triangle Propreté la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par la société Triangle Propreté n'est fondé ; en revanche, elle réitère ses moyens de première instance, tirés de ce que l'auteur de l'acte était incompétent, de ce que le principe du contradictoire a été violé, de ce que le retrait de la décision implicite de rejet était illégal, de ce que les faits reprochés n'étaient pas suffisamment graves pour justifier le licenciement et de l'existence d'un lien avec son mandat, du fait notamment de la rupture d'égalité de traitement entre les salariés, discrimination que le ministre n'a pu réellement vérifier, dès lors qu'il n'a jamais été mis en possession des lettres de licenciement des autres salariés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2017, le ministre du travail conclut au soutien de la requête de la société Triangle Propreté, à l'annulation du jugement et au rejet de la demande de MmeB....

Le ministre soutient notamment que le contradictoire a été respecté, dès lors qu'il a adressé à Mme B...une copie du recours hiérarchique ainsi que de l'ensemble des pièces jointes à ce recours.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,

- et les observations de MeE..., représentant la société Triangle propreté, et de MeC..., représentant MmeB....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D...B...a été engagée par la société Samsic en qualité d'agent de propreté dans le cadre d'un contrat de travail à temps partiel. Le 1er janvier 2006, la société Triangle Service a repris le marché de nettoyage sur lequel elle était affectée. Le 29 janvier 2013, la société Triangle Propreté a repris l'activité de la société Triangle Service placée en redressement judiciaire en août 2012 par le tribunal de commerce de Pau. Par courrier du 9 juillet 2013, la société Triangle Propreté a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier MmeB..., déléguée syndicale, déléguée du personnel titulaire et membre du comité d'entreprise. Par une décision du 31 juillet 2013, l'inspecteur du travail de la 8è section des Pyrénées-Atlantiques a refusé d'accorder l'autorisation sollicitée, motif pris d'un lien entre la demande d'autorisation et les mandats détenus par MmeB.... Saisi d'un recours hiérarchique par l'employeur, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, par une décision du 14 février 2014, retiré sa décision implicite née du silence gardé sur le recours formé par la société, annulé la décision de l'inspecteur du travail et accordé l'autorisation de licencier MmeB.... La société Triangle Propreté fait appel du jugement du tribunal administratif de Pau du 13 octobre 2015, qui a annulé la décision du ministre chargé du travail.

Sur la légalité de la décision du ministre du travail du 14 février 2014 :

2. D'une part, en vertu des dispositions de l'article L. 2411-3 du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient, dans l'intérêt des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, ne peuvent être licenciés qu'avec l'autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution du mandat dont il est investi.

3. D'autre part, lorsqu'elle constate qu'il existe un lien entre la demande de licenciement d'un salarié protégé et les mandats ou fonctions représentatifs de ce salarié, l'autorité administrative a compétence liée pour rejeter la demande d'autorisation de licenciement dont elle est saisie. (CE, soc LMEI Bourgogne, 20 mai 1994, 106197, B) Cependant, lorsqu'il est saisi par l'employeur d'un recours hiérarchique contre une décision d'un inspecteur du travail qui s'est fondé sur plusieurs motifs faisant, chacun, légalement obstacle à ce que le licenciement soit autorisé, le ministre ne peut annuler cette décision que si elle est entachée d'illégalité externe ou si aucun des motifs retenus par l'inspecteur du travail n'est fondé (CE, soc Microelectroniques Grand Ouest, 3 fév 2016, 389223, B)

4. Pour refuser l'autorisation de licenciement sollicitée, l'inspecteur du travail a considéré que le comportement fautif de Mme B...ne revêtait pas, dans les circonstances de l'espèce, un caractère de gravité suffisant pour justifier son licenciement et qu'il existait un lien entre la demande d'autorisation de licenciement et les mandats de MmeB.... Pour annuler la décision de l'inspecteur et autoriser le licenciement de la salariée, le ministre du travail a considéré que ces deux motifs n'étaient pas fondés.

5. Pour contester la décision qu'elle a attaquée, Mme B...fait valoir que, dès lors que l'employeur n'a pas transmis au ministre les lettres de licenciement adressées aux autres salariés, et que le ministre ne les a pas réclamées alors qu'il s'est écoulé six mois entre l'enregistrement du recours hiérarchique et l'édiction de la décision du 14 février 2014, l'administration a commis une " grave négligence " dans l'examen du dossier, celui-ci ne pouvant reposer sur les seules affirmations de l'employeur.

6. Il ressort en effet des pièces du dossier qu'au mois de juillet 2013, la société Triangle Propreté, employeur de MmeB..., a licencié plusieurs de ses salariés après que ces derniers eurent refusé, à l'instar de MmeB..., d'accepter une affectation sur un nouveau poste. L'existence de ces licenciements a conduit le ministre à comparer la situation de Mme B...avec celle des autres salariés dont l'entreprise décidait de se séparer. Le ministre a estimé que Mme B...n'avait pas fait l'objet d'un traitement discriminatoire dès lors tous les salariés qui ont refusé une affectation conforme à leurs conditions initiales de travail ont été licenciés. Cette circonstance a ainsi déterminé le ministre à considérer, à l'inverse de l'inspecteur du travail, qu'il n'existait aucun lien entre la demande de licenciement de Mme B...et les mandats syndicaux qu'elle détenait. Ces considérations ayant déterminé le ministre à accorder l'autorisation de licencier MmeB..., il lui incombait de prendre connaissance des lettres de licenciement que la société avait adressées aux autres salariés et qui étaient fondées sur les mêmes motifs que celui dont a fait l'objet l'intéressée. Comme cela a été dit ci-dessus, il ressort des pièces du dossier que la société Triangle Propreté ne les avait pas fournies à l'appui de son recours hiérarchique et que le ministre ne les lui a jamais réclamées. Il ne ressort pas non plus de la rédaction de la décision contestée que le ministre en aurait pris connaissance. Par suite, l'appréciation du ministre quant à l'absence de lien avec les mandats détenus par Mme B...doit être regardée comme entachée d'un défaut d'examen s'agissant du motif tiré du lien avec les fonctions représentatives retenu par l'inspecteur du travail.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre motif retenu par le ministre du travail pour annuler la décision de l'inspecteur du travail, que la société Triangle Propreté n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a annulé la décision du ministre du travail du 14 février 2014.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de MmeB..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Triangle Propreté sur ce fondement. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de cette dernière la somme de 2 000 euros que demande Mme B...sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Triangle Propreté est rejetée.

Article 2 : La société Triangle Propreté versera la somme de 2 000 euros à Mme B...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Triangle Propreté, à Mme D...B...et au ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 18 septembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Gil Cornevaux, président-assesseur

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 octobre 2017.

Le rapporteur,

Florence Rey-GabriacLe président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre du travail, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

2

N° 15BX03959


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX03959
Date de la décision : 16/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : AVOCADOUR JACQUOT-MARCHESSEAU LUCAS-SABIN

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-10-16;15bx03959 ?
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