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30/10/2017 | FRANCE | N°15BX02221

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 30 octobre 2017, 15BX02221


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...et l'Union générale des travailleurs de Guadeloupe (UGTG) ont demandé au tribunal administratif de le Guadeloupe d'annuler la décision du 7 mai 2013 par laquelle l'inspecteur du travail de la 2e section de la Guadeloupe, a autorisé la société Transports côte sous le vent à licencier M.B..., ainsi que la décision du 15 novembre 2013 par laquelle le ministre du travail du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a autorisé ce même licenciement.

Par un j

ugement n° 1301037, 1400115 du 7 mai 2015, le tribunal administratif de la Guade...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...et l'Union générale des travailleurs de Guadeloupe (UGTG) ont demandé au tribunal administratif de le Guadeloupe d'annuler la décision du 7 mai 2013 par laquelle l'inspecteur du travail de la 2e section de la Guadeloupe, a autorisé la société Transports côte sous le vent à licencier M.B..., ainsi que la décision du 15 novembre 2013 par laquelle le ministre du travail du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a autorisé ce même licenciement.

Par un jugement n° 1301037, 1400115 du 7 mai 2015, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé les décisions prises le 7 mai 2013 par l'inspecteur du travail et le 15 novembre 2013 par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 juillet 2015, la SARL Transport Côte Sous le Vent (TCSV), représentée par la Selarl Lacluse et César, demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 7 mai 2015.

Elle soutient que :

- les fautes commises par M. B...étaient d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ; elles étaient graves par rapport aux exigences du service, la société Côte Sous le Vent étant investie d'une mission de service public ; aucune faute ne peut être reprochée à la société en terme d'organisation du travail ;

- c'est à tort que le tribunal a retenu le contexte social de l'entreprise ; la grève de 2010 était illicite ; M. B...et ses collègues ont exercé abusivement et irrégulièrement leur droit de retrait et d'alerte à compter du 5 août 2012 ; ces salariés ne se sont pas présentés à leur poste de travail le 6 août ; ils n'ont informé leur employeur de ce qu'ils mettaient en oeuvre leur droit de que le 19 septembre ; le danger n'était ni grave ni imminent, nonobstant le décès de l'un de leurs collègues, dès lors que toutes les indications techniques confirment l'absence de danger présenté par les bus ;

- l'enquête menée par l'inspecteur du travail confirme le caractère volontaire de la commission des fautes par M.B... ; il a été volontairement absent de son service à certaines dates, ou l'a terminé de façon précoce sans raison valable ;

- la société a subi un préjudice suite au refus de travailler de M. B...le 5 mars 2013, faute de passagers transportés ; la matérialité des fautes est établie ;

- il n'y a aucun lien entre le mandat de M. B...et son licenciement ; le climat social au sein de l'entreprise a été créé par certains salariés, parmi lesquels M.B..., de façon purement abusive ; la grève de 2010 était illicite ; l'inspection du travail a jugé abusif l'exercice du droit de retrait en 2013 ; il s'avère que seuls les salariés syndiqués ont exercé leur droit de retrait ; la société TCSV n'a pas fait de discrimination en licenciant tous les salariés ayant exercé leur droit de retrait ; quant aux différences de salaire, elles ne sont pas établies.

Par une ordonnance en date du 9 août 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 septembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,

- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C...B..., exerçant la profession de chauffeur d'autobus et investi d'un mandat de délégué syndical au sein de la société Transports Côte Sous le Vent (TCSV), a fait l'objet d'une demande d'autorisation de licenciement présentée par cette dernière auprès de l'inspecteur du travail de la 2e section de la Guadeloupe. Celui-ci a autorisé le licenciement par une décision en date du 7 mai 2013. Saisi d'un recours hiérarchique formé par le salarié et l'Union générale des travailleurs de Guadeloupe (UGTG), le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, par une décision du 15 novembre 2013, annulé la décision de l'inspecteur du travail pour insuffisance de motivation et autorisé le licenciement de M.B.... La société TCSV fait appel du jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 7 mai 2015 qui a, sur les demandes de M. B...et de l'UGTG, annulé les deux décisions précitées de l'inspecteur du travail et du ministre du travail.

2. En vertu des dispositions de l'article L. 2411-3 du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives, bénéficient, dans l'intérêt des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, ne peuvent être licenciés qu'avec l'autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution du mandat dont il est investi.

3. Il ressort des pièces du dossier que la société TCSV a reçu le 22 janvier 2007 du département de la Guadeloupe une délégation de service public aux fins d'exploitation et de gestion du service public des transports de voyageurs desservant les communes de Deshaies, Pointe-Noire, Bouillante et Vieux-Habitants. Dès le dernier trimestre de l'année 2009, des tensions se sont manifestées entre la société, employant alors 27 chauffeurs, et ses dix chauffeurs syndiqués UGTG, se manifestant par des blocages d'activité par les salariés. Un litige est né entre ces mêmes salariés et leur employeur portant sur la détermination des horaires et des durées de travail, donnant lieu à la condamnation, prononcée en première instance au mois de décembre 2010 par le conseil de prud'hommes de Basse-Terre, confirmée en appel par la cour d'appel de Basse-Terre dans un arrêt du 16 juillet 2012, de la société TCSV à payer à ses salariés les heures supplémentaires de travail que ceux-ci ont démontré avoir effectuées. Les conflits entre la société et ses salariés syndiqués se sont poursuivis à compter du mois d'août de la même année 2012, sept salariés syndiqués ayant exercé, à compter du 6 août 2012, leur droit de retrait pendant plusieurs mois à la suite d'un accident de travail survenu le 4 août 2012 et ayant entraîné le décès d'un de leurs collègues, arguant de la vétusté et du défaut d'entretien de certains autobus. C'est dans ce contexte de forte tension sociale que, entre le 25 janvier et le 31 janvier 2013, la société TCSV a notifié à quatre des salariés syndiqués impliqués dans l'exercice du droit de retrait leur licenciement pour faute grave. S'agissant de trois autres salariés, dont M.B..., en raison du mandat de délégués syndicaux dont ceux-ci étaient investis, la procédure de licenciement a été initiée par la demande de licenciement de ces salariés présentée à l'inspection du travail par l'employeur.

4. Pour accorder à la société TCSV l'autorisation de licencier M. B..., le ministre du travail, confirmant sur ces différents points la décision de l'inspecteur du travail, a retenu à l'encontre du salarié une absence injustifiée en date du 5 mars 2013 ainsi qu'un service incomplet en date des 19, 23 et 25 février, 8 mars et 3 avril 2013. En revanche, il a considéré qu'en ce qui concernait le 30 mars 2013, le non-respect des obligations de service, également reproché au salarié à cette date, n'était pas établi.

5. Il ressort des pièces du dossier que l'absence du 5 mars 2013 était motivée par la convocation de M.B..., ainsi que de ses deux autres collègues délégués syndicaux, M. A... et M.D..., par l'inspecteur du travail, dans les locaux de l'inspection, aux fins d'enquête dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation de licenciement, toutes convocations produites par M.B.... Si celui-ci a fait valoir dans ses écritures devant le tribunal administratif que les trois convocations ont été remises, par M. D..., au nom de ses deux autres collègues, au secrétariat de la société, il ne l'établit pas. Il ne s'agit cependant pas d'une faute suffisamment grave pour justifier un licenciement. S'agissant des 19, 23 et 25 février, il est reproché à M. B...de s'être abstenu de desservir la totalité du trajet qu'il devait effectuer, dès lors qu'il avait refait le plein du véhicule au dépôt une quarantaine de minutes avant la fin normale de son service, à 20H45. Toutefois, l'autorité administrative ne rapporte pas, par ce seul moyen, la preuve qui lui incombe de ce que le salarié aurait mis fin à son service de façon prématurée à ces dates, alors que les horaires et la durée de travail au sein de la société employeur ne peuvent, compte tenu des modalités de fonctionnement de l'entreprise, être déterminées de manière précise, M. B... faisant valoir qu'il n'avait eu, ces jours-là que pas ou peu de passagers. S'agissant de la date du 8 mars 2013, si l'employeur allègue de ce qu'un " contrôleur " aurait constaté qu'il n'avait pas desservi une partie de sa tournée, elle ne l'établit pas alors au demeurant qu'un reproche identique concernant la même portion de la tournée le même jour a également été fait à M.A.... S'agissant enfin de la date du 3 avril 2013, pour laquelle il est également reproché au salarié d'avoir fait un demi-tour avant d'être arrivé au terminus, la société se borne encore à des allégations. Cette dernière ne produit en effet ni enregistrement chronotachygraphique ni procès-verbal de contrôleur, au soutien de ses griefs. En revanche, les circonstances invoquées par la société TCSV dans ses écritures d'appel, tenant à ce qu'en 2010, l'intéressé aurait mené, avec ses collègues, une " grève illicite " ou celle qu'il aurait " abusivement mis en oeuvre " son droit de retrait à la suite du décès d'un collègue sont sans incidence. Dans ces conditions, la matérialité des faits reprochés à M. B...ne peut être tenue pour établie alors qu'en outre, en vertu de l'alinéa 5 de l'article L. 1235-1 du code du travail, le doute doit profiter au salarié, comme l'a d'ailleurs estimé le ministre s'agissant de la journée du 30 mars 2013.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Transport Côte Sous le Vent n'est, pour ce seul motif pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé les décisions de l'inspecteur du travail et du ministre en charge du travail ayant autorisé le licenciement de M.B....

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Transport Côte Sous le Vent est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Transport Côte Sous le Vent, à M. C...B..., à l'Union générale des travailleurs de Guadeloupe et au ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 2 octobre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Gil Cornevaux, président-assesseur,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 octobre 2017.

Le rapporteur,

Florence Rey-GabriacLe président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre du travail, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

2

N°15BX02221


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX02221
Date de la décision : 30/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Bénéfice de la protection.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SELARL LACLUSE et CESAR AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-10-30;15bx02221 ?
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