La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/12/2017 | FRANCE | N°15BX03493

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 18 décembre 2017, 15BX03493


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Me E... C..., mandataire liquidateur de la société Caribéenne de Construction, a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision implicite par laquelle l'inspecteur du travail de la 2ème section de la direction du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de la Guadeloupe, a refusé l'autorisation de licenciement de M. D...et d'enjoindre à l'inspection du travail d'autoriser le licenciement sollicité.

Par une ordonnance n° 1500354 du 23 juillet 2015, le présid

ent du tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté la demande de la sociét...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Me E... C..., mandataire liquidateur de la société Caribéenne de Construction, a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision implicite par laquelle l'inspecteur du travail de la 2ème section de la direction du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de la Guadeloupe, a refusé l'autorisation de licenciement de M. D...et d'enjoindre à l'inspection du travail d'autoriser le licenciement sollicité.

Par une ordonnance n° 1500354 du 23 juillet 2015, le président du tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté la demande de la société Caribéenne de Construction.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 23 octobre 2015, et 4 mai 2016, la société Caribéenne de Construction dont le représentant est MeC..., mandataire liquidateur, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du président du tribunal administratif de la Guadeloupe du 23 juillet 2015 ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de M. B...D... ;

3°) d'enjoindre à l'inspection du travail d'autoriser le licenciement de M. D....

Elle soutient que :

- l'absence de motivation de la décision implicite de l'inspecteur du travail est constitutive d'une illégalité pour vice de forme ;

- par son silence l'administration du travail méconnaît l'autorité de la chose jugée par la Cour administrative d'appel de Bordeaux par son arrêt du 1er décembre 2005 ;

- la durée excessive de traitement du dossier due à la négligence de l'inspecteur du travail constitue une faute.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 avril 2016, le ministre du travail, conclut au rejet de la requête de Me C....

Il fait valoir que :

- la décision implicite de l'inspecteur du travail à la suite d'une demande d'autorisation de licenciement présentée le 13 septembre 2006 est régulière car il appartenait au requérant de demander les motifs de sa décision conformément aux dispositions de l'article de la loi 79-587 ;

- M. D...avait perdu sa protection le 7 septembre 2002, il appartenait donc au liquidateur judiciaire d'en tirer toutes les conséquences et procéder, sans saisine préalable de l'inspection du travail de procéder au licenciement du salarié.

Par un mémoire, enregistré le 30 juin 2016, M.D..., représenté par la Selarl Lacluse et César, conclut au rejet de la requête de la société Caribéenne de Construction et à ce que Me C... soit condamné à lui payer les sommes respectives de 415 194,45 euros en réparation de son préjudice financier correspondant aux salaires impayés du 1er juillet 2003 au mois d'avril 2005, de 20 000 euros pour non établissement du solde de tout compte et d'absence de remise des document de fin de contrat, de 25 000 euros à titre de réparation de son préjudice moral ainsi qu'il soit mise à la charge de cette dernière la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la société Caribéenne de Construction ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 23 juin 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 24 juillet 2017.

Les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions de M. D...présentées dans le cadre de son appel incident et tendant à réparation d'un préjudice pour une faute qu'aurait commise une autre personne privée relèvent de la compétence l'ordre de judiciaire.

La société Caribéenne de construction a présenté des observations en réponse au moyen d'ordre public qui ont été enregistrées le 16 novembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi ° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gil Cornevaux ;

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. D...qui a été recruté le 27 juillet 1999 par la société Caribéenne de Construction, en qualité de chef d'équipe, a été désigné représentant des salariés dans le cadre de la liquidation judiciaire de cette société. MeC..., liquidateur judiciaire de cette société a donc saisi l'inspection du travail à fin d'autorisation de licenciement de M.D..., ce qui lui a été refusé par décision de l'inspecteur du travail de la deuxième section de la direction du travail de l'emploi et de la formation professionnelle de la Guadeloupe du 17 juillet 2002 au motif d'une insuffisance de recherche de reclassement. La cour de céans auprès de laquelle, Me C...avait fait appel du jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 16 janvier 2003, a par un arrêt du 29 décembre 2009, annulé le jugement attaqué ainsi que la décision de l'inspecteur du travail du 17 juillet 2002. Me C...a donc saisi, le 13 septembre 2006, l'inspection du travail d'une nouvelle demande d'autorisation de licenciement à l'encontre de M. D... conduisant à une enquête contradictoire le 9 octobre 2006, à l'issue de laquelle est intervenue une décision implicite de rejet de la demande de licenciement de M.D.... L'administration n'ayant pas répondu à la sollicitation de Me C...tendant à lui notifier une décision explicite, cette dernière a saisi le 4 mai 2015, le tribunal administratif de Guadeloupe à fin d'annulation de la décision implicite de l'inspecteur du travail et à ce qu'il soit enjoint à l'administration du travail d'autoriser le licenciement. Me C...relève appel d'une ordonnance du 23 juillet 2015, par laquelle le président du tribunal de la Guadeloupe a rejeté ce recours.

Sur l'exception de la chose jugée :

2. Il ressort des pièces du dossier que postérieurement à l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 29 décembre 2009 enjoignant à l'administration de prendre une nouvelle décision à la suite d'une nouvelle instruction de la demande d'autorisation de licenciement de la société Caribéenne de Construction, la société a saisi l'inspection du travail le 13 septembre 2006 d'une nouvelle demande d'autorisation de licenciement à l'encontre de M. D.... A l'issue de l'enquête contradictoire conduite le 9 octobre 2006, est intervenue une décision implicite de rejet. Par suite, la société requérante ne saurait utilement invoquer la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée.

Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :

3. Aux termes de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979 susvisée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, alors applicable, aujourd'hui codifié à l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans le délai du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande (...) ". Si MeC..., mandataire liquidateur de la société Caribéenne de Construction met en cause l'absence de motivation de la décision de l'inspecteur du travail, elle indique expressément dans ses écrits n'avoir pas sollicité auprès de l'administration du travail la communication des motifs de la décision implicite qu'elle conteste. Elle ne saurait dès lors être fondée à soutenir utilement que la décision litigieuse serait entachée de défaut de motivation.

4. Aux termes de l'article R. 2421-4 du code du travail : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat. / L'inspecteur du travail prend sa décision dans un délai de quinze jours, réduit à huit jours en cas de mise à pied. Ce délai court à compter de la réception de la demande d'autorisation de licenciement. Il n'est prolongé que si les nécessités de l'enquête le justifient. L'inspecteur informe les destinataires mentionnés à l'article R. 2421-5 de la prolongation du délai. ".

5. Me C...soutient que la procédure de licenciement ne serait pas régulière au motif que l'inspecteur du travail n'aurait pas respecté le délai de quinze jours pour prendre sa décision, tel que prévu par l'article R. 2421-4 du code du travail. Or, les formalités de délai décrites par les dispositions de l'article R. 2421-4 du code du travail ne sont pas prescrites à peine de nullité. Par suite, la circonstance que l'inspecteur du travail ait dépassé le délai de quinze jours qui lui était imparti pour statuer est sans incidence sur la légalité de la décision implicite par laquelle il a refusé le licenciement de M.D....

6. Me C...soutient que le silence de l'administration s'apparente à une volonté arbitraire de la part de l'inspection du travail de ne pas mener à bien la procédure dont elle est en charge. Si le délai de quinze jours ci-dessus mentionné n'est pas imparti à l'autorité administrative à peine de nullité et n'a pas pour effet, en l'absence de prescription expresse de la loi en ce sens, de donner au silence gardé par ladite autorité pendant ce délai le caractère d'une décision implicite de rejet, en revanche, une telle décision doit être regardée comme intervenant au terme du délai prévu par l'article 21 de la loi du 12 avril 2000 dans sa rédaction alors applicable, qui dispose que le silence gardé pendant plus de deux mois par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet. En conséquence, il ne peut donc être utilement reproché à l'inspection du travail d'avoir placé le mandataire liquidateur dans une situation inextricable et d'avoir violé la protection dont dispose M.D..., en s'abstenant d'instruire la demande d'autorisation sollicitée.

7. Enfin si MeC..., mandataire liquidateur de la société Caribéenne de Construction entend soutenir que l'administration aurait commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat en s'abstenant d'instruire la demande d'autorisation sollicitée, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision implicite de rejet.

8. Il résulte de ce qui précède que MeC..., n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance du 23 juillet 2015, le président du tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Sur les conclusions indemnitaires de M. D...:

9. Les conclusions présentées par M.D..., dans le cadre d'un appel incident, tendant à la condamnation de MeC..., mandataire liquidateur de la société Caribéenne de Construction à des dommages et intérêts en réparation de ses différents préjudices, sont relatives à un litige opposant des personnes privées. Un tel litige n'est pas au nombre de ceux dont il appartient à la juridiction administrative de connaître. Dès lors, elles doivent être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Me C..., mandataire liquidateur de la société Caribéenne de Construction au profit de M. D..., une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Les conclusions à fin d'annulation de la requête de Me E... C..., mandataire liquidateur de la société Caribéenne de Construction, sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions indemnitaires de M. D...sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 3 : Il est mis à la charge de Me E...C..., mandataire liquidateur de la société Caribéenne de Construction, au profit de M.D..., la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Me E... C..., mandataire liquidateur de la société Caribéenne de Construction, à M. B...D...et au ministre du travail. Copie en sera transmise à la direction régionale de concurrence, de la consommation du travail et de la Guadeloupe.

Délibéré après l'audience du 27 novembre 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Pierre Larroumec, président,

M. Gil Cornevaux, président-assesseur,

M. Axel Basset, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 décembre 2017.

Le rapporteur,

Gil CornevauxLe président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre du travail, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

2

No15BX03493


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 15BX03493
Date de la décision : 18/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-03-04 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Modalités de délivrance ou de refus de l'autorisation. Recours hiérarchique.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Gil CORNEVAUX
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : GOUT

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-12-18;15bx03493 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award