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26/10/2017 | FRANCE | N°15BX02428

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 26 octobre 2017, 15BX02428


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...B...a, par deux requêtes distinctes, demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes, mis à sa charge par un avis de mise en recouvrement en date du 4 février 2012 et ayant fait l'objet d'une mise en demeure valant commandement de payer en date du 5 juillet 2012.

Par un jugement n° 1202635 et 1202793 du 18 juin 2015, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Procé

dure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 juillet 2015, M. D... B..., re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...B...a, par deux requêtes distinctes, demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes, mis à sa charge par un avis de mise en recouvrement en date du 4 février 2012 et ayant fait l'objet d'une mise en demeure valant commandement de payer en date du 5 juillet 2012.

Par un jugement n° 1202635 et 1202793 du 18 juin 2015, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 juillet 2015, M. D... B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 18 juin 2015 en tant qu'il rejette la demande n° 1202635 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a jugé à tort que la requête n° 1202635 était irrecevable dès lors que la contestation d'un avis de mise en recouvrement est un contentieux d'assiette ;

- l'établissement d'une responsabilité solidaire de paiement de la TVA ne relève pas des règles concernant le recouvrement de la TVA mais des règles concernant la détermination des redevables de la TVA ;

- les dispositions de l'article 283-4 bis du code général des impôts sont, en droit interne, les seules dispositions légales applicables en matière de TVA qui instituent une solidarité en paiement ;

- l'article 205 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ne vise que la TVA et non les pénalités ;

- les articles 1873 et 1871 du code civil mentionnés sur l'avis de mise en recouvrement contesté ne peuvent, sans méconnaître l'article 205 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, justifier en droit la mise à la charge de M. D... B...de la TVA et des pénalités y afférentes dues par la société Construcoes Intertrofa LDA.

- la société Construcoes Intertrofa LDA, qui est immatriculée au Portugal, ne peut être regardée comme une société en participation au sens de l'article 1871 du code civil ou une société de fait au sens de l'article 1873 du même code.

- l'article L. 210-6 du code de commerce ne peut pas davantage justifier en droit l'imposition en litige.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.

Par ordonnance du 20 juin 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 19 septembre 2016 à 12h00.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la directive n° 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvie Cherrier,

- et les conclusions de M. E... de la Taille Lolainville, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Construcoes Intertrofa LDA est immatriculée au Portugal comme exerçant une activité de " construction et réparation d'édifices " ainsi qu'une activité de " finition de bâtiments ". A l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a considéré que cette société exerçait une activité de maçonnerie non déclarée sur le territoire français. Ont donc été notamment établis en son nom, au titre d'une période couvrant les années 2006 et 2007, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée assortis de majorations. Les actions en recouvrement diligentées contre elle ayant été infructueuses, un nouvel avis de mise en recouvrement, daté du 4 février 2011, a été émis à l'encontre cette fois de M. D... B.... Cet avis portait la mention selon laquelle " par application combinée des articles 1873 et 1871 et s. du code civil ", ce dernier était, " en qualité d'associé gérant ", " tenu indéfiniment au passif de la société ". Le 5 juillet 2012, après réduction des impositions sur réclamation de la société, une mise en demeure valant commandement de payer a été adressée à M. D... B...pour le recouvrement de la somme de 94 743,78 euros. Dans une réclamation datée du 20 juillet 2012, M. D...B...a fait valoir que ces impositions et pénalités n'auraient pu être légalement établies qu'au nom de la société Construcoes Intertrofa et que les articles 1873 et 1871 du code civil ne pouvaient légalement justifier qu'il fût recherché en paiement. Cette réclamation, analysée par l'administration comme relevant à la fois de l'assiette et du recouvrement, a été rejetée par deux décisions distinctes. Sous le n° 1202635, M. D...B...a présenté au tribunal administratif de Poitiers des conclusions tendant à la " décharge des droits et pénalités établis à son nom en tant que redevable solidaire de la société Construcoes Intertrofa LDA ". M. D...B...fait appel du jugement du 18 juin 2015 par lequel le tribunal administratif a rejeté notamment cette demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le tribunal administratif a estimé que M. D... B...devait être regardé comme sollicitant, par sa demande enregistrée sous le n° 1202635, la décharge des droits et pénalités établis à son nom et qu'il soutenait à cet effet qu'il n'était pas solidaire de la société Construcoes Intertrofa LDA. Il a rejeté comme irrecevables ces conclusions au motif qu'à la date de l'enregistrement de celles-ci, le requérant, à l'encontre de qui avait été engagées des poursuites en vue du recouvrement des impositions et qui pouvait ainsi contester l'exigibilité de la dette dans le cadre d'un litige de recouvrement, " n'était plus recevable à présenter des moyens relatifs à l'exigibilité de la dette dans le cadre d'un litige d'assiette ".

3. Il résulte du régime juridique des sociétés en participation, défini aux articles 1871 et suivants du code civil et étendu aux sociétés créées de fait par l'article 1873 du même code, que les impositions dont une société de fait est redevable ne peuvent être mises à la charge que de ses associés connus de l'administration fiscale. Lorsque des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée doivent être mis à la charge d'une telle société, l'administration peut, sans que les stipulations des statuts de la société ne puissent, le cas échéant, lui être utilement opposés, soit établir un avis de mise en recouvrement portant sur la totalité de l'imposition dont la société est redevable en le libellant au nom d'un seul associé connu d'elle, soit établir des avis de mise en recouvrement libellés au nom de chacun des associés connus d'elle, à proportion de ses droits dans la société.

4. Il suit de là que, en contestant le principe de son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement des articles 1871 et 1873 du code civil, résultant de l'avis de mise en recouvrement du 4 février 2011 libellé à son nom, M. D...B...a soulevé un litige relevant du contentieux de l'assiette. Dans le cadre d'un tel litige, il était recevable à invoquer le moyen tiré de l'inopposabilité des articles 1871 et 1873 du code civil tenant à ce que la société Construcoes Intertrofa LDA n'est ni une société en participation, ni une société de fait. Par suite, et en tout état de cause, le tribunal administratif n'a pu, sans entacher d'irrégularité son jugement, rejeter comme irrecevable la demande enregistrée sous le n°1202635. Le jugement attaqué doit, dès lors, être annulé en tant qu'il rejette cette demande.

5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur ladite demande.

Au fond :

6. Il appartient au juge de l'impôt, saisi d'un litige portant sur le traitement fiscal d'une opération impliquant une société de droit étranger, d'identifier dans un premier temps, au regard de l'ensemble des caractéristiques de cette société et du droit qui en régit la constitution et le fonctionnement, le type de société de droit français auquel la société de droit étranger est assimilable. Compte tenu de ces constatations, il lui revient ensuite de déterminer le régime applicable à l'opération litigieuse au regard de la loi fiscale française.

7. En vertu des dispositions combinées des articles 1871 et 1873 du code civil, les sociétés en participation et les sociétés créées de fait ne sont pas immatriculées et sont dépourvues de personnalité morale.

8. Il résulte de l'instruction que la société " Construcoes Intertrofa LDA " est une " sociedade por quotas " qui a été inscrite, au Portugal, au registre du commerce sous le numéro 507600258. Par conséquent une telle société, dûment immatriculée quand bien même cette immatriculation n'a pas été effectuée en France, n'est pas assimilable, à supposer même que toute son activité se déploie sur le territoire français, à une société en participation ou une société créée de fait. Dès lors, l'administration n'a pu légalement constituer M. D...B...débiteur, sur le fondement des articles 1871 et 1873 du code civil, des impositions et pénalités dont est redevable cette société.

9. Il résulte de ce qui précède que M. D... B...est fondé à demander la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes dont est redevable la société " Construcoes Intertrofa LDA ".

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais engagés par M. D... B...et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 18 juin 2015 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. D... B...enregistrée sous le n° 1202635.

Article 2 : M. D...B...est déchargé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes dont est redevable la société " Construcoes Intertrofa LDA " au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007.

Article 3 : L'Etat versera à M. D...B...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 26 octobre 2017.

Le rapporteur,

Sylvie CHERRIER

Le président,

Aymard de MALAFOSSE Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 15BX02428


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX02428
Date de la décision : 26/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Recouvrement - Paiement de l'impôt.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Questions communes - Personnes imposables.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : ECHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-10-26;15bx02428 ?
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