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15/03/2018 | FRANCE | N°16BX00201

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 15 mars 2018, 16BX00201


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Garganvillar a demandé au tribunal administratif de Toulouse de juger que la voie de la Théoule est une voie communale, d'enjoindre à M. A...C...de rendre accessible cette voie et d'y retirer les peupliers, et de le condamner à lui verser une indemnité de 5 000 euros en réparation du préjudice causé.

Par un jugement n° 1202502 du 17 novembre 2015, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le

18 janvier 2016, complétée par deux bordereaux de production de pièces enregistrés le 15 févr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Garganvillar a demandé au tribunal administratif de Toulouse de juger que la voie de la Théoule est une voie communale, d'enjoindre à M. A...C...de rendre accessible cette voie et d'y retirer les peupliers, et de le condamner à lui verser une indemnité de 5 000 euros en réparation du préjudice causé.

Par un jugement n° 1202502 du 17 novembre 2015, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 janvier 2016, complétée par deux bordereaux de production de pièces enregistrés le 15 février 2016 et le 23 mai 2016, la commune de Garganvillar, prise en la personne de son maire, représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 17 novembre 2015 ;

2°) de juger que la voie de la Théoule est une voie communale ;

3°) d'enjoindre à M. C...de rendre accessible cette voie et de retirer les peupliers dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de condamner M. C...à lui verser une indemnité de 5 000 euros en réparation du préjudice causé ;

5°) de mettre à la charge de M. C...la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la voie en cause est clairement identifiée sur les plans cadastraux. Elle n'a jamais pu être acquise par M.C..., le domaine public étant imprescriptible. Elle est située dans le prolongement de la route départementale n° 99 qui appartient au domaine public et longe la Gimone, qui appartient également au domaine public. Le moulin de la Théoule a été classé monument historique. Le chemin doit donc pouvoir donner accès à ce monument et aussi aux berges de la Gimone. Il s'agit donc d'un accessoire indissociable du domaine public. Il ressort du courrier de la direction générale des finances publiques que ce chemin est affecté à la circulation du public. Il s'agit d'un chemin non cadastré qui lui appartient donc nécessairement ;

- il résulte de l'article L. 3111-1 du code général de la propriété des personnes publiques que les biens du domaine public sont inaliénables et imprescriptibles. M. C...porte donc atteinte à son droit de propriété et devra en conséquence libérer le chemin et lui verser une indemnité de 5 000 euros en réparation de son préjudice.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2016, M. A...C..., représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce que la commune de Garganvillar lui verse la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la requête est une copie de celle de première instance et ne comporte aucune critique du jugement. Cette requête étant ainsi insuffisamment motivée, elle est irrecevable ;

- si la question de l'appartenance d'un bien au domaine public relève effectivement de la compétence des juridictions administratives, la commune ne rapporte nullement la preuve du caractère domanial du chemin en cause. La voie et le pont ne sont pas classés dans la voirie communale. Aucune servitude ne grève sa propriété. Contrairement à ce qui est soutenu, la Gimone n'est pas une voie navigable et flottable. Elle n'appartient pas au domaine public, ses berges appartenant jusqu'à la moitié du lit aux riverains. Un monument historique peut être privé et n'a pas à être accessible au public. Le cadastre établi dans la première moitié du XIXème siècle ne fait pas figurer ce chemin. Il s'agit donc d'une voie privée qui n'appartient pas au domaine public. A supposer que le chemin ait existé, il ne pouvait être qu'un chemin rural. Il ne prolonge pas le CD 99 dès lors qu'il est en contrebas de deux mètres ;

- la question de la propriété du chemin relève de la compétence du juge judiciaire. La circonstance que le chemin ait été utilisé par des particuliers n'emporte pas intégration dans le domaine public. Le pont lui appartient depuis 1975 et il existait déjà un portail destiné à en interdire l'accès au public. A cette époque, ce chemin n'existait pas et n'était d'ailleurs pas accessible à partir du chemin départemental puisqu'il était situé en contrebas de celui-ci. Les époux C...ont planté des peupliers depuis plus de 30 ans, caractérisant ainsi une usucapion trentenaire.

Par ordonnance du 23 mai 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 juin 2017 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de la voirie routière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Paul-André Braud,

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

- et les observations de MeB..., représentant la commune de Garganvillar et celles de Me Coronat, avocat de M.C....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C...ont fait l'acquisition en 1975 d'un ensemble foncier dit " moulin de Théoule " situé pour partie sur le territoire de la commune de Garganvillar, composé notamment des parcelles cadastrées section B 717 à B 719. Entre 2007 et 2009, la commune de Garganvillar a adressé plusieurs mises en demeure à M. et Mme C...afin de rendre accessible à tout passage la " voie communale n°6 " et d'y retirer les peupliers plantés. Alors que ces mises en demeure restaient vaines, le conseil municipal de Garganvillar a, par une délibération du 24 septembre 2010, décidé de " rouvrir la voie communale " dans le cadre de la création d'un chemin de randonnée. Ce tronçon de chemin étant toujours occupé par M. et MmeC..., la commune de Garganvillar a demandé au tribunal administratif de Toulouse de constater que ce tronçon appartient bien au domaine public, d'enjoindre à M. C...de rétablir l'accès à cette voie et d'y retirer les peupliers, et de le condamner à lui verser une indemnité de 5 000 euros en réparation des préjudices causés. La commune de Garganvillar relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 17 novembre 2015 rejetant ses demandes.

2. Aux termes de l'article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public. ". Aux termes de l'article L. 2111-2 de ce code : " Font également partie du domaine public les biens des personnes publiques mentionnées à l'article L. 1 qui, concourant à l'utilisation d'un bien appartenant au domaine public, en constituent un accessoire indissociable. ". Aux termes de l'article L. 141-1 du code de la voirie routière : " Les voies qui font partie du domaine public routier communal sont dénommées voies communales (...) ". Aux termes de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime : " Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune. "

3. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des plans cadastraux, que le chemin en cause relie les parcelles cadastrées section B 718 et B 719 le long de la berge de la Gimone. Il ressort des actes de ventes notariés en date du 20 octobre 1960 et des 7 et 15 juillet 1975 que M. et Mme C...ont fait l'acquisition en 1975 d'un ensemble comprenant notamment le moulin de Théoule, classé monument historique, ses dépendances et des terrains, dont, pour ce qui concerne le territoire de la commune de Garganvillar, les parcelles cadastrées section B 637, B 717, B 718 et B 719 situées de l'autre coté de la Gimone sur lesquelles passe le chemin, ainsi que les ponts dépendant du moulin. Si la commune de Garganvillar soutient que ce chemin constitue une voie communale, les actes de propriété susénoncés n'en font pas mention et les plans cadastraux ne le désignent pas comme une voie communale. La délibération du 8 janvier 2016 demandant aux services du cadastre d'intervertir les dénominations de l'ancienne voie communale n°6 et du chemin rural de la Teule ne saurait être regardée comme classant une portion de chemin dans la voirie communale. Ainsi, ni les plans ni aucune autre pièce ne permettent d'établir l'existence d'un classement en tant que voie communale. En outre, si la commune de Garganvillar soutient que ce chemin a été affecté à l'usage du public et qu'il n'a pu être utilisé à cause des peupliers qui ont été plantés par M. et Mme C...à la fin des années 70, les attestations contradictoires produites par les parties ne permettent pas de l'établir. De plus, il ressort du rapport de l'expertise diligentée à la demande de M.C..., non contredit par les autres pièces versées au dossier, que si le chemin se trouve dans la continuité de la route départementale 99, comme indiqué sur les plans cadastraux, il est en réalité situé à 2m50 en contrebas de celle-ci. Son emplacement ne permet donc pas davantage d'établir l'existence d'un usage par le public. Par ailleurs, il n'est ni établi ni même allégué que la commune de Garganvillar aurait entretenu ou réalisé un aménagement sur ce chemin, et il n'est pas davantage démontré que la Gimone serait un cours d'eau domanial, ce qui serait au demeurant indifférent en ce qui concerne la caractérisation du chemin qui la longe. Contrairement à ce que soutient la commune, les circonstances que ce chemin desserve un monument historique, qui de surcroît est une propriété privée, et qu'il doit être emprunté pour accéder aux berges de la Gimone ne permettent pas de le regarder, à supposer qu'il soit propriété de la commune, ce que seule la juridiction judiciaire est compétente pour dire, comme faisant partie du domaine public en application de l'article L. 2111-2 du code général de la propriété des personnes publiques. Dès lors que les pièces versées au dossier ne permettent pas d'établir que le chemin en cause appartienne au domaine public de la commune de Garganvillar, les demandes de cette dernière tendant à la remise en état de ce chemin et au versement d'une indemnité de 5 000 euros ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par M. et Mme C...ni même sur la recevabilité de la demande, que la commune de Garganvillar n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.C..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la commune de Garganvillar au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Garganvillar la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. C...et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Garganvillar est rejetée.

Article 2 : La commune de Garganvillar versera à M. C...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Garganvillar et à M. A... C....

Délibéré après l'audience du 8 février 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

M. Paul-André Braud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 mars 2018.

Le rapporteur,

Paul-André BRAUDLe président,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No 16BX00201


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX00201
Date de la décision : 15/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

24-01-01-01-01-02 Domaine. Domaine public. Consistance et délimitation. Domaine public artificiel. Biens faisant partie du domaine public artificiel. Voies publiques et leurs dépendances.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SCP LARROQUE - REY - ROSSI

Origine de la décision
Date de l'import : 20/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-03-15;16bx00201 ?
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