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18/01/2018 | FRANCE | N°16BX00835

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 18 janvier 2018, 16BX00835


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Rivet Presse Edition a demandé au tribunal administratif de Limoges de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er octobre 2004 au 30 septembre 2007, pour un montant de 94 253 euros.

Par un jugement n° 1200411 du 31 décembre 2015, le tribunal administratif de Limoges a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement

les 3 mars 2016 et 4 avril 2017, la société Rivet Presse Edition, représentée par Me A..., deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Rivet Presse Edition a demandé au tribunal administratif de Limoges de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er octobre 2004 au 30 septembre 2007, pour un montant de 94 253 euros.

Par un jugement n° 1200411 du 31 décembre 2015, le tribunal administratif de Limoges a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement les 3 mars 2016 et 4 avril 2017, la société Rivet Presse Edition, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 31 décembre 2015 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les prestations qu'elle réalise pour ses clients, y compris les travaux de routage, qui consistent en une mise aux normes postales des périodiques qu'elle imprime, leur filmage et leur adressage, s'intègrent dans une opération unique complexe au sens de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 et de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne ; ces travaux de routage se trouvent par suite soumis au taux réduit de taxe sur le valeur ajoutée prévu par l'article 298 octies du code général des impôts.

Par deux mémoires en défense, enregistrés respectivement le 31 août 2016 et le 25 avril 2017, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 5 avril 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 26 avril 2017 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 77/388/CEE du Conseil de la Communauté économique européenne du 17 mai 1977 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvie Cherrier,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant la société Rivet Presse Edition.

Considérant ce qui suit :

1. La société Rivet Presse Edition, qui a pour activité l'impression, le façonnage et le routage de documents périodiques et autres, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant porté, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur les périodes du 1er octobre 2004 au 30 septembre 2007. A l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale a estimé que les prestations de routage des documents périodiques, que la société avait soumises au taux réduit de 5,5 %, devaient être soumises au taux normal de 19,6 %. Elle lui a en conséquence assigné des rappels de taxe au titre de la période considérée. La société Rivet Presse Edition relève appel du jugement du 31 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande de décharge des suppléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie.

2. Aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts, pris en application de la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ". Aux termes de l'article 298 octies du même code, dans sa rédaction applicable à la période en litige : " Les travaux de composition et d'impression des écrits périodiques sont soumis au taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée (...) ".

3. Il résulte des dispositions des directives instituant le système commun de taxe sur la valeur ajoutée, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que lorsqu'une opération économique soumise à la taxe sur la valeur ajoutée est constituée par un faisceau d'éléments et d'actes, il y a lieu de prendre en compte toutes les circonstances dans lesquelles elle se déroule aux fins de déterminer si l'on se trouve en présence de plusieurs prestations ou livraisons distinctes ou d'une prestation ou livraison complexe unique. Chaque prestation ou livraison doit en principe être regardée comme distincte et indépendante. Toutefois, l'opération constituée d'une seule prestation sur le plan économique ne doit pas être artificiellement décomposée pour ne pas altérer la fonctionnalité du système de la taxe sur la valeur ajoutée. De même, dans certaines circonstances, plusieurs opérations formellement distinctes, qui pourraient être fournies et taxées séparément, doivent être regardées comme une opération unique lorsqu'elles ne sont pas indépendantes. Tel est le cas lorsque, au sein des éléments caractéristiques de l'opération en cause, certains éléments constituent la prestation principale, tandis que les autres, dès lors qu'ils ne constituent pas pour les clients une fin en soi mais le moyen de bénéficier dans de meilleures conditions de la prestation principale, doivent être regardés comme des prestations accessoires partageant le sort fiscal de celle-ci. Tel est le cas, également, lorsque plusieurs éléments fournis par l'assujetti au consommateur, envisagé comme un consommateur moyen, sont si étroitement liés qu'ils forment, objectivement, une seule opération économique indissociable, le sort fiscal de celle-ci étant alors déterminé par celui de la prestation prédominante au sein de cette opération.

4. En premier lieu, les opérations de routage, qui recouvrent la mise au format et la normalisation des adresses des destinataires, le filmage des périodiques ainsi que leur adressage, sont indépendantes des prestations de composition et d'impression des périodiques. En effet, et comme le relève la requérante elle-même dans ses écritures, elle est l'un des rares opérateurs sur le marché à fournir à ses clients un service complet de composition et d'impression, assorti de routage, les entreprises du secteur ne proposant, le plus souvent, que des prestations de composition et d'impression, ou les seules prestations de routage. Par suite, la distinction des opérations de composition et d'impression d'une part, et des activités de routage d'autre part, correspond à la réalité économique et ne revêt pas un caractère artificiel.

5. En deuxième lieu, il résulte d'une part de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne qu'une prestation doit être considérée comme accessoire à une prestation principale lorsqu'elle ne constitue pas pour la clientèle une fin en soi mais le moyen de bénéficier dans les meilleures conditions du service principal de l'assujetti. La société Rivet Presse Edition fait valoir que les prestations de composition et d'impression, et les prestations de routage fournies à ses clients font l'objet d'un seul contrat, pour un prix global. Il résulte toutefois des actes d'engagement de marchés produits par la société, que ses clients ont la faculté de ne pas acquérir la prestation de routage en sus de l'impression de leurs écrits, seules les prestations d'impression et de façonnage leur étant alors facturées. D'autre part, la société requérante, qui ne donne aucune précision sur la part que représente le routage dans le montant global facturé au client acquéreur des prestations de composition, d'impression et de routage, n'établit ni même n'allègue que les activités de routage ne contribueraient qu'à faible hauteur à la formation du prix total acquitté dans ce cas par le client. Enfin, et comme il a été dit au point 4, l'offre d'une prestation de routage par la société Rivet Presse Edition est, sur le marché qui est le sien, une spécificité, de telle sorte que cette offre est susceptible de constituer pour ses clients potentiels un critère déterminant dans leur décision de la choisir comme prestataire pour la composition et l'impression de leurs écrits ou périodiques. Dans ces conditions, cette prestation de routage constitue une fin en soi pour les clients et non le moyen de bénéficier dans de meilleures conditions de la prestation de composition et d'impression. Dès lors, le routage n'est pas, en l'espèce, l'accessoire d'une prestation principale de composition et d'impression.

6. En troisième lieu, la société Rivet Presse Edition soutient que ses clients ne trouveraient aucune utilité à recevoir des écrits périodiques non routés dès lors que lesdits écrits seraient inexploitables en l'état car impossibles à acheminer et ne correspondant pas à leur commande. Toutefois, et comme il a été dit au point 4, si l'on se place du point de vue du " consommateur moyen ", les prestations de composition et d'impression d'une part, et celles de routage d'autre part, apparaissent comme des opérations autonomes, dissociables l'une de l'autre.

7. La société Rivet Presse Edition se prévaut enfin de la documentation administrative de base publiée le 8 octobre 1999, selon laquelle le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée s'applique aux opérations qui constituent le prolongement normal des travaux d'impression, telles que les opérations de brochage ou de massicotage. Ces prescriptions ne comportent toutefois aucune interprétation formelle de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application. Par suite, la société Rivet Presse Edition ne peut s'en prévaloir utilement sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

8. Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient la société Rivet Presse Edition, les prestations de routage fournies à ses clients ne peuvent être facturées au taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée auquel sont soumis les travaux de composition et d'impression en application de l'article 298 octies du code général des impôts. La société requérante n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses conclusions à fin de décharge.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement des sommes que la société Rivet Presse Edition demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Rivet Presse Edition est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Rivet Presse Edition et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller,

Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 janvier 2018.

Le rapporteur,

Sylvie CHERRIER

Le président,

Laurent POUGET Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

3

N° 16BX00835


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX00835
Date de la décision : 18/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-09-01 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Calcul de la taxe. Taux.


Composition du Tribunal
Président : M. POUGET L.
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : FIDAL LIMOGES

Origine de la décision
Date de l'import : 23/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-01-18;16bx00835 ?
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