La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/03/2018 | FRANCE | N°16BX01047

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 05 mars 2018, 16BX01047


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...D...épouse C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse en premier lieu d'annuler la décision en date du 18 avril 2013 par laquelle le président du conseil départemental de la Haute-Garonne lui a retiré son agrément d'assistante maternelle, en deuxième lieu de condamner le conseil départemental à lui verser une indemnité de 5 000 euros en réparation du préjudice moral et 28 062,72 euros au titre de son préjudice financier qu'elle estime avoir subi et en troisième lieu d'enjoindre au d

partement de la Haute Garonne de procéder au réexamen de sa situation sous as...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...D...épouse C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse en premier lieu d'annuler la décision en date du 18 avril 2013 par laquelle le président du conseil départemental de la Haute-Garonne lui a retiré son agrément d'assistante maternelle, en deuxième lieu de condamner le conseil départemental à lui verser une indemnité de 5 000 euros en réparation du préjudice moral et 28 062,72 euros au titre de son préjudice financier qu'elle estime avoir subi et en troisième lieu d'enjoindre au département de la Haute Garonne de procéder au réexamen de sa situation sous astreinte de 100 euros par jour de retard et à défaut prononcer la suspension de son agrément.

Par un jugement n° 1304028 du 21 janvier 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 29 mars 2016 et 29 mars 2017, MmeC..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 21 janvier 2016 ;

2°) d'annuler la décision en date du 18 avril 2013 par laquelle le président du conseil départemental de la Haute-Garonne a procédé au retrait de son agrément d'assistante maternelle ;

3°) de condamner le département de la Haute-Garonne à lui verser la somme de 28 062,72 euros au titre de son préjudice financier et à la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

4°) d'enjoindre au département de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de sa situation sous astreinte de 100 euros par jour de retard et à défaut prononcer la suspension de son agrément ;

5°) de mettre à la charge du département de la Haute-Garonne la somme de 2 400 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Elle soutient que :

- la décision de retrait d'agrément n'a pas été précédée d'une évaluation dans son cadre professionnel telle que prévue par le code de l'action sociale et de la famille ;

- elle ne pouvait produire d'attestations postérieures au signalement puisqu'elle était en arrêt maladie ;

- la motivation retenue pour procéder au retrait de son agrément n'est corroborée par aucun élément matériel et ne concerne en rien son comportement professionnel ;

- elle n'a jamais été en mesure de prendre connaissance des faits précis qui lui étaient reprochés ;

- le retrait illégal de son agrément justifie une indemnisation en réparation d'un préjudice financier à hauteur de 28 062,72 euros ainsi que d'un préjudice moral à hauteur de 5 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 août 2016 et le 19 avril 2017, le département de la Haute-Garonne, représenté par la SCP Cantier et associés, conclut au rejet de la requête et, à ce que Mme C...lui verse une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir à titre principal que la requête est irrecevabilité et à titre subsidiaire qu'aucun des moyens de cette requête n'est fondé.

Par ordonnance du 3 avril 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 avril 2017.

Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 avril 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gil Cornevaux ;

- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C...agréée en qualité d'assistante familiale en application des articles L. 421-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles était employée depuis 2007 par le département de la Haute-Garonne pour l'accueil à son domicile d'un enfant relevant de l'aide sociale à l'enfance. Cet agrément a été étendu à deux enfants en octobre 2007, puis à trois enfants en août 2008 et enfin à quatre enfants, dont un en accueil périscolaire, en 2011. A la suite d'un signalement, effectué le 12 septembre 2012, et faisant état faisant état de violences physiques et psychologiques à l'encontre de ses propres enfants ainsi que de troubles de comportement violent et crises non maîtrisées, le président du conseil départemental de la Haute-Garonne a suspendu, par décision du 21 décembre 2012, cet agrément pour une durée de quatre mois. Puis après avis de la commission consultative paritaire départementale du 11 avril 2013, le président du conseil départemental de la Haute-Garonne, par décision du 18 avril 2013, lui a retiré son agrément. Mme C...relève appel du jugement du 21 janvier 2016, par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du président du conseil départemental de la Haute-Garonne du 18 avril 2013 lui retirant son agrément en tant qu'assistante maternelle ainsi que l'indemnisation en réparation des préjudices subis du fait de ce retrait d'agrément.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles : " L'agrément nécessaire pour exercer la profession d'assistant maternel ou d'assistant familial est délivré par le président du conseil général du département où le demandeur réside. (...) L'agrément est accordé à ces deux professions si les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs et majeurs de moins de vingt et un ans accueillis, en tenant compte des aptitudes éducatives de la personne. (...) ". Aux termes de l'article L. 421-6 de ce code : " (...) Si les conditions de l'agrément cessent d'être remplies, le président du conseil général peut, après avis d'une commission consultative paritaire départementale, modifier le contenu de l'agrément ou procéder à son retrait. (...) ". Aux termes de l'article R. 421-3 du code de l'action sociale et des familles : " Pour obtenir l'agrément d'assistant maternel ou d'assistant familial, le candidat doit : 1° Présenter les garanties nécessaires pour accueillir des mineurs dans des conditions propres à assurer leur développement physique, intellectuel et affectif ; (...) 3° Disposer d'un logement dont l'état, les dimensions, les conditions d'accès et l'environnement permettent d'assurer le bien-être et la sécurité des mineurs compte tenu du nombre et, s'agissant d'un candidat à l'agrément d'assistant maternel, de l'âge de ceux pour lesquels l'agrément est demandé ".

3. En vertu des dispositions précitées, il incombe au président du conseil départemental de s'assurer que les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants accueillis et de procéder au retrait de l'agrément si ces conditions ne sont plus remplies. A cette fin, dans l'hypothèse où il est informé de suspicions de comportements susceptibles de compromettre la santé, la sécurité ou l'épanouissement d'un enfant de la part du bénéficiaire de l'agrément ou de son entourage, il lui appartient de tenir compte de tous les éléments portés à la connaissance des services compétents du département ou recueillis par eux et de déterminer si ces éléments sont suffisamment établis pour lui permettre raisonnablement de penser que l'enfant est victime des comportements en cause ou risque de l'être.

4. Mme C...fait valoir notamment qu'elle n'a pas subi de visite domiciliaire, avant la décision de retrait de son agrément. Or, outre qu'aucune disposition législative ou réglementaire non plus qu'aucun principe général du droit n'obligeait l'administration à effectuer une visite à son domicile ou à convoquer pour recueillir ses observations, contrairement à ce que soutient MmeC..., la procédure prévue aux articles R. 421-5 et R. 421-6 du code de l'action sociale et de la famille ne trouve à s'appliquer que dans la phase initiale du recrutement de l'assistante maternelle et non à l'occasion d'une procédure de retrait d'agrément. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que la procédure de retrait serait irrégulière au motif que la décision serait intervenue sans qu'elle ait fait l'objet d'une visite d'évaluation ou d'un entretien préalable prévu par ces dispositions doit être écarté.

5. L'article L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles, contrairement à ce que soutient MmeC..., n'impose pas la réalisation d'une " enquête administrative " entre la mesure de suspension et la décision de retrait d'agrément mais impose aux services départementaux de mener des diligences visant à rechercher les éléments de toute nature établissant la réalité du risque présenté par le milieu de garde avant que le président du conseil général ne prenne la décision de retrait d'un agrément. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, qu'outre les informations préoccupantes transmises par le service enfance en danger le 12 septembre 2012, une évaluation " enfance en danger " a été réalisée en novembre 2012 et une ordonnance de non conciliation, prononcée à la même période par le juge aux affaires familiales, a confié la garde des enfants de la requérante à leur père et a ordonné une expertise psychiatrique de MmeC.... Ainsi, l'impossibilité pour les services de la protection maternelle et infantile de garantir les conditions d'accueil, dans de telles circonstances, a conduit après la suspension de l'agrément de MmeC..., qu'elle n'a, au demeurant, pas contesté, à la décision du président du conseil départemental de la Haute-Garonne, du 18 avril 2013, prononçant le retrait de son agrément après l'avis favorable de la commission consultative paritaire départementale.

6. La requérante, pour contester l'exactitude matérielle du motif retenu pour lui retirer son agrément, produit de nombreux témoignages de parents attestant de son professionnalisme et du bien-être apparent des enfants qu'elle avait en garde, et met en avant les conclusions docteur Arbus qui indique dans son rapport d'expertise du 22 avril 2013, postérieur à la date de la décision de retrait de son agrément, que Mme C..." est en capacité d'assumer son autorité parentale et ne présente pas de pathologie susceptible de représenter un danger physique ou psychique pour ses enfants ". Toutefois, ce rapport ne se prononce pas sur l'aptitude professionnelle de Mme C...alors qu'une note du 20 décembre 2012 du service enfance en danger a confirmé que l'intéressée n'était plus en capacité d'accueillir des enfants en bas âge, et qu'elle n'a pas précisé aux travailleurs sociaux la nature de son suivi médical, ni souhaiter donner les coordonnées de ses médecins, alors qu'à cette époque Mme C...n'occupait plus le domicile conjugal dans lequel elle accueillait les enfants alors que l'ordonnance de non conciliation avait fixé la résidence des enfants au domicile du père. Il ressort aussi de l'attestation de MmeE..., psychanalyste, que MmeC..., lors de la période de la décision contestée, " souffrait de syndrome dépressif et développait une problématique névrotique à connotations obsessionnelles " et était en proie à une " grande crise " et à une " rupture de confiance totale ". L'ensemble des éléments mettent, à tout le moins, en évidence une fragilisation de l'équilibre familial au sein du foyer conduisant sur un risque de perturbation affective des enfants mineurs accueillis.

7. Il résulte de ce qui précède que, nonobstant les attestations produites témoignant du comportement bienveillant de l'intéressée à l'égard des enfants qu'elle accueillait, le président du conseil départemental de la Haute-Garonne n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 421-6 du code de l'action sociale et de la famille en estimant, au vu des éléments dont il disposait à la date de sa décision, compte tenu de leur crédibilité, que Mme C... ne pouvait plus garantir la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants qu'elle accueillait et en décidant de retirer l'agrément dont elle bénéficiait. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le président du conseil aurait commis une erreur d'appréciation en procédant au retrait de son agrément d'assistante familiale.

8. Il résulte de tout ce qui précède que MmeC..., sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non recevoir soulevés par le conseil départemental de la Haute Garonne, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 avril 2013 portant retrait de son agrément. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées aux fins d'indemnisation et d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à que le département de la Haute-Garonne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à Mme C...quelque somme que ce soit. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du département de la Haute-Garonne présentées à l'encontre de Mme C...sur ce même fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du conseil départemental de la Haute-Garonne tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié Mme B...D...épouse C...et au président du conseil départemental de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 5 février 2018 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Gil Cornevaux, président-assesseur,

Mme Rey-Gabriac, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 mars 2018.

Le rapporteur,

Gil CornevauxLe président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

2

No16BX01047


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX01047
Date de la décision : 05/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

04-02-02 Aide sociale. Différentes formes d'aide sociale. Aide sociale à l'enfance.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Gil CORNEVAUX
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : BOISSEL

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-03-05;16bx01047 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award