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17/10/2017 | FRANCE | N°17BX01502

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 17 octobre 2017, 17BX01502


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté en date du 16 décembre 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1700030 du 11 avril 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un

mémoire, enregistrés les 12 et 15 mai 2017, MmeA..., représentée par MeD..., demande à la cour, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté en date du 16 décembre 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1700030 du 11 avril 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 et 15 mai 2017, MmeA..., représentée par MeD..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 11 avril 2017 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 16 décembre 2016 du préfet de la

Haute-Garonne ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer le titre de séjour sollicité ou à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

5°) de mettre à la charge de l'État le versement au profit de son conseil d'une somme de

1 500 euros, sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- le préfet a entaché son arrêté d'un défaut de motivation ;

- le préfet a commis une erreur de droit en ce qu'il s'est senti lié par l'avis réservé de la direction régionale des finances publiques sans porter sa propre appréciation sur la valeur des justificatifs produits au regard des critères de viabilité économique de l'entreprise que Mme A...entendait reprendre ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la viabilité économique de son projet d'activité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2017, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête. Le préfet soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par une décision du 14 septembre 2017, le président de section du bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par

MmeA....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C...a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeA..., ressortissante chinoise née le 12 janvier 1988, est entrée en France,

le 3 mars 2007, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour. Le 3 mars 2007, elle s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " régulièrement renouvelée jusqu'au 30 septembre 2015. Le 20 juillet 2015, elle a sollicité le changement de son statut et son admission au séjour en qualité de commerçant sur le fondement des dispositions du 3° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Mme A...relève appel du jugement n° 1700030 du 11 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne en date du 16 décembre 2016 lui refusant de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Postérieurement à l'enregistrement de son appel le 12 mai 2017, le bureau d'aide juridictionnelle a, par une décision du 14 septembre 2017, rejeté la demande d'aide juridictionnelle présentée par MmeA.... Par suite, les conclusions de l'appelante tendant à ce que soit prononcée son admission provisoire à l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

3. Aux termes des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger: (...) 3° Pour l'exercice d'une activité non salariée, économiquement viable et dont il tire des moyens d'existence suffisants, dans le respect de la législation en vigueur. Elle porte la mention "entrepreneur/ profession libérale " ". Aux termes de l'article R. 313-16-1 du même code, pris pour son application, dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée : " Pour l'application du 3° de l'article L. 313-10, l'étranger qui demande la carte de séjour temporaire portant la mention " entrepreneur/ profession libérale " doit présenter à l'appui de sa demande, outre les pièces mentionnées aux articles R. 311-2-2 et R. 313-1, les justificatifs permettant d'évaluer, en cas de création, la viabilité économique de son projet. / En cas de participation à une activité ou une entreprise existante, il doit présenter les justificatifs permettant de s'assurer de son effectivité et d'apprécier la capacité de cette activité ou de cette société à lui procurer des ressources au moins équivalentes au salaire minimum de croissance correspondant à un emploi à temps plein. ". Et aux termes de l'article R. 313-16-2 de ce code : " Lorsque l'étranger présente un projet tendant à la création d'une activité commerciale, industrielle ou artisanale, l'autorité diplomatique ou consulaire ou le préfet compétent saisit pour avis le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi compétent dans le département dans lequel l'étranger souhaite réaliser son projet ".

4. Il résulte de ces dispositions que la délivrance d'une carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle à l'étranger qui vient exercer en France une profession commerciale, industrielle ou artisanale est subordonnée, notamment, à la viabilité économique de l'activité envisagée. Lorsque l'étranger est lui-même le créateur de l'activité qu'il vient exercer, il lui appartient de présenter à l'appui de sa demande les justificatifs permettant d'évaluer la viabilité économique de son activité ou entreprise, que celle-ci soit encore au stade de projet ou déjà créée. Lorsque l'étranger n'est pas le créateur de l'activité qu'il entend exercer, il lui appartient de présenter les justificatifs permettant de s'assurer de son effectivité et d'apprécier la capacité de cette activité ou de cette entreprise à lui procurer des ressources au moins équivalentes au salaire minimum de croissance correspondant à un emploi à temps plein.

5. Il est constant que la demande présentée par MmeA..., le 20 juillet 2015, de changement de statut s'inscrivait dans le cadre non d'une création d'activité mais d'une reprise de l'établissement de vente sur place et à emporter et de restauration asiatique rapide exploitée par sa tante et son oncle sous la forme d'une SARL. Ainsi, les dispositions précitées de l'article R. 313-16-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à l'avis que le préfet doit recueillir auprès de l'administration des finances publiques ne trouvaient pas à s'appliquer au cas particulier. Si le préfet de la Haute-Garonne a, ainsi qu'il le pouvait, consulté la direction régionale des finances publiques sur la viabilité économique de l'activité commerciale projetée, laquelle " a émis un avis réservé au motif que le résultat d'exploitation, déficitaire, est le signe d'une entreprise en difficulté ", il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait porté sa propre appréciation sur les justificatifs produits par Mme A...permettant de s'assurer de l'effectivité de l'entreprise existante et de la capacité de cette dernière à procurer à l'appelante des ressources suffisantes, ainsi que l'exigent les dispositions précitées

du 3° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En effet, le préfet de la Haute-Garonne, qui a précisé qu'il n'était " pas lié par cet avis ", s'est borné à mentionner dans son arrêté qu'il disposait " du pouvoir d'apprécier si les éléments présentés par l'intéressée constituent des motifs justifiant son admission au séjour en qualité de commerçant " sans exposer les circonstances de fait de nature à refuser cette admission en l'espèce, ni même s'approprier le contenu dudit avis. Une telle motivation n'est de nature à établir ni que le préfet aurait lui-même examiné les justificatifs que Mme A...soutient avoir produits à l'appui de sa demande tendant à la délivrance d'une carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle, ni qu'il aurait procédé effectivement à l'évaluation de la viabilité économique de son projet. Le préfet a ainsi méconnu l'étendue de sa propre compétence. Par suite, la décision portant refus de séjour en date du 16 décembre 2016 est entachée d'une erreur de droit et doit être annulée. Cette annulation emporte, par voie de conséquence, l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays à destination.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A...est fondée à soutenir, par ce moyen soulevé pour la première fois en appel, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne en date

du 16 décembre 2016.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé.".

8. L'annulation des décisions refusant un titre de séjour à

Mme A...et lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi implique seulement, compte tenu du motif d'annulation, que le préfet de la Haute-Garonne procède à un réexamen de sa demande de titre de séjour. Il y a lieu pour la cour de prescrire ainsi au préfet de la Haute-Garonne de se prononcer sur la situation de Mme A...dans le délai de deux mois suivant la notification dudit arrêt. Il n'est pas nécessaire, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de

la loi du 10 juillet 1991 :

9. Mme A...n'a pas obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat ne peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative

et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991. Les conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'État le versement à Me D...de la somme de 1 500 euros doivent, par suite, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle présentée par MmeA....

Article 2 : Le jugement n° 1700030 du 11 avril 2017 du tribunal administratif de Toulouse et l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 16 décembre 2016 sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de procéder à un nouvel examen de la situation de Mme A...dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., au ministre de l'intérieur et à Me D.... Une copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 octobre 2017.

Le rapporteur,

Aurélie C...Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 17BX01502


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX01502
Date de la décision : 17/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Aurélie CHAUVIN
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : CABINET CANTIER et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-10-17;17bx01502 ?
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