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05/03/2018 | FRANCE | N°17BX03701

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 05 mars 2018, 17BX03701


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 10 août 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays dont il a la nationalité comme destination.

Par un jugement n° 1703798 du 16 août 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 10 août 2017 du préfet de la Haute-Garonne en tant qu'il refuse à M. C...un délai de départ volo

ntaire et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 10 août 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays dont il a la nationalité comme destination.

Par un jugement n° 1703798 du 16 août 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 10 août 2017 du préfet de la Haute-Garonne en tant qu'il refuse à M. C...un délai de départ volontaire et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 novembre 2017, M.C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse du 16 août 2017 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français contenue dans l'arrêté du 10 août 2017 du préfet de la Haute-Garonne;

2°) d'annuler la décision portant obligation de quitter le territoire français contenue dans l'arrêté précité du préfet de la Haute-Garonne du 10 août 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen immédiat de sa situation à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, outre les entiers dépens, la somme de 1 700 euros au profit de son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et, dans l'hypothèse où il ne serait pas admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle, à son profit sur le fondement du seul article L. 761-1.

Il soutient que :

- la mesure d'éloignement est entachée d'un défaut de motivation au regard de la loi du 11 juillet 1979 et de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment quant à sa situation personnelle, en particulier sa scolarité et les garanties de représentation dont il bénéficie en France ; il n'a pas été tenu compte de ce qu'au moment de l'édiction de la décision litigieuse, il était considéré comme encore mineur en Algérie, et que son représentant légal sur le territoire français, à savoir son père, était sous le coup d'une mesure d'éloignement non définitive ; le préfet avait connaissance de cette circonstance, mais n'en a pas fait mention ; ce faisant, il n'a pas suffisamment motivé sa décision ;

- cela révèle un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- la mesure d'éloignement porte une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ; il est entré mineur sur le territoire français, avec son père ; celui-ci a déposé une demande d'asile, ce qui démontre l'existence de démarches visant à régulariser leur situation ; ils ont tous deux été pris en charge par un foyer, et bénéficient ainsi de garanties de représentation ; en Algérie, il n'a plus de mère, car elle est décédée ; il a suivi une scolarité en France et a obtenu un CAP ; il avait trouvé un employeur pour une inscription en bac pro ; il avait donc des perspectives d'études et d'insertion professionnelle en France ; la jurisprudence est souvent favorable dans le cas de jeunes majeurs placés dans des situations similaires.

Par une décision du 26 octobre 2017, M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A...C..., de nationalité algérienne, né le 15 février 1999 à Oran, déclare être entré en France le 17 janvier 2014, à l'âge de quinze ans, en compagnie de son père. Ce dernier, qui a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile, a vu sa demande rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 30 mars 2015, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 2 novembre 2016, puis s'est vu notifier par le préfet du Tarn un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français en date du 25 juillet 2017. M. C...a été interpellé, le 10 août 2017, par les services de police dans le cadre d'un contrôle d'identité, dépourvu des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur. Le même jour, le préfet de la Haute Garonne a pris à son encontre, d'une part, un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de renvoi, et d'autre part, un arrêté de placement en rétention administrative. M. C...fait appel du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 16 août 2017, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté portant mesure d'éloignement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / (...). / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée (...) ".

3. En premier lieu, l'arrêté contesté comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles la décision d'obligation de quitter le territoire français est fondée. Au titre des considérations de fait, le préfet mentionne notamment les conditions d'entrée et de séjour en France de M. C...mais aussi de son père, le fait que l'intéressé est célibataire et sans enfant mais possède des attaches familiales en Algérie, le fait qu'il ne dispose pas de garanties de représentation suffisantes ni de ressources, ainsi que le fait qu'il n'a jamais effectué de démarches pour chercher à régulariser sa situation. Les circonstances que le préfet n'ait pas évoqué son parcours scolaire français ou l'âge de la majorité légale en Algérie sont sans incidence, dès lors que l'autorité administrative, qui n'était pas tenue à l'exhaustivité quant à la situation personnelle de l'étranger, a ainsi suffisamment motivé son arrêté au regard de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile comme au regard des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration.

4. En deuxième lieu, il ne ressort pas de la motivation de l'arrêté contesté, ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet de la Haute-Garonne n'aurait pas procédé, comme il y est tenu, à un examen particulier de la situation personnelle de M. C... avant de prendre sa décision.

5. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

6. Pour contester la mesure d'éloignement prise à son encontre, M. C...fait valoir qu'il est entré sur le territoire français encore mineur en accompagnant son père, qu'en Algérie, sa mère est décédée et que son père est son seul représentant légal alors que l'âge de la majorité n'est fixé qu'à dix-neuf ans en Algérie, qu'il s'est bien inséré scolairement en France puisqu'il a obtenu un CAP et avait trouvé un employeur pour son CFA et son inscription en bac pro et qu'il a ainsi des perspectives d'études et d'insertion professionnelle en France. Il ressort cependant des pièces du dossier que M.C..., désormais majeur au regard de la loi française, n'a entrepris aucune démarche pour régulariser sa situation alors qu'il ne justifie pas être entré régulièrement sur le territoire français ni être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Il entre ainsi dans le cas visé au 1° de l'article L. 511-1-I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans lequel le préfet peut l'obliger de quitter le territoire français. Il est en outre célibataire et sans enfant, mais n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de quinze ans et où résident a minima ses deux frères et soeurs. S'il se prévaut de la présence en France de son père, son seul représentant légal depuis le décès de sa mère en 2007, le préfet du Tarn a, par un arrêté du 25 juillet 2017, refusé d'admettre ce dernier au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays dont il a la nationalité comme destination d'une éventuelle mesure d'éloignement forcé. Il ne justifie ainsi d'aucune circonstance particulière empêchant la reconstitution de la cellule familiale en Algérie. En outre, il ne bénéficie d'aucune garantie de représentation en France, dès lors que son père s'est vu délivrer un arrêté portant obligation de quitter le territoire français, qu'il est hébergé en structure d'urgence, ce qui " ne vaut pas domiciliation postale " comme le souligne l'attestation que lui a fournie la Croix-Rouge, n'a jamais déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente à l'administration et ne dispose d'aucun document de voyage en cours de validité ni d'aucune source de revenus. S'il a effectivement suivi une assez bonne scolarité en France qui lui a permis d'obtenir un CAP et d'envisager une inscription en bac pro, il n'établit pas qu'il ne pourrait pas poursuivre cette scolarité dans son pays d'origine ni qu'il y serait privé de perspectives d'insertion professionnelle. Dans ces conditions, en prononçant à son encontre une obligation de quitter le territoire français, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. C...à une vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas non plus commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

8. Le présent arrêt rejette les conclusions à fin d'annulation de M.C.... Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies.

Sur les conclusions au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. C...sur ces fondements.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 5 février 2018 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Gil Cornevaux, président-assesseur,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 mars 2018.

Le rapporteur,

Florence Rey-GabriacLe président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

2

N° 17BX03701


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX03701
Date de la décision : 05/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : DUPOUX MORGANE

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-03-05;17bx03701 ?
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