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14/12/2017 | FRANCE | N°15BX04024

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 14 décembre 2017, 15BX04024


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société AUTO 46 a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes auxquels elle a été assujettie pour la période du 1er décembre 2008 au 30 avril 2010, ainsi que de l'amende au taux de 5 % prévue par le 4 de l'article 1788 A du code général des impôts, pour un montant total de 671 003 euros.

Par un jugement n° 1202529 du 20 octobre 2015, le tribunal administratif de Toulouse a

rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société AUTO 46 a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes auxquels elle a été assujettie pour la période du 1er décembre 2008 au 30 avril 2010, ainsi que de l'amende au taux de 5 % prévue par le 4 de l'article 1788 A du code général des impôts, pour un montant total de 671 003 euros.

Par un jugement n° 1202529 du 20 octobre 2015, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés respectivement les 16 décembre 2015 et 14 septembre 2016, MeA..., liquidateur de la société AUTO 46, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 20 octobre 2015 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la procédure d'imposition est irrégulière, l'administration ne lui ayant pas communiqué l'ensemble des documents qui, obtenus auprès des autorités espagnoles, ont fondé les redressements en litige ; le tribunal administratif a invoqué à tort les stipulations de l'article 27§1 de la convention conclue le 10 octobre 1995 entre la France et l'Espagne, cette convention n'étant pas applicable en l'espèce ;

- la société remplit les conditions d'application du régime sur la marge et se trouve dans une situation conforme aux objectifs de la directive 2006/112/CE ;

- l'amende prévue par l'article 1788 du code général des impôts et les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas fondées.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 mai 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il soutient que la requête est irrecevable en tant qu'elle concerne les intérêts de retard et l'amende au taux de 5 % compte tenu des dégrèvements accordés avant la saisine de la cour, et qu'aucun des moyens invoqués dans la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 20 juin 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 19 septembre 2016 à 12h00.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, modifiée par la directive 94/5/CE du Conseil du 14 février 1994 ;

- la directive 2006/112/ CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvie Cherrier,

- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société AUTO 46 exerce une activité d'achat-revente de véhicules de tourisme d'occasion récente. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er décembre 2008 au 30 avril 2010 à l'issue de laquelle l'administration fiscale lui a, par proposition de rectification du 18 avril 2011, notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et infligé une amende de 5 % sur le fondement de l'article 1788 A-4 du code général des impôts. Les impositions supplémentaires qui en résultent ont été mises en recouvrement le 23 septembre 2012. Me A..., liquidateur de la société AUTO 46, relève appel du jugement du 20 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande à fin de décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée laissés à la charge de la société, ainsi que de l'amende précitée.

2. En raison de la liquidation judiciaire de la société, intervenue le 17 mars 2014, les intérêts de retard dont les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige avaient été assortis ainsi que l'amende prévue au 4 de l'article 1788 A du code général des impôts ont fait l'objet, le 4 avril 2014, de la remise prévue par le I de l'article 1756 du code général des impôts. Par suite, les conclusions de la requête sont irrecevables en tant qu'elles portent sur ces intérêts et sur cette amende.

3. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ".

4. L'obligation faite à l'administration fiscale par les dispositions précitées de tenir à la disposition du contribuable qui le demande, avant la mise en recouvrement d'impositions établies au terme d'une procédure de rectification contradictoire ou par voie d'imposition d'office, les documents ou copies de documents qui contiennent les renseignements qu'elle a utilisés pour procéder aux redressements correspondants, sauf dans le cas où ces renseignements sont librement accessibles au public, permet au contribuable de vérifier l'authenticité de ces documents et d'en discuter la teneur ou la portée et constitue ainsi une garantie pour l'intéressé. Cette obligation ne peut toutefois porter que sur les documents originaux ou les copies de ces documents effectivement détenus par les services fiscaux. Par suite, au cas notamment où les documents que le contribuable demande sont détenus non par l'administration fiscale, qui en a seulement pris connaissance dans l'exercice de son droit de communication, mais par l'autorité judiciaire, il appartient à l'administration fiscale de renvoyer l'intéressé vers cette autorité. En revanche, au cas où l'administration, dans l'exercice de son droit de communication, a pris des copies des documents détenus par un autre service, elle est tenue, en principe, de mettre l'intégralité de ces copies à la disposition du contribuable. Cependant, les dispositions législatives protégeant le secret professionnel, comme celles que prévoit l'article L. 103 du livre des procédures fiscales, peuvent faire obstacle à la communication par l'administration à un contribuable de renseignements concernant un tiers, sans le consentement de celui-ci ou de toute personne habilitée à cet effet. Peuvent, dès lors, être régulièrement établis des redressements fondés sur des documents dont les copies détenues par les services fiscaux n'ont été communiquées au contribuable qu'après occultation des informations couvertes par un tel secret.

5. Il résulte de l'instruction que la société AUTO 46 a demandé à l'administration la communication des documents sur lesquels elle s'était fondée pour établir les impositions litigieuses, par courrier du 20 juin 2011, dont la vérificatrice fait état dans sa réponse aux observations du contribuable en date du 25 juillet 2011. Comme indiqué dans ce dernier courrier, l'administration a communiqué à la société une copie des 82 factures rectificatives adressées par la société espagnole Talleres Hidalcan à l'intéressée ainsi qu'une copie de 35 factures initiales d'achat délivrées par la société allemande venderesse aux sociétés Money Call Spain, Fran Iberice, E et R Automoviles et CGI Grupo de consulting, afférentes à des véhicules vendus par la suite à la société requérante.

6. Me A...fait toutefois valoir que les réponses adressées à l'administration fiscale par les autorités espagnoles, dans le cadre de l'assistance administrative internationale, ne lui ont pas été communiquées, ce que ne conteste pas le ministre, aucune pièce du dossier ne permettant par ailleurs d'établir qu'une telle communication aurait eu lieu. Or, il ressort tant des termes de la proposition de vérification en date du 18 avril 2011, que de la réponse aux observations de la société AUTO 46 en date du 25 juillet 2011, que la vérificatrice a utilisé des informations contenues dans les réponses qui lui ont été adressées par les autorités espagnoles pour procéder aux redressements en litige. La vérificatrice fait en effet état de l'examen, par ces autorités, de la comptabilité des fournisseurs espagnols, dont il ressortait que les achats de véhicules en Allemagne et leur revente à la requérante y étaient comptabilisés en acquisition intracommunautaire, et de la constatation, par ces mêmes autorités, de ce qu'aucun de ces fournisseurs espagnols n'avait pris livraison des véhicules vendus in fine à la requérante, lesquels n'avaient par ailleurs jamais transité par l'Espagne ou été immatriculés dans ce pays. Elle indique également, dans la proposition de rectification du 18 avril 2011, que d'après les informations recueillies auprès des autorités espagnoles, 31 factures rectificatives établies par la société Talleres Hidalcan auraient été adressées à la société AUTO 46, et donc reçues par celle-ci, ce chiffre étant porté à 82 dans le courrier du 25 juillet 2011, et donc que l'intéressée ne pouvait dès lors ignorer que les véhicules acquis par la société Talleres Hidalcan pour lui être revendus, s'étaient vus appliquer le régime des livraisons intracommunautaires.

7. Le ministre ne fait état d'aucun élément de nature à justifier, au regard des règles rappelées aux points 3 et 4 ci-dessus, la communication partielle des documents demandés. Par ailleurs, les stipulations de la convention conclue le 10 octobre 1995 entre la France et l'Espagne en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ne sont pas applicables à la taxe sur la valeur ajoutée et ne pouvaient dès lors justifier un refus, par l'administration, de communiquer à la société AUTO 46 les réponses formulées par les autorités espagnoles à la demande d'assistance administrative internationale. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'administration a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales et a ainsi privé la société d'une garantie doit être accueilli, ce qui conduit, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, à la décharge des impositions et pénalités demeurant.en litige

8. Il résulte de tout ce qui précède que MeA..., agissant en qualité de liquidateur de la société AUTO 46, est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses conclusions à fin de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été assignés à cette société pour la période du 1er décembre 2008 au 30 avril 2010 et des pénalités pour manquement délibéré dont ces rappels ont été assortis.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, dans les circonstances de l'espèce, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Me A...et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 20 octobre 2015 est annulé.

Article 2 : La société AUTO 46 est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés pour la période du 1er décembre 2008 au 30 avril 2010 et des majorations dont ces rappels ont été assortis.

Article 3 : L'Etat versera à MeA..., agissant en qualité de liquidateur de la société AUTO 46, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à MeA..., agissant en qualité de liquidateur de la société AUTO 46 et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 14 décembre 2017.

Le rapporteur,

Sylvie CHERRIER

Le président,

Aymard de MALAFOSSE Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition certifiée conforme.

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N° 15BX04024


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX04024
Date de la décision : 14/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Rectification (ou redressement) - Généralités.

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Rectification (ou redressement) - Généralités.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : GUELOT et BARANEZ AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-12-14;15bx04024 ?
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