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27/11/2017 | FRANCE | N°15BX02433

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 27 novembre 2017, 15BX02433


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 9 juillet 2012 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité territoriale de la Vienne de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Poitou-Charentes a autorisé son licenciement pour motif économique et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1202252 du

21 mai 2015, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande de M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 9 juillet 2012 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité territoriale de la Vienne de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Poitou-Charentes a autorisé son licenciement pour motif économique et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1202252 du 21 mai 2015, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande de M.C....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 juillet 2015, M.C..., représentée par Me Angotti, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 21 mai 2015;

2°) d'annuler la décision de l'inspecteur du travail de la Vienne du 9 juillet 2012 autorisant son licenciement ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision attaquée n'est pas suffisamment motivée en ce que la motivation retenue est stéréotypée et lapidaire ;

- la procédure d'autorisation de licenciement est irrégulière dès lors que cette autorisation n'a pas été sollicitée par son employeur ;

- l'inspecteur du travail a estimé, à tort, que son poste avait été supprimé puisque son contrat de travail aurait dû être transféré au sein de l'entreprise repreneuse ;

- les recherches de reclassement ne peuvent être qualifiées de sérieuses, loyales et personnalisées, contrairement à ce qu'a indiqué l'inspecteur du travail dans la décision litigieuse, dès lors que son poste a été maintenu au sein de l'entreprise repreneuse ;

- l'absence de transfert de son contrat à l'entreprise repreneuse est liée à son mandat ou à ses origines ethniques.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2016, la société Saint Jean industrie du Poitou, représentée par la SCP Aguera et associés, avocats, conclut au rejet de la requête de M. C...et à ce qu'il soit mis à la charge de ce dernier la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 7 septembre 2016, MeA..., mandataire liquidateur de la société Fonderie du Poitou, représenté par la SCP Hadengue et associés, avocats, conclut au rejet de la requête de M.C....

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 29 décembre 2016 le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gil Cornevaux ;

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.

- et les observations de MeB..., représentant la société Saint Jean industries du Poitou.

Considérant ce qui suit :

1. M. C...a été recruté le 1er janvier 2009 en qualité de responsable des ressources humaines au sein de la société Fonderie du Poitou Aluminium qui exerçait une activité de fabrication de pièces d'aluminium pour l'industrie automobile. Une procédure de redressement judiciaire a été ouverte par le tribunal de commerce de Nanterre, le 20 octobre 2011, puis, par un jugement devenu définitif du 19 avril 2012, a arrêté un plan de cession des activités de la société Fonderie du Poitou Aluminium à la société Saint Jean Industries, à laquelle devait être substituée une société nouvelle à créer, la société Saint Jean Industries Poitou détenue à 100 % par la société Saint Jean Industries. Ce plan de cession prévoyait le transfert à la société Saint Jean Industrie de 395 contrats et la rupture du contrat de travail pour motif économique de 60 salariés, dont M.C..., responsable des ressources humaines. L'administrateur judiciaire de la société Fonderie du Poitou Aluminium, a sollicité, le 11 juin 2012, l'autorisation de prononcer le licenciement de M.C..., qui lui a été accordé par l'inspecteur du travail de la 2ème section de la Vienne par une décision du 9 juillet 2012. M. C...relève appel du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 21 mai 2015 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 juillet 2012 autorisant pour motif économique son licenciement.

2. Si M. C...soutient que la décision l'inspecteur du travail du 9 juillet 2012 est entachée d'une insuffisance de motivation, il ressort de la lecture de cette décision qu'elle vise les textes dont elle fait application, en particulier les articles L. 2411-18, L. 2421-2 du code du travail et L. 662-4 du code de commerce, fait référence aux jugements du tribunal de commerce de Nanterre et se prononce sur la réalité du motif économique du licenciement, de la suppression du poste et des efforts de reclassement du salarié ainsi que sur l'existence d'un éventuel lien entre la demande et le mandat détenu par ce dernier. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

3. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés investis de fonctions représentatives, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, est subordonné à une autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière. En outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence.

4. Il résulte des dispositions combinées des articles L. 1224-1 du code du travail et L. 631-22 et L. 642-5 et suivants du code de commerce si la cession de l'entreprise en redressement judiciaire arrêtée par un jugement du tribunal de commerce entraîne en principe, de plein droit, le transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et, par voie de conséquence, la poursuite par le cessionnaire des contrats de travail attachés à l'entreprise cédée, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 1224-1 du code du travail, il peut être dérogé à ces dispositions lorsque le plan de redressement prévoit des licenciements pour motif économique, à la double condition, prévue par les dispositions précitées des articles L. 642-5 et R. 642-3 du code de commerce, d'une part, que le plan de cession ait prévu les licenciements devant intervenir dans le délai d'un mois après le jugement arrêtant le plan et, d'autre part, que ce jugement indique le nombre de salariés dont le licenciement est autorisé, ainsi que les activités et catégories professionnelles concernées.

5. Il ressort des pièces du dossier que le plan de cession de la société Fonderie du Poitou aluminium, dont Me F...était administrateur judiciaire, à la société Saint Jean Industries, avec reprise partielle du personnel, a été arrêté par un jugement du 19 avril 2012 du tribunal de commerce de Nanterre. Ledit jugement indique notamment que l'administrateur devra procéder, dans le mois, au licenciement des salariés dont l'activité et la catégorie n'étaient pas reprises et fixe le nombre de ces salariés licenciés selon une liste annexée au jugement, dont le poste de responsable des ressources humaines. La demande d'autorisation de licenciement de M.C..., datée du 8 juin 2012 et reçue à l'inspection du travail, le 11 juin suivant, a été signée parF..., qui avait dès le 15 mai 2012 averti M.C..., que son contrat de travail serait rompu. Par suite, et contrairement à ce que soutient M.C..., ce courrier, dans le cadre de la procédure en cours, a été présentée par l'administrateur judiciaire, lequel avait qualité, eu égard au jugement du tribunal de commerce du 19 avril 2012 et notamment aux dispositions des articles L. 631-22, L. 642-5 et R. 631-36 du code de commerce, pour demander l'autorisation de licencier l'intéressé. Par suite, le moyen tiré de ce que cette demande d'autorisation de licenciement a été présentée par une personne n'ayant pas qualité et intérêt pour le faire doit être écarté.

6. M. C...soutient que la société Saint Jean industries a diffusé un engagement unilatéral le 16 mai 2012 qui induisait nécessairement son maintien dans son poste au sein de la société Saint Jean Industries. Or, l'article L. 1224-1 du code du travail qui implique un transfert du contrat de travail du salarié à un nouvel employeur est sans portée lorsque la cession intervient dans le cadre d'un plan de cession adopté par le tribunal de commerce, auquel l'article L. 642-5 du code du commerce confie le soin de prévoir lui-même les licenciements des salariés qui ne sont pas transférés avec l'entité cédée. En l'espèce, la société cessionnaire Saint Jean Industries, qui n'est au demeurant pas l'employeur de M.C..., ne pouvait donc se voir transféré son contrat de travail de manière automatique, alors que ni le jugement du tribunal de commerce du 19 avril 2012, ni l'acte de cession, n'ont actés la proposition de la société saint Jean industries, qui n'était d'ailleurs pas dans son offre de reprise initiale, de conserver 7 salariés en plus des 395 initialement préservés. En effet, ce n'est qu'après des négociations avec le comité d'entreprise que sept salariés non volontaires pour le départ, ont été conservés par l'entreprise cessionnaire et que la société a publié ce communiqué à titre de simple information à destination de l'ensemble de ses salariés, sans qu'il puisse être considéré qu'il s'agisse d'un engagement unilatéral. Ainsi, le moyen tiré de ce que M. C...était nécessairement au nombre des salariés transférés doit être écarté.

7. Si M. C...soutient que le poste des relations humaines auquel il était affecté a été conservé sur le site d'Ingrandes puisqu'une offre d'un poste de responsable des relations sociales, en tout point similaire au poste qu'il occupait, a été publiée le 7 juin 2012, pour la société Saint Jean Industries, entreprise cessionnaire, l'administrateur judiciaire aurait du conduire une recherche au sein de cette société. Or, ainsi qu'il a été dit au point 4, c'est à l'entreprise cédante auquel il appartient de rechercher les possibilités de reclassement du salarié dont le licenciement est envisagé dans l'ensemble des entités dont elle assure encore la direction effective ou du groupe d'entreprises auquel elle appartient. Compte tenu du jugement du 19 avril 2012 du tribunal de commerce de Nanterre, à cette même date, la société Fonderie du Poitou Aluminium n'assurait donc plus la direction effective de l'entité, ainsi l'emploi de M. C... ne pouvait être regardé comme maintenu. La simple circonstance que la société cessionnaire ait ouvert un poste de responsable des relations sociales ne suffit pas à établir l'existence d'un manquement de son employeur à ses obligations de reclassement et une attitude discriminatoire à son égard de la part de ce dernier, alors que la suppression du poste de responsable des ressources humaines résulte de l'application du plan de cession arrêté par le tribunal de commerce et que l'intéressé ne produit aucun élément révélant l'existence de tels manquements, d'autant que la suppression d'un poste, même si elle s'accompagne d'un transfert d'une partie résiduelle des tâches du salarié licencié dans une autre structure constitue une suppression d'emploi.

8. Par ailleurs, s'il n'appartient pas à l'autorité administrative d'apprécier le respect par l'employeur de ses obligations de reclassement externe. En revanche il lui revient de s'assurer que les salariés protégés ont accès aux mesures de reclassement externe prévues par le plan de cession dans des conditions non discriminatoires et d'apprécier, sous le contrôle du juge, si les règles conventionnelles préalables à sa saisine ont été respectées. Il ressort des pièces du dossier qu'en vue de procéder, le cas échéant, à un tel reclassement pour les salariés dont le licenciement était envisagé, dont M.C..., l'administrateur judiciaire a demandé par écrit au groupe des industries métallurgiques et connexes de la région parisienne, à la Chambre syndicale des industriels métallurgiques et similaires de la Vienne, à la commission paritaire de l'emploi de la métallurgie de la Vienne et à l'union des industries s'ils disposaient de postes correspondant à ceux des salariés licenciés. Il en résulte que l'administrateur judiciaire a satisfait aux obligations de reclassement externe qui lui incombaient et que l'accès de M. C... aux offres externes a revêtu un caractère discriminatoire par rapport aux autres salariés de la société.

9. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il existerait un lien entre les mandats détenus par M. C...et son licenciement, l'intéressé ne produisant notamment aucun élément permettant de révéler une attitude discriminatoire à son égard à raison du mandat qu'il détient, ni que l'intérêt général justifierait son maintien dans l'entreprise.

10. Il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa requête. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, enfin, dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions présentées pour la société Saint Jean industrie du Poitou au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées pour société Saint Jean industrie du Poitou au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C..., à la société Saint Jean Industries Poitou, à Me E...A..., liquidateur judiciaire de la société Fonderie du Poitou Aluminium et au ministre du travail. Copie en sera adressée à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Poitou-Charentes

Délibéré après l'audience du 30 octobre 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Pierre Larroumec, président,

M. Gil Cornevaux, président-assesseur,

M. Pierre Bentolila, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 novembre 2017.

Le rapporteur,

Gil CornevauxLe président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre du travail, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

2

No15BX02433


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX02433
Date de la décision : 27/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation.

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation - Motifs autres que la faute ou la situation économique - Inaptitude - maladie.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Gil CORNEVAUX
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : CABINET JEANTET ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-11-27;15bx02433 ?
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