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20/03/2018 | FRANCE | N°16BX00903

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 20 mars 2018, 16BX00903


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner l'État à lui verser la somme de 20 128,44 euros assortie des intérêts en raison des préjudices que lui a causé son licenciement.

Par un jugement n° 1301099 du 28 janvier 2016, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 mars 2016, et un mémoire complémentaire, enregistré le 17 mai 2017, M.B..., représenté par MeE..., demande à la co

ur :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 28 janvier 2016 ;

2°) de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner l'État à lui verser la somme de 20 128,44 euros assortie des intérêts en raison des préjudices que lui a causé son licenciement.

Par un jugement n° 1301099 du 28 janvier 2016, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 mars 2016, et un mémoire complémentaire, enregistré le 17 mai 2017, M.B..., représenté par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 28 janvier 2016 ;

2°) de condamner l'État à lui verser la somme de 20 128,44 euros assortie des intérêts de droit à compter du 22 mars 2013 en raison des préjudices que lui a causé son licenciement ;

3°) de mettre à la charge de l'État, outre les entiers dépens, la somme de 2 500 euros au titre des frais exposés pour l'instance.

Il soutient que :

- compte tenu, en particulier, du caractère involontaire de la faute qui lui est reprochée, il n'est pas établi qu'il aurait été licencié si le ministre s'était prononcé à l'issue d'une procédure régulière ;

- la sanction de licenciement est disproportionnée au regard de la faute qui lui est reprochée ;

- la brutalité, l'arbitraire, le caractère vexatoire et la disproportion manifeste de la décision de licenciement prise au cours d'une période d'essai non valable et la méconnaissance récurrente de la procédure lui ont causé un préjudice tant matériel que moral.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 avril 2017, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'eu égard à la gravité de la faute commise, il aurait pris la même décision s'il s'était prononcé à l'issue d'une procédure régulière et qu'il n'existe pas de lien de causalité entre les préjudices invoqués et la faute de l'administration.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n°86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.C...,

- les conclusions de M. Katz, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., représentant M.B....

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., professeur de mathématiques non titulaire de l'enseignement agricole, a été licencié, à compter du 1er novembre 2011, par un arrêté du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire qui lui a été adressé le 12 novembre 2011. M. B...demande à la cour d'annuler le jugement du 28 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'État à lui verser la somme de 20 128,44 euros assortie des intérêts légaux en réparation des préjudices que lui a causé ce licenciement.

Sur la responsabilité de l'État :

En ce qui concerne la régularité de la décision litigieuse :

2. D'une part, aux termes de l'article 9 du décret n°86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l'État : " Le contrat ou l'engagement peut comporter une période d'essai dont la durée peut être modulée en fonction de celle du contrat ". Toutefois, une période d'essai ne peut être valablement stipulée lorsque le contrat est renouvelé à son expiration, pour les mêmes fonctions et par le même employeur, celui-ci ayant déjà pu apprécier les capacités professionnelles de l'agent.

3. D'autre part, aux termes de l'article 1-2 du décret n°86-83 du 17 janvier 1986 : " Dans toutes les administrations de l'État et dans tous les établissements publics de l'État, il est institué, par arrêté du ministre intéressé ou par décision de l'autorité compétente de l'établissement public, une ou plusieurs commissions consultatives paritaires (...) Ces commissions sont obligatoirement consultées sur les décisions individuelles relatives aux licenciements intervenant postérieurement à la période d'essai au non-renouvellement du contrat des personnes investies d'un mandat syndical et aux sanctions disciplinaires autres que l'avertissement et le blâme. ". En vertu de l'article 44 du même décret : " L'agent non titulaire à l'encontre duquel une sanction disciplinaire est envisagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous documents annexes et à se faire assister par les défenseurs de son choix. L'administration doit informer l'intéressé de son droit à communication du dossier. ". Enfin, l'article 47 du même décret prévoit que : " Le licenciement ne peut intervenir qu'à l'issue d'un entretien préalable. La convocation à l'entretien préalable est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation. ".

4. Il résulte de l'instruction que M. B...a été recruté à compter du 1er septembre 2010 par un contrat d'une durée d'un an assorti d'une période d'essai de deux mois. Ce contrat a été renouvelé le 19 août 2011 pour une durée identique et à compter du 1er septembre 2011. Par conséquent, l'intéressé n'était plus astreint à une période d'essai. Il résulte également de l'instruction qu'il n'a été convoqué à un entretien, qualifié par le ministre de préalable, que le 24 octobre 2011 alors que la décision de procéder à son licenciement avait déjà été prise ainsi qu'il ressort d'une lettre que lui a adressé le sous-directeur mobilité, emploi et carrière le 21 septembre précédent. Enfin, il n'est pas contesté en défense qu'il n'a pas eu accès à son dossier, en particulier, qu'il n'a pas eu connaissance des documents (rapports de ses supérieurs hiérarchiques, témoignages des élèves) sur la base desquels a été prononcé son licenciement et que la commission administrative paritaire n'a pas été consultée préalablement à ce licenciement.

5. Dans ces conditions et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, le licenciement de M. B... est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière, en méconnaissance des dispositions précitées des articles 1-2, 44 et 47 du décret du 17 janvier 1986.

En ce qui concerne le bien fondé de la décision litigieuse ;

6. Il résulte de l'instruction, en particulier des cinq témoignages d'élèves produits par le ministre, que, le 20 octobre 2011, MB..., très agacé par le comportement d'une élève, a violemment secoué la table derrière laquelle celle-ci était assise, qu'il a reposé un des pieds de cette table sur l'un des pieds de cette élève et ne s'est pas excusé. L'élève concernée a alors quitté la classe pour faire constater des ecchymoses et un hématome qui ont justifié trois jours d'incapacité temporaire totale. Toutefois, ces témoignages, les seuls que le ministre a produits à l'instance sur les dix sept qu'il a indiqué avoir recueillis, ne permettent aucunement d'établir que les blessures infligées par M. B...ont présenté un caractère délibéré. En outre, si le ministre fait valoir que cet incident n'est pas isolé et produit à l'appui de cette allégation, outre les témoignages susmentionnés, la plainte des parents d'une autre élève, il ressort de la lettre du 21 septembre 2011 informant M. B...de son licenciement, de la lettre du 24 septembre suivant le convoquant à un entretien et de l'arrêté de licenciement lui-même que cet arrêté est uniquement fondé sur les violences commises par M. B...le 20 octobre 2011 ainsi que sur leur caractère volontaire.

7. Il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le licenciement prononcé à son encontre n'était pas disproportionné à la gravité des faits reprochés à M. B...et, par suite, que l'illégalité de cette sanction n'était pas de nature à engager la responsabilité fautive de l'État. Il est également fondé, par voie de conséquence, à demander l'annulation du jugement attaqué du 28 janvier 2016.

8. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les conclusions indemnitaires présentées par M.B....

Sur le préjudice :

9. En premier lieu M. B...ne justifie pas que son licenciement lui aurait causé un préjudice financier ou des troubles dans ses conditions d'existence. Par suite, il n'est pas fondé à demander que l'État soit condamné à l'indemniser de son préjudice matériel.

10. En second lieu, eu égard au caractère disproportionné de la sanction prise à l'encontre de M. B...ainsi que de l'irrégularité de la procédure à l'issue de laquelle elle a été prononcée, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral que lui a causé ce licenciement en le fixant à la somme de 4 000 euros. Cette somme sera assortie des intérêts légaux à compter du 26 mars 2013, date de réception de la demande préalable formée par M.B....

Sur les frais exposés pour l'instance :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État, partie perdante, une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Limoges n° 1301099 du 28 janvier 2016 est annulé.

Article 2 : L'État est condamné à verser la somme de 4 000 euros à M. B...en réparation de ses préjudices. Cette somme sera assortie des intérêts légaux à compter du 26 mars 2013.

Article 3 : L.'État versera la somme de 1 500 euros à M. B...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Délibéré après l'audience du 15 février 2018 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 mars 2018

Le rapporteur,

Manuel C...Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N°16BX00903


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX00903
Date de la décision : 20/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-10-06-02 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Licenciement. Auxiliaires, agents contractuels et temporaires.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : SCP DAURIAC PAULIAT - DEFAYE BOUCHERLE MAGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-03-20;16bx00903 ?
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